Territoriales Polynésie 2023 : le Tapura défend sa politique, le Tavini en veut une autre

Avant le 2e tour des territoriales, les face-à-face entre les listes encore en lice reprennent. Ce matin, Tiare Trompette pour les Rouge-Orange et Moetai Brotherson pour les Bleus ont confronté leurs idées sur différents domaines : indépendance, économie ou social. Un débat très instructif.

"Comment faire pour rattraper les 5000 voix qui séparent les autonomistes du Tapura et les indépendantistes du Tavini avant le 2e tour des territoriales ?", demande d'emblée le journaliste Ibrahim Mohamed Azi à la représentante des Rouge-Orange. "Ce 1er tour nous obligés à nous réorganiser", lui répond aussitôt Tiare Trompette, "en multipliant les visites sur le terrain, les réunions, les entretiens, en communiquant sur les réseaux sociaux comme Facebook".

Tavini seul, Tapura en famille

Moetai Brotherson, pour le Tavini, c'est un peu "la force tranquille", remarque le journaliste. "La stratégie est établie de longue date, il n'y a pas d'alliance, la seule, c'est avec le peuple", précise le représent des Bleus. Au passage, il remercie les partis qui lui apportent leur soutien comme le Hau Maohi de Tahutini Nena, ou encore Heiura les Verts de Jacky Bryant, tous deux anciens ministres pendant l'ère de l'UPLD dirigée par oscar Temaru. Mais aujourd'hui, "il n'y a pas de négociations avec eux". Histoire de se comparer au Tapura qui s'allie avec le Amuitahiraa de Gaston Flosse, que Brotherson qualifie d"'opportuniste" puisque "pendant des années il a fait campagne pour la souveraineté et maintenant il s'allie avec le Tapura !"

Tiare Trompette lui rétorque, comme la semaine dernière l'avait déjà fait Jean-Christophe Bouissou vice-président du Pays et candidat du Tapura, que "la famille [autonomiste] se retrouve, se réunit [en parlant des retrouvailles avec Gaston Flosse]...et le 30 avril, le peuple s'exprimera en toute liberté". Wait and see, donc avant le 2ème tour.

Toujours l'indépendance

Moetai Brotherson rebondit alors en affirmant que pour les Bleus, "les retours sur le terrain sont très bons, il y a affluence dans les réunions, c'est bon signe. Il y a aussi beaucoup d'appels de tous pour dire qu'"on n'a pas signé pour ça"", référence à l'alliance entre le Tapura et le Amuitahiraa, frères ennemis d'hier et meilleurs amis aujourd'hui.

Une alliance de circonstance dont le cheval de bataille est la lutte contre l'indépendance. "La population a besoin d'un discours qui rassure, de transparence, de stabilité économique et sociale...", lance Tiare Trompette, qui se demande comment "l'indépendance pourrait garantir tout cela ?"

Depuis le début de la campagne, la stratégie du Tavini est de dédiaboliser l'indépendance. Dans les réunions, "les gens parlent de fiscalité, de social, d'entreprenariat...", rétorque Moetai Brotherson pour qui "l'indépendance n'est pas l'enjeu de ce scrutin...L'indépendance, c'est dans 15 ans, 20 ans...". Pour lui, "si le gouvernement indépendantiste gère mal le Pays, le référendum [pour l'accession à la souveraineté] sera un échec". Sous-entendu que s'il gère bien, l'inverse pourrait se produire.

Lors des territoriales de 2013, le population avait préféré un retour au pouvoir de Gaston Flosse après des années de gouvernance hasardeuse menée par l'UPLD et une succession chaotique de gouvernements éphèmères. Moetai Brotherson ne veut donc plus d'une indépendance synonyme d'instabilité.

Taxe de la discorde

Désormais, le parti indépendantiste entend se présenter comme un parti capable de gérer le Pays comme n'importe quel autre, notamment en matière fiscale. Et d'en remettre une couche sur le point qui a fait perdre les législatives de 2022 au Tapura, la TVA sociale ou le fameux 1% CPS. 

Tiare Trompette justifie l'existence de "cette taxe qui aide les plus petits et sauve la CPS" et qui depuis l'alliance du Tapura avec le Amuitahiraa, "diminuera puis disparaîtra". "Une suppression qui ne pourra pas se faire dès le lendemain des élections", précise le candidat indépendantiste, lequel ajoute sur ce point que "le Tapura rejoint le Tavini pour la supprimer progressivement".

La candidate des Rouge-Orange appuie à nouveau que cette taxe est redistribuée en "aidant les plus démunis, avec les allocations, en accompagnant les parcours sociaux à travers des programmes et un schéma diecteur mis en place depuis 2 ans par le Tapura".

Selon elle, cette TVA sociale est donc aussi l'un des moyens pour lutter contre la vie chère. 

Cette lutte, Moetai Brotherson la conçoit différemment. Elle ne peut se faire que "sur le long terme en changeant les modes de production et les comportements", dit-il. Par exemple, "en réservant les PPN aux plus nécessiteux, ou en améliorant le pouvoir d'achat", notamment "pour les 55000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté et les 22000 ayant un emploi précaire".

CAE ou pas

Et d'ajouter que "les CAE doivent être mieux utilisés", non pas comme "outils politiques au service des communes", mais devant être "réaffectés au profit des TPE". Question : à l'issue de ces contrats aidés, est-ce que les petites entreprises embaucheront-elles définitivement les bénéficiaires de CAE en les rémunérant au tarif normal ?

Dans de domaine, Tiare Trompette maintient que les CAE doivent "rester au service des communes", car tous leurs bénéficiaires n'ont pas le même profil. Certains, très abîmés par la vie, "ont besoin de retrouver des repères, d'avoir une formation spécifique dans un cadre social...le temps de se construire vers un métier [à travers] l'apprentissage". "Tant qu'une personne est motivée, elle peut faire ce qu'elle dit ; tant qu'elle est détruite, il faut tout refaire le chemin", précise-t-elle.

Pouvoir d'achat

La candidate des Rouge-Orange conçoit la protection du pouvoir d'achat à travers "des boucliers" . A l'instar de ce qui se passe en Métropole, par exemple avec les boucliers tarifaires pour faire face à la flambée des prix des matières énergétiques. Mais aussi "des aides pour trouver de l'emploi".

A chacun donc sa politique sociale et économique. Moetai Brotherson dénonce alors la taxation des produits importés qui "rapportent beaucoup au territoire", par exemple "en réduisant la taxe sur le fret international". Mais pas seulement. Selon lui, comment expliquer les écarts de prix entre les produits importés et vendus à Tahiti et les mêmes revendus dans les îles ? "Parfois l'écart est de 5 !", s'exclame-t-il.

Et Tiare Trompette de lui répondre que "des contrôles de prix sont faits régulièrement, il y a une cellule agréée pour ça".

Les arguments des deux candidats tiennent la route.

Crainte de l'abstention

Dimanche prochain, la population tranchera. "Pas de pronostics avant le 2ème tour...il faut laisser le temps au temps, laisser faire", affirme Tiare Trompette, qui précise quand même que "si vous voulez de la stabilité, de la sécurité, votez Tapura !"

Plus serein sur l'issue du scrutin, Moetai Brotherson n'a qu'une crainte, c'est l'"abstention...venez voter pour un changement en profondeur de la société et du mode de gouvernance...votez en pleine conscience".

Qui gagnera : Tavini, Tapura-Amuitahiraa ou encore A here Ia Porinetia, l'outsider autonomiste ?