Prostitution de mineur, le procès s'écroule

Archives. Entrée du tribunal de Papeete.
Après 9 heures d’audience ce jeudi 9 mars, le tribunal correctionnel de Papeete s’est finalement déclaré incompétent pour juger les 12 hommes qui comparaissaient dans une affaire de prostitution de mineure. La jeune fille avait 14 ans au moment des faits. Des faits de nature criminelle pour le tribunal, qui s’est appuyé sur une loi de 2021. Tout recommence à zéro.

Tout recommence à zéro. Le tribunal correctionnel de Papeete n’a même pas examiné les faits, ce jeudi 9 mars.

Après 9 heures d’audience et de multiples débats sur des points de procédure, le tribunal s’est finalement déclaré incompétent. Avoir des relations sexuelles avec une mineure de moins de 15 ans, ce sont des faits de nature criminelle, estime le tribunal qui s’appuie sur une loi récente d’avril 2021. Le texte stipule que lorsqu’il y a des relations sexuelles entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur et que l’écart d’âge est supérieur à 5 ans, c’est un viol.

Les faits ne sont donc plus délictuels.

 

En clair, le dossier repart dans les mains du ministère public, l’instruction recommence à zéro. En attendant, les 12 prévenus sont tous repartis libres. Seul l’un d’entre eux, policier, est sous le coup d’une suspension administrative de la part de sa hiérarchie. La procureure avait requis 4 placements en détention provisoire, mais là encore, le tribunal s’est déclaré incompétent. « On est tous sidérés par la façon dont a été traitée ce dossier aujourd’hui, a déclaré Me Edouard Varrod, avocat de la défense. C’est une espèce de vengeance judiciaire en essayant de faire emprisonner des gens contre lesquels on n’avait jamais demandé d’emprisonnement auparavant, c’est absurde. »

 

A la barre, les avocats de la défense n’ont pas hésité à parler de « naufrage procédural » « Le message est que le travail et les poursuites telles qu’elles ont été décidées ne tenaient pas la route, a déclaré l’avocat marseillais d’un des prévenus, Me Denis Fayolle. Ce dossier est anéanti. Il y aura des suites, mais nous serons ravis de nous en expliquer. »

 

CE QUE LA JUSTICE LEUR REPROCHAIT

Ils étaient 12 hommes à comparaître dans cette affaire de prostitution de mineur. Tous avec un profil bien différent : policier, médecin, haut fonctionnaire, agriculteur, maçon, chauffeur-livreur…aucun ne se connaissait, mais tous ont pris contact par le biais d’une page Facebook, avec la jeune fille. Âgée de 14 ans au moment des faits, c’était parfois une copine âgée de 16 ans ou une cousine de 19 ans qui organisaient les rendez-vous. « Où sont les proxénètes aujourd’hui ? Où est la famille ? » a demandé la défense. Elles auraient prélevé un pourcentage sur le montant des passes. Les deux jeunes femmes ont comparu pour des faits de proxénétisme simple en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) en février dernier, mais cela a été renvoyé.

« On ne peut pas d’une part renvoyer des proxénètes, qui connaissaient parfaitement l’âge de la protagoniste principale et qui profitaient de sa prostitution, en CRPC pour prostitution simple et renvoyer les clients, qui ne savaient pas son âge, pour prostitution de mineur. Tout est incohérent » ont fustigé les avocats de la défense.

Les rencontres avaient lieu dans la voiture des prévenus ou encore dans des hôtels ou des studios loués pour l’occasion, à Papeete et Pirae.

La jeune fille, en grande fragilité sociale, était déjà suivie par la DSFE. C’est un travailleur social qui fera le signalement à la justice.

Mais ce matin, elle ne s’est pas présentée à l’audience et son avocate, Me Kari Lee Armour-Lazzari, reconnaît ne plus avoir de ses nouvelles : « C’est une jeune fille qui n’a pas les repères des autres filles de son âge. Elle est née dans cette ambiance, n’a pas de mère qui s’occupe d’elle comme il aurait fallu et s’est adonnée à cette prostitution malgré elle, n’ayant pas d’autre exemple à suivre. Elle est victime de ces hommes majeurs qui n’auraient jamais dû avoir recours à ses services. »

 

En correctionnelle, les 12 prévenus encouraient jusqu’à 10 ans de prison et une inscription au FIJAIS (Fichier Informatisé des Auteurs d’Infractions Sexuelles). Si le dossier est criminalisé, ils comparaîtront aux assises où ils encourent 15 ans de prison pour viol. Les avocats de la défense espèrent également que les proxénètes seront jointes au dossier. Elles encourent, elles, jusqu’à 20 ans de prison, si l’affaire aboutit aux assises. En revanche, si le dossier passe en CRPC, les mis en cause peuvent écoper d’une simple amende.