Nuutania : surpopulation carcérale, les raisons de la discorde

Discorde entre les magistrats et la contrôleuse.
Avec un taux d’occupation de près de 135%, la population carcérale de Nuutania est bien supérieure à la moyenne nationale. Après avoir fait part de ses constats au garde des sceaux, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté est accusée par l'union syndicale des magistrats d’outrepasser ses fonctions.

« Un empiètement non acceptable dans la sphère de l’acte juridictionnel » : l’union syndicale des magistrats (USM) s’insurge suite au rapport de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté qui pointe des dysfonctionnements et des « atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes détenues » en Polynésie.

Chacun son rôle

Pour l’USM, Dominique Simonot n’est pas dans son rôle :

« Elle est chargée de contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté, je cite la loi. On voit bien que le CGLPL n'est pas en charge d'apprécier ou de contrôler l'activité ou l'organisation des tribunaux. Les conditions de détention dans le Territoire national et encore plus dans les outremers ne sont pas satisfaisantes il faut le dire. Après, ce qui n'est pas entendable non plus, c'est de dire que les magistrats sont les principaux responsables », estime Ludovic Friat, secrétaire national de l'USM.

La contrôleuse générale, évoque bien une politique pénale illisible et critique les juges qui refuseraient quasi-systématiquement les aménagements de peine. Des refus qui seraient la cause de la surpopulation carcérale. Le phénomène n’est pas un mythe : l’Etat a déjà été condamné plus de 500 fois pour atteinte à la dignité des détenus. Nuutania est concernée. L'établissement a été condamné par la Cour européenne des droits de l'Homme en 2020 pour conditions indignes de détention. 

Politique pénale pointée du doigt

Pour l’avocat Me Millet « la contrôleur générale est dans son rôle lorsqu'elle dénonce tout ça. » Il évoque une politique pénale plus sévère que dans l’hexagone.

« Il y a déjà deux 2,3 fois plus de places de prison en Polynésie française qu'en France. Et pour remplir ces places de prison, on a une politique pénale clairement sévère et répressive, beaucoup plus qu'elle ne l'est en France. Ce qui fait qu'en Polynésie, on risque à peu près deux à trois fois plus au niveau de la peine d'emprisonnement. C'est une réalité que l'on retrouve dans beaucoup de dossiers, notamment en matière de stupéfiants. Il y a ce problème de politique pénale qui fait rentrer beaucoup de personnes en prison pour longtemps. » 

Ajoutez à cela une réinsertion compliquée pour les détenus qui sortent de prison avec des exigences de contrats salariés. « Si son projet professionnel est une petite entreprise individuelle, c'est souvent refusé. On va exiger un contrat de travail salarié, ce que la loi n'exige absolument pas. Donc c'est un vrai problème. Cela freine beaucoup de sorties. Il y a aussi des problèmes techniques, des problèmes de financements, on n'a pas tellement aujourd'hui en Polynésie de possibilités de faire de la semi-liberté par exemple », regrette l'avocat.

Dominique Simmonot a également chargé l'inspection générale de mener une enquête sur les pratiques au tribunal de Papeete. 

L’union syndicale des magistrats demande aujourd‘hui au ministre de la justice de clarifier le rôle de la contrôleuse générale, un débat de principe selon le syndicat.

Condamné à plusieurs reprises, l'Etat a déjà indemnisé les prisonniers pour atteinte à la dignité des détenus.