ONU : des experts s'alarment de la situation du peuple autochtone kanak en Nouvelle-Calédonie

Le siège de l'ONU à New York
Quatre rapporteurs spéciaux de l'ONU se sont dits alarmés par la situation des Kanak en Nouvelle-Calédonie, archipel français du Pacifique sud où des émeutes ont éclaté en mai suite à un projet de réforme électorale. De leur côté, les deux principales formations non-indépendantistes de Nouvelle-Calédonie ont dénoncé la "désinformation" des quatre rapporteurs.

L'examen au Parlement français d'un projet de réforme électorale accusé de marginaliser la population autochtone a été le point de départ d'une vaste mobilisation indépendantiste dégénérant en émeutes à partir du 13 mai.

Ce projet "menace de démanteler les autres acquis majeurs de l'accord de Nouméa liés à la reconnaissance de l'identité autochtone Kanak, des diverses institutions coutumières Kanakes, ainsi que du droit coutumier, et des droits fonciers", ont déclaré les quatre experts indépendants de l'ONU dans un communiqué, qui sont mandatés par le Conseil des droits de l'homme mais ne s'expriment pas au nom de l'organisation.

"Abrogation complète"

Une révision constitutionnelle prévoit que les élections, actuellement réservées aux natifs et aux résidents arrivés avant 1998 (accord de Nouméa) et à leurs descendants, soient ouvertes aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie.

Le gel du corps électoral depuis plus de 25 ans évince des élections près d'un électeur sur cinq. Les indépendantistes y sont toutefois attachés, craignant que le dégel ne "minorise encore plus le peuple autochtone kanak".

"La tentative de démantèlement de l'accord de Nouméa porte gravement atteinte à leurs droits humains et à l'intégrité du processus global de décolonisation (...)Le gouvernement français n'a pas respecté les droits fondamentaux à la participation, à la consultation et au consentement libre, préalable et éclairé des Peuples Autochtones Kanaks et de ses institutions, y compris le Sénat coutumier".

Les experts de l'ONU

Le communiqué est signé par les Rapporteurs spéciaux sur les droits des Peuples Autochtones, Jose Francisco Cali Tzay; sur les les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, Gina Romero; sur les formes contemporaines de racisme, Ashwini K.P.; et sur la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Irene Khan.

Ils affirment avoir été informés qu'à l'issue des élections législatives françaises, le projet de loi modifiant la composition du corps électoral a été suspendu, mais ils demandent son "abrogation complète". Les violences qui touchent la Nouvelle-Calédonie depuis trois mois, ont provoqué la mort de onze personnes, dont deux gendarmes.

Les Rapporteurs considèrent que le gouvernement français a déployé "des moyens militaires et un usage excessif de la force" lors des émeutes, et se disent "particulièrement préoccupés par les allégations concernant l'existence de milices lourdement armées de colons opposés à l'indépendance".

Les non-indépendantistes répondent

"Les Loyalistes et le Rassemblement-LR considèrent que la communication partisane de quatre hauts fonctionnaires de l'ONU (...) est une faute politique grave" qui "ternit durablement le travail jusqu'alors respectable des Nations unies sur la question calédonienne"

Les non-indépendantistes

Pointant "les nombreuses erreurs contenues dans cette communication", les Républicains et le Rassemblement-LR répondent que "la France ne démantèle pas l'Accord de Nouméa, elle l'applique simplement" et rappellent que trois référendums d'autodétermination "supervisés par l'ONU" ont été organisés en 2018, 2020 et 2021.

"Le 13 mai, la CCAT (groupe accusé par le gouvernement d'avoir organisé les émeutes) a organisé un coup d'État pour arracher par la violence ce que les indépendantistes n'ont pu gagner par les urnes", ajoute le communiqué.