Papeete : pourquoi y a-t-il toujours autant de SDF ?

Certains SDF se douchent dans la rue
Six mois après l’ouverture de Te Vai Ete Api, un centre de jour pour les sans abris, ils sont encore nombreux à faire la manche dans la capitale. 300 personnes stigmatisées par la société, que les associations peinent à réinsérer. Mais pourquoi ? Éléments de réponse avec Kaline Lienard et Jérôme Lee.

Se doucher à la vue de tous ou attendre 8h du matin à l’ouverture du centre. Un choix quotidien pour ces oiseaux de la rue comme les appelle Père Christophe. Des personnes souvent jugées par les regards des passants, sans qu'ils ne connaissent leur histoire. 

"Avant, on allait aussi se baigner au parc Bougainville. Heureusement qu’il y a le centre Te Vai Ete Api, donc du coup on peut se baigner le matin. Par contre le soir, il faut chercher un moyen pour se baigner", confie une jeune femme qui vit à la rue depuis des années. Elle a dû se prostituer pendant quatre ans pour survivre. "Il n'y avait pas d’autres moyens. Je savais qu'en ce temps-là, il y avait Père Christophe, il y avait le café et tout, du coup on allait se prostituer derrière."

Solidarité et courage 

Malgré les traumatismes de la vie, certains oiseaux prennent doucement leur envol. C’est le cas de Aute… "J’ai repris contact avec ma famille pour avoir une stabilité au niveau domicile. Donc j’ai pu me sortir de la rue et je me suis dit que j’allais me reprendre en main et suivre une formation. C'est le cas à ce jour.  Mais, je n’oublie pas mes amis de la rue, je viens toujours les voir et les encourager à se reprendre en main."

La solidarité et le courage ont poussé Apetahi à s’inscrire au Hakathon, une initiative de l’association Te Torea. Depuis six mois, elle travaille mais cela ne suffit pas. "Les structures du gouvernement font qu'on va rester dans la rue. Les loyers sont très chers, si tu vas demander de l’aide à ISPF, c’est prioritaire plutôt à des familles. Et non pas à des couples homosexuels"

"On fait face à une administration qui est déconnectée de la réalité, et qui ne comprend pas que quand tu travailles avec des personnes dans la rue, tu peux pas monter un projet, pour le mettre en route six mois après."

Père Christophe

Ouvert il y a six mois à Mamao, le centre répond aux besoins urgents. Repas, machine à laver et sèche linge, douche d’eau chaude sont à disposition… Sans l'aide de Père Christophe, la vie serait plus difficile. "Je pense qu’on serait en prison, admet Scanos bien connu pour ses TikTok, Parce que les vols vont s’aggraver. Je remercie Père Christophe d’être là pour nous."

"C’est une ambiance beaucoup plus agréable, ils prennent soin du lieu parce qu’ils ont vraiment le sentiment que c’est chez eux. Et après il nous reste maintenant, pour nous, la partie la plus laborieuse : c’est d’essayer de mettre des formations en place. On fait face à une administration qui est déconnectée de la réalité, et qui ne comprend pas que quand tu travailles avec des personnes dans la rue, tu ne peux pas monter un projet, pour le mettre en route six mois après.", explique Père Christophe. 

Chaque mois, ils sont 300 à fréquenter ce centre. Mais il y a aussi les sans-abris qui meurent dans l’indifférence. Sept sont décédés dans la rue en 2023, et un papi de 66 ans est mort à Faa’a en ce début d’année. Cette structure est plus que nécessaire mais ne suffit pas à endiguer le problème. Aujourd’hui, le centre tente aussi d’obtenir une convention pour assurer un suivi médical et psychiatrique. Une trentaine de SDF sont diagnostiqués et suivis pour des troubles mentaux.