Tri des déchets en Polynésie française : le casse-tête des communes

En 2023, on compte 13 îles qui trient leurs déchets. Elles étaient 8 en 2022.
La Polynésie produit 147 000 tonnes de déchets par an. Et elle en traite un peu moins de la moitié. Mais, pour le moment, aucune stratégie de traitement des déchets n’a été mise en place sur le territoire polynésien, d'une superficie vaste comme l'Europe et avec pour contrainte l'espace maritime. Alors, quels sont les enjeux du tri des déchets en Polynésie ? Le décryptage dans cet article.

Si la Polynésie ne fait pas partie des pires élèves, ses problématiques restent les mêmes. Trop d’enfouissements, pas assez de tri, absence de stratégie globale du Pays, des conséquences sanitaires et environnementales dramatiques… Le traitement des déchets en Polynésie est un sujet capital.

La Polynésie française produit 147 000 tonnes de déchets par an. Et chaque année, elle en traite près de 60 000 tonnes.

Chaque jour, toutes les communes de Tahiti et Moorea, à l'exception de Faaa, acheminent leurs déchets recyclables au centre de tri de Motu Uta, géré par le syndicat Fenua Ma. Le reste est envoyé au centre d’enfouissement technique de Paihoro. À savoir que 78% de nos détritus sont enfouis, soit 5 fois plus qu’au niveau national ! 

Quant aux déchets verts, faute de filière de recyclage et par manque de volume, ils partent à l’export pour être recyclés. Les bouteilles en plastique en Malaisie. Les canettes en aluminium et les batteries en Corée du Sud. Le papier en Thaïlande. L'exportation de tous ces déchets recyclables coûte entre 200 et 300 millions Fcfp par an.

Le traitement des déchets est à la charge de qui ? 

Depuis 2004, ce sont les maires qui sont responsables du traitement des déchets, et cela sans subventions. Cette compétence représente donc un budget important pour les communes. Par manque de moyens, elles ont du mal à gérer à la fois la collecte et le traitement des détritus.

Au final, le budget annuel du traitement des déchets recyclables est d’environ 1 milliard 100 millions Fcfp pour les communes et 300 millions Fcfp pour le Pays. 

Chaque jour, toutes les communes de Tahiti et Moorea, à l'exception de Faaa, acheminent leurs déchets recyclables au centre de tri de Motu Uta, géré par le syndicat Fenua Ma.

Le Pays prend les rênes ?  

Cette compétence pourrait être reprise par le Pays, ce qui permettrait aux collectivités d'alléger les finances. Le gouvernement s’est donné 2 ans pour atteindre cet objectif. Or, ce transfert ne se fera pas si facilement. Il devra avant tout changer la loi organique qui répartit les compétences Etat-Pays. Ensuite, il devra faire voter une loi de pays qui précise ses prérogatives et travailler sur une répartition financière raisonnable pour les administrés. 

Aussi, un schéma de gestion des déchets est en cours d’écriture depuis 2017. Deux taxes pourraient participer au financement : la taxe d'environnement pour le recyclage des véhicules, qui vaut 250 millions Fcfp par an et la taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche, qui représente 2,9 milliards Fcfp par an. Au total, ce sont 3,150 milliards Fcfp qui pourraient rentrer dans les caisses du Pays.

Le problème : l’éloignement des îles

L'enjeu est plus compliqué pour les îles éloignées, car la distance leur coûte cher. 

Dans certaines îles, Fenua Ma a installé des points d’apport volontaire, où chaque habitant peut y déposer ses déchets verts. Seules les bouteilles en plastique, les canettes et les conserves sont rapatriées à Tahiti. Le papier et le carton restent sur place car ils peuvent être valorisés en compostage.

 

Pour être expédiés plus facilement vers Tahiti par bateau, les déchets plastique sont compactés en cubes compacts.

À titre d’exemple, Rimatara fait figure de bonne élève depuis quelques années. D'ailleurs, elle vient d’être récompensée lors de la cérémonie des Tortues d’or 2024, organisée par Fenua Ma. Ainsi, trier dans les îles, c’est possible, mais cela demande beaucoup de moyens financiers et matériels. 

De plus, l’année 2023, se clôture avec une belle progression, puisqu’on compte 13 îles qui trient leurs déchets. Elles étaient 8 en 2022. En clair, une vraie implication de la population polynésienne dans le tri des déchets.