Nouvelle-Calédonie : eau plus chaude et métaux, le secret des super coraux de Bouraké ?

Ces coraux résistent à des températures supérieures de 2 à 3°C.
Dans le lagon calédonien, des espèces de coraux parviennent à survivre dans des conditions extrêmes, sans que les scientifiques ne puissent encore l'expliquer. Mais une piste se dégage.

C’est l’un des trésors naturels de la Nouvelle-Calédonie. Sa barrière de corail est la deuxième plus grande au monde. 1 600 km d'émerveillement.

Chaque semaine ou presque, les équipes de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) sortent de leur laboratoire. Depuis des années, elles suivent scientifiquement l'état de santé des récifs calédoniens qui souffrent du réchauffement des eaux.

À l'aide d’un outil, ils mesurent la fluorescence des coraux, un indicateur de leur capacité à se reproduire. Même si elle résiste mieux que d'autres ensembles coralliens dans le monde, la barrière de corail calédonienne souffre. Un quart des coraux est désormais en mauvaise santé et ce n’est sans doute que le début. "C'est ce qui inquiète tous les laboratoires qui travaillent actuellement sur les récifs coralliens, c'est-à-dire que si la température continue à d'augmenter de la sorte, on va perdre 90% voire plus des coraux mondiaux", explique Fanny Houelbreque, chargée de recherche à l'IRD. 

Coraux bien au chaud

Pourtant, la Nouvelle-Calédonie possède un récif corallien extraordinaire et unique au monde, découvert par le chercheur italien Riccardo Rodolfo-Metalpa. Un site qui intrigue les scientifiques du monde entier, situé dans la mangrove du lagon calédonien.

Bouraké concentre aujourd'hui les principales menaces liées au changement climatique. Ici, l’acidité de l'eau est très forte, l’oxygène peu présent et surtout, la température de l'eau est déjà supérieure de 2 à 3 degrés. Un environnement invivable et pourtant, 66 espèces différentes survivent à ces conditions climatiques extrêmes. Les scientifiques les appellent les "super coraux". De quoi donner un peu d'optimisme à ce chercheur italien. "Je suis le roi de l'espoir. Toutes les fois que les gens me demandent, je donne de l'espoir c'est sûr, parce qu'on ne pensait pas que cela pouvait être possible. Dans la nature il y a des mécanismes d'adaptation", précise Riccardo Rodolfo-Metalpa, chargé de recherche à l'IRD.

66 espèces de coraux adaptées à des conditions extrêmes pour le commun des coraux. Un laboratoire extraordinaire pour les scientifiques du monde entier.

Depuis cette découverte en 2016, des équipes de scientifiques français, japonais et australiens se relayent pour tenter de percer le mystère des super coraux. Bouraké est devenu le laboratoire naturel mondial pour comprendre comment ces espèces peuvent s'épanouir, malgré les températures très élevées. Le scientifique italien multiplie ses études. "Ce qui est bizarre, c'est que les coraux d'ici que l'on pense être de super coraux, à l'extérieur dans des conditions normales ne sont pas bien, ils ne calcifient pas au même niveau. Les coraux de l'extérieur si on les met ici réagissent beaucoup mieux et grandissent plus", détaille Riccardo Rodolfo-Metalpa.

Les chercheurs privilégient aujourd'hui l’hypothèse de la présence de métaux sur ce site comme le manganèse, le fer ou le nickel dont regorge la Nouvelle-Calédonie.

Le métal comme vitamine

Dans son laboratoire, Fanny Houelbreque a découvert que différents métaux présents dans l'eau agissent comme des vitamines sur les coraux quand la température de l'eau se réchauffe. "Quand on veut un petit coup de booste, on prend des gélules de zinc, pour les coraux on se rend compte que c'est un peu la même chose. Quand on donne une dose modérée de métal, ça booste leur métabolisme tout comme nous", explique la scientifique. 

Ces coraux résistent à des températures supérieures de 2 à 3°C.

Ces ajouts de métaux pourraient-ils être une solution plus globale pour l'ensemble des récifs coralliens ? Les recherches ne font que commencer. "Ce qui serait intéressant serait de passer à l'échelle supérieure, en testant ça sur le récif. Pour cela, on devrait construire des espèces de piscine à plus grande échelle. Il faut aussi tester sur les autres organismes marins pour être sûr que cela n'a pas d'impact néfaste sur eux", ajoute Fanny Houelbreque.

Ces métaux agiraient comme des vitamines sur les coraux quand la température de l'eau se réchauffe. Les recherches ne font que commencer.

Regardez le reportage de France 2 :

©polynesie