Vahaamahina, 31 ans, 46 sélections...et jeté par son club comme un vieux mouchoir, ou presque. Après huit ans de bons et loyaux services au sein de l'ASM Clermont et plusieurs commotions cérébrales, le Wallisien reçoit un courrier de la fédération française de rugby indiquant le retrait de sa licence "à la suite d'une lettre du médecin de l'ASM et une recommandation de la commission médicale devant laquelle je n'ai jamais été convoquée", indique le joueur, qui n'aurait donc reçu aucune information préalable.
Lourdes séquelles
Ses blessures liées au rugby empêchent le Wallisien de jouer avec Clermont depuis le 10 décembre 2022. "En six ans, c'est la dixième [commotion] répertoriée. Il y en a eu d'autres, mais elles n'ont apparemment pas été enregistrées dans mon dossier médical. J'ai des symptômes de plus en plus fort après chaque commotion, avec un impact sur ma vie de joueur de rugby professionnel mais aussi sur ma vie privée", a confié Vahaamahina au quotidien sportif L'Equipe, racontant ses "maux de tête", ses "vertiges", sa "fatigue."
Un jour, alors qu'il se rendait au stade seul au volant, "je me suis endormi sur le parking en arrivant, tellement j'étais épuisé d'avoir conduit même pas quinze minutes. On a dû aussi repousser mon opération du nez car l'anesthésie n'était pas conseillée dans mon état", a-t-il poursuivi.
Après deux opérations, l'ancien joueur de Brive et de Perpignan, arrivé à Marcel-Michelin (Clermont-Ferrand) en 2014, a "repris une vie presque normale", mais continue à vivre avec "une épée tranchante au-dessus de la tête."
"Comme s'ils avaient tout effacé"
"Cinq mois ont passé et ils (les dirigeants de Clermont, NDLR) auraient pu me faire une proposition décente et claire pour terminer correctement mon histoire avec le club. S'ils ne l'ont pas fait, c'est qu'ils ne veulent pas le faire. Le club continue à gagner du temps et espérer que je baisse les bras. Je pensais mériter plus de respect. Je suis déçu et blessé", a affirmé le deuxième ligne.
Vahaamahina est particulièrement remonté contre son club et pointe le manque de considération de ses dirigeants : "j'ai compris que l'ASM avait sûrement autre chose à faire que de s'occuper de ses vieux soldats. J'ai honte pour mon club. J'ai dit aux dirigeants qu'ils avaient tout gâché, comme s'ils avaient tout effacé. J'étais programmé pour jouer, pour tout donner et performer", déplore-t-il. "[Les clubs] devaient et doivent nous protéger. Les joueurs ont des devoirs mais aussi des droits. Ils sont pressés d'en finir avec moi. Tout cela est injuste. Ils n'assument pas. On est comme des voitures pour eux. Et quand on est foutu, on part à la casse", décrit encore Vahaamahina, estimant que "à plusieurs reprises, les délais de repos après commotions n'ont pas été respectés."
Un parmi tant d'autres
Vahaamahina n'est pas le seul à souligner ce manque d'accompagnement. Il est le troisième joueur de l'ASM à le dénoncer, après le deuxième ligne Jamie Cudmore et le troisième ligne Alexandre Lapandry. Ces derniers ont par ailleurs déposé plainte contre l'ASM pour "mise en danger de la vie d'autrui."
Le Wallisien, natif de Nouméa, vient ajouter son nom à la liste grandissante de joueurs qui signalent les manquements des autorités, tels que l'ancien pilier des All Blacks, Carl Hayman ou l'ex-talonneur de l'équipe d'Angleterre de rugby à XV, Steve Thompson. Le Néo-Zélandais et l'Anglais, tous deux passés par le Top 14, font partie d'un groupe d'une quinzaine de joueurs qui, en novembre, a déposé un recours en justice contre les instances du rugby français pour manquement à leurs obligations de sécurité et d'information. Ils sont plus de 200 à accuser World Rugby, ainsi que les fédérations anglaise et galloise, de ne pas les avoir suffisamment protégés contre les commotions cérébrales.
Contacté par l'AFP, l'ASM n'a pas souhaité réagir. Seul l'entraîneur de Clermont Christophe Urios s'est exprimé. Il s'interroge : "depuis mon arrivée fin décembre, il y a eu pas mal d'infos de ce genre. Donc on s'habitue ! (...) Il y a quand même un côté surprenant à tout cela", a-t-il lâché, sans vouloir en dire plus.
Les joueurs, à l'image d'Arthur Iturria, ont surtout eu une pensée pour leur coéquipier, forcé de mettre un terme à sa carrière : "c'est un compétiteur, un garçon qui adore jouer au rugby et c'est compliqué de ne pas l'avoir à nos côtés. (...) Maintenant, c'est toujours délicat ces histoires de commotion et je vois un joueur et un club qui sont dans le flou, ce qui ne fait jamais plaisir", a-t-il conclu.