Ne manquent que des représentants de Mayotte, de Saint-Pierre et Miquelon et de Wallis et Futuna pour compléter la photo de famille. Une vingtaine d’élus d’Outre-mer, députés, sénateurs, élus européens ou présidents de région, signent ce dimanche une tribune pour réclamer une réponse politique à la crise qui secoue la Nouvelle-Calédonie depuis six jours. Originaires du Caillou, de La Réunion, des Antilles, de Guyane et de Polynésie, ils demandent le retrait du projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral calédonien, dont le vote à l’Assemblée en début de semaine a mis le feu aux poudres.
Le texte prévoit d’ouvrir le corps électoral pour les élections provinciales, resté figé en 1998 pour protéger les fragiles équilibres politiques de l’archipel et préserver les suffrages des Kanaks, rendus minoritaires sur leur territoire. Concrètement, environ 25 000 personnes, y compris pour certaines nées en Nouvelle-Calédonie, sont exclues des listes électorales. Mais ce qui était acceptable il y a 25 ans ne l’est plus selon le gouvernement et les non-indépendantistes, qui considèrent qu’une page s’est tourné après le troisième référendum sur l’indépendance de 2021, et qu’il est désormais temps de revenir sur ce gel provisoire des listes électorales. Faute d'accord après l'échec des négociations entre indépendantistes et non-indépendantistes ces derniers mois, le gouvernement a proposé sa propre réforme. Le projet gouvernemental imagine un corps électoral glissant : les listes ne seront pas figées à une date précise, mais, pour voter, il faudra justifier d'au moins dix ans de présence sur le territoire.
Une "réponse politique" plutôt que "sécuritaire"
Un passage en force que regrettent les signataires de la tribune, dont la présidente de la région Réunion Huguette Bello, le président de la région Martinique, Serge Letchimy, le président du département de Guadeloupe, Guy Losbar, celui de l’Assemblée de Guyane, Gabriel Serville, ou le député européen Younous Omarjee.
En reconnaissant l’existence d’un peuple autochtone et colonisé, l'accord de Nouméa conclu en 1998 a ouvert la voie à un processus de décolonisation et d’évolution institutionnelle pacifié. (...) Cette modification sans consensus de tous les partenaires, constitue une trahison de l’esprit et de la lettre des accords de Matignon et Nouméa.
Tribune demandant le retrait du projet de loi de réforme constitutionnelle
Adressant leurs condoléances aux proches des six personnes mortes depuis le début des émeutes, les auteurs, plutôt classés à gauche, estiment que "cette modification sans consensus de tous les partenaires constitue une trahison de l’esprit et de la lettre des accords de Matignon et Nouméa", qui avaient permis d’ouvrir "la voie à un processus de décolonisation et d’évolution institutionnelle pacifié". Pour les signataires, le retrait du texte, est "un préalable à la reprise d’un dialogue apaisé". Si le projet de loi constitutionnelle a bien été adopté dans les mêmes termes à l’Assemblée nationale et au Sénat, pour entrer en vigueur, il doit encore être voté à la majorité des deux tiers par le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Un enterrement du texte est donc encore possible. L'option a même été évoquée par Emmanuel Macron : si les Calédoniens trouvent un compromis, ce sera leur proposition, et non le projet gouvernemental, qui s'appliquera.
Alors que le gouvernement a mobilisé d’importants renforts pour reprendre le contrôle de la situation, les signataires considèrent que "la réponse sécuritaire qui consiste à mettre en place des mesures exceptionnelles (…) n’apporte pas de solution". Au contraire, selon eux, "ces réponses répressives risquent d’engendrer une spirale de violence". Une fois le calme revenu, quand les routes seront débloquées, que les étals des magasins se rempliront à nouveau et que les écoles rouvriront, il faudra imaginer un nouvel accord politique. "Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile", concluent les élus.