Territoriales Polynésie 2023 : Sanquer et Géros, débattre de vie chère plutôt que d'indépendance

Nicole Sanquer de A here ia Porinetia face à Antony Géros du Tavini.
Le débat sur l'autonomie ou l'indépendance de la Polynésie a été vite évacué ce matin par les candidats de A here ia Porinetia et du Tavini. Davantage axé sur la politique économique et sociale, la lutte contre la vie chère, en fait la vie des Polynésiens, ce face-à-face a montré deux visions de gérer le Pays, certes opposées mais aussi avec des points communs.

2ème face-à-face de l'entre-deux-tours entre A here ia Poritia réprésenté par Nicole Sanquer et le Tavini avec Antony Géros.

Un débat qui, a priori aurait pu largement tourner autour de la problématique autonomie/indépendance largement mise en avant par l'alliance Tapura-Amuitahiraa, mais qui a été rapidement recadré par la tête de liste AHIP. "J'appelle les Polynésiens à ne pas se laisser influencer pa le combat autonomie/indépendance, par la division", lance-t-elle.

Rassembler, pas diviser

Son mot d'ordre : évacuer d'emblée la question institutionnelle pour évoquer, selon elle, le véritable enjeu de ces élections qui est d'"améliorer le quotidien des Polynésiens".

En face, Antony Géros, fer de lance de la branche radicale du Tavini, partisan du règlement de l'indépendance de la Polynésie devant l'ONU, sitôt les territoriales passées et l'élection des souverainistes actée. "Après les élections, les indépendantistes auront plus de poids, l'ONU demandera à la France d'ouvrir les discussions sur la décolonisation", clame-t-il, soutenant qu'il faudra engager le processus référendaire afin de connaître, enfin, la position des Polynésiens sur la question.

Hors-jeu, semble encore dire Nicole Sanquer. "C'est un débat qui n'a pa lieu d'être car la situation économique est dégradée", soutient la candidate des Verts autonomistes, qui ne veut pas aller sur le terrain du Tapura et encore moins sur celui des indépendantistes de la ligne dure. "Il faut arrêter de jouer avec la peur de l'indépendance", appuie-t-elle, et de souligner que "ces histoires d'autonomie-indépendance ne font que diviser la population". Il faut "changer ce Pays", s'insurge-t-elle, comme indiqué dans le programme électoral de son parti.

Changer de système

Sur ce point, Antony Géros finit par se ranger de son côté. Conscient probablement que la question de l'indépendance ne peut être récolue en quelques mois mais sur plusieurs années. Il suffit de regarder ce qui se passe chez nos voisins Calédoniens qui, après 3 référendums, n'ont toujours pas réussi à se mettre d'accord. Géros, comme Sanquer, avoue alors que la population veut "changer les hommes [politiques] et le système...il faut sortir de cet ordre, entrer dans un nouveau système".

La candidate A here ia Porinetia rebondit aussitôt en affirmant la nécessité de "réduire massivement les dépenses publiques pour donner plus de pouvoir d'achat à la population". Elle pointe alors la politique du Tapura basée, selon elle, sur "la gabegie...et quand il y a des problèmes économiques, il tape dans la poche des gens". Référence à peine voilée à la taxe sociale ou 1% CPS. Le Tavini en prend également pour son grade quand Sanquer rappelle la gestion peu brillante du Pays par l'UPLD à la fin du Taui. "Tous les feux étaient au rouge, Antony Géros renie ce passé", lâche-t-elle.

"En 2013, la situation était complexe parce qu'il n'y avait plus de trésorerie dans les caisses [du Pays]...le gouvernement était coincé par les bailleurs de fonds", réplique le candidat du Tavini. En ce temps-là, le monde entier se relevait à peine de la crise des subprimes qui avait laminé les économies de quantité de pays. Géros précise même que c'est Nuihau Laurey, l'autre candidat de A here ia Porinetia et à l'époque jeune ministre de l'Economie et des Finances du gouvernement Flosse, qui "avait pris des décisions radicales pour redresser les finances publiques". Dont celle d'augmenter les tranches hautes de la CST, cet impôt sur le revenu à vocation sociale.

Davantage de solidarité

L'occasion pour Nicole Sanquer de rappeler qu'en 2020, en pleine crise covid, "l'assemblée de Polynésie avait voté un collectif budgétaire afin de réduire les dépenses publiques et faire face à la crise sanitaire...[de quoi constituer] 20 milliards cfp de réserves", afin de soutenir l'économie locale.

Le soutien que prône le Tavini à l'économie locale doit d'abord passer par le combat contre la vie chère, réplique alors Antony Géros. "Il faut s'intéresser à tous ceux qui n'ont pas de revenus, et l'Etat aurait dû apporter sa contribution", dit-il, "1 500 personnes sont [actuellement] en détresse sociale, privées de nourriture, de vêtements, de soins, de logement...3 milliards cfp [sont nécessaires] pour les soutenir, soit 160 000 cfp par mois pour les accompagner".

Nicole Sanquer lui répond que le programme de son parti "n'engage pas l'Etat...il propose une rupture par rapport au système d'avant où trop de milliards cfp sont orientés politiquement. Et quand les personnes n'ont pas la bonne couleur politique, elles ne sont pas aidées". Une façon de mettre de nouveau à l'index l'utilisation des CAE qui seraient détournés, selon plusieurs partis, de leur fonction initiale.

Sur ce point, Antony Géros estime qu'il faudrait "réorientier une partie des 6 milliards cfp [dédiés aux CAE]", sans pour autant les abandonner.

Quel que soit leur nom, ces CAE ou emplois aidés, subventionnés ou autre, représentent finalement un amortisseur social. Comme il en existe en Métropole à travers divers dispositifs. S'ils n'existaient pas, la situation économique et sociale serait sans doute pire.

Attention à l'explosion sociale

Et Nicole Sanquer d'ajouter qu'"une explosion sociale couve" si rien n'est fait, ce que reconnaît Antony Géros qui renouvelle que la priorité doit d'abord être accordée aux 1500 personnes en situation très précaire.

Pour améliorer leur sort, la candidate de A here ia Porinetia revient ainsi sur un thème cher à presque tous les partis en lice à ces territoriales : "supprimer la taxe sociale...dans 3 mois en baissant les dépenses publiques !"

Ce que le Tavini envisage, mais pas au lendemain des élections, et pas avant un certain temps. Et surtout en évitant d'"instaurer une nouvelle taxe" pour la compenser. Donc en laissant du temps au temps.

Ce face-à-face entre deux candidats maîtrisant bien les dossiers laisse perplexe.

Tout en restant dans l'autonomie, A here ia Porinetia serait-il donc un parti aux idées révolutionnaires, attaché à renverser bruralement l'ancien régime pour en instaurer un nouveau ?

De son côté le Tavini, aujourd'hui partisan d'une indépendance moins radicale, affichant finalement une image plus "soft" qu'avant, serait-il plus enclin à un changement dans la continuité ?

A chacun d'en juger ce dimanche lors du second tour !