La semaine est effectivement vite passée. Les journées se sont enchainées entre les diffusions, les rencontres sur le paepae a Hiro, les Inside the doc, les petits-déjeuners professionnels, les animations photo et vidéo…
130 festivaliers venus de tout le Pacifique, des États-Unis et de France étaient présents pour cette 20e édition. Quel plus beau cadeau pour cet anniversaire que de retrouver tout ce monde ? On a enfin pu discuter, échanger, refaire le monde pendant les longues soirées, sans aucune contrainte après les années de crise du Covid. « C’était vraiment une belle réunion », sourit Miriama Bono.
Une édition anniversaire un peu spécial avec un élan important pour la jeunesse : un jury jeunesse qui a délivré son prix pendant la soirée (Dame Valérie Adams : more than gold), des scolaires, des stagiaires, des bénévoles qui proposaient des activités et qui ont activement travaillé sur le festival… bref, il y avait des jeunes partout ! « Ça fait chaud au cœur », reconnait la présidente de l’Afifo.
Si le festival célébrait sa clôture vendredi soir, il n’est pas encore vraiment terminé car les projections et les rencontres se poursuivent ce week-end et surtout il est encore en ligne pendant une semaine entière. L’occasion de voir ou revoir les documentaires en compétition, hors-compétition et les courts-métrages. Et puis le Fifo va continuer à rayonner pendant une année entière avec les projections dans les îles, dans les établissements scolaires, lors d’événements…
Lors de cette cérémonie, pour la première fois retransmise en direct sur Polynésie La 1ère et présentée par Aiata Tarahu, journaliste de la chaîne, il y a encore eu beaucoup d’émotions.
Il y a eu les cris de joie du clan de Kahu Kahia, fêtant la réception du prix du meilleur court-métrage de fiction avec Find Where I Belong, une collaboration néozélandaise marquisienne racontant l’histoire de deux SDF dont l’un rêve de rentrer chez lui aux Marquises.
Puis encore des cris de joie marquisiens pour le Grand prix du public des 20 ans du Fifo avec Patutiki de Heretu Tetahiotupa. Les Marquises ont été à l’honneur une troisième fois avec le Prix du public décerné à Motu Haka.
Toute la délégation est montée sur scène pour recevoir le trophée. « Nous sommes arrivés extrêmement fébrile, avec beaucoup d’appréhension car nous étions préoccupés par les réactions du public. Nous espérions faire honneur aux Marquises et à la Polynésie française », a réagi le réalisateur Raynald Mérienne.
Avant de passer aux prix du jury, Marie-Hélène Villierme, la présidente, a souligné « les discussions sur chaque film, la valeur inestimable du don des personnes portées à l’écran, l’illumination de certaines personnes par leur charisme, leur courage, leur révolte… »
Franklin remporte le 3e prix spécial pour son « regard d’auteur sensible et engagé » et « l’espoir de réussir à protéger notre planète ».
Waan Yaat, sur une terre de la République, remporte le 2e prix spécial pour « cette histoire très forte », « l’importance de la mémoire », « une vision personnelle qui pourra inspirer le monde ».
Dame Valérie Adams : more than gold obtient le 1er prix spécial pour l’histoire de cette « personne extraordinaire qui est allé bien au-delà de ce qu’on pourrait réaliser et dont le caractère a captivé et ému le jury ». La réalisatrice Briar March était particulièrement émue en recevant ce prix et a fondu en larmes en recevant son deuxième prix : celui du jury jeunesse. « C’est toujours un challenge de faire un film, beaucoup de choses inattendues arrivent comme le Covid.
Nous voulions que Valérie Adams inspire les jeunes, leur montre la résilience et comment on peut affronter et dépasser les difficultés. Alors recevoir ce prix, c’est particulièrement émouvant. »
Enfin, le Grand prix Fifo 2023 a été remis au film No Māori allowed, qui raconte l’histoire de Pukekohe où la ségrégation a été particulièrement violente et la tentative de certains pour en parler, affrontant les blessures encore ouvertes des personnes âgées d’aujourd’hui.
Walles Kotra, fondateur du festival, a remercié tous les participants et les partenaires d’être « attentif aux petites paroles échangées dans le Pacifique ». « Le festival est une affaire d’hommes, de femmes, de jeunes, de vieux, qui travaillent ensemble pour notre région. »
Et rendez-vous est donné pour la 21e édition qui se déroulera du 3 au 11 février 2024. « Un Fifo qui s’achève, c’est un Fifo qui recommence », a conclu Miriama Bono.
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Marie-Hélène Villierme, réalisatrice et présidente du jury
Comment s’est passée cette semaine ?
La semaine a été intense avec 4 à 5 heures de visionnage d’affilée par jour, suivi d’une délibération à chaque fin de matinée, pour arriver à classer les films. Ça a été génial ! Grâce à un jury exceptionnel, de qualité, connaisseurs de l’Océanie, composé de réalisateurs et de journalistes. On allait vite et nos échanges ont été très riches, nous sommes allés loin. Ça nous a nourri. Nous étions sur la même longueur d’onde et dès le départ, quand j’ai demandé à chacun quelles valeurs ils souhaitaient mettre en avant, nos critères se sont définis naturellement. Le Grand prix a tout de suite fait l’unanimité.
L’expérience a été enrichissante ?
Ça l’a été pour tous les membres du jury. L’expérience nous a enrichi et nourri. Les discussions ont permis de parler du métier de documentariste et comment on doit travailler avec les protagonistes et les communautés. Le Grand prix en est un exemple : on voit qui est légitime et comment les personnes concernées ne peuvent accepter que leur histoire soit racontée tant que leur mémoire n’est pas respectée. Ce film arrive à point nommé, pour ces 20 ans du Fifo. C’est une leçon pour les réalisateurs, les documentaristes et même les chercheurs.
Êtes-vous contente du palmarès et peut-être frustrée de devoir primer « que » quatre documentaires ?
Je suis fière du palmarès et effectivement il y avait beaucoup de bons films. Il y a des films qui nous ont touché mais il manquait quelque chose.
Est-ce spécial de vivre un Fifo en tant que jury ?
On a l’impression d’être au cœur du festival et d’être privilégiée et en même temps, nous sommes à part. Nous n’avons pas assisté aux rencontres avec le public ou professionnelles ou très peu. J’aime parler avec le public sur le Fifo, connaitre les films qu’ils ont aimé, ça m’a manqué. C’était une semaine entre parenthèses.