Le port autonome doit se réformer selon la CTC

La cour des comptes a publié son rapport concernant le port autonome de Papeete sur les exercices de 2012 à 2017. La juridiction pointe du doigt l’absence de «stratégie d’investissement», de «modernisation de son modèle managérial». 
 
​​​​​Comme tous les ans, les rapports de la Cour des comptes s’assemblent et se ressemblent.  Dans un rapport de 51 pages, la juridiction pointe du doigt « l’absence de stratégie d’investissement et de modernisation de son modèle managérial », et « une gestion du domaine au coup par coup ».

Le port autonome agit sans ligne directrice 

En 2011, le port dévoile son schéma directeur d’aménagement des installations pour la période 2011-2021. Selon la CTC, ce dernier manque de fil conducteur. Plus encore, il ne contient pas d’objectifs cibles en matière d’exploitation. Résultat : seules trois opérations sur onze initialement prévues ont été réalisées pour un montant de 1,635 milliards de francs. Elles concernent l’extension du quai de cabotage, une zone de stockage des conteneurs vides et un poste pétrolier. Certaines d’entre elles ont été supprimées sans motif indiqué. D’autres projets qui n’étaient pas inscrits dans le schéma directeur d’aménagement ont été réalisés ou sont toujours en cours, pour un montant de 5, 016 milliards de francs.
En parallèle, le port autonome a dépensé plus de 56 millions de francs pour faire réaliser des études qui n’ont servi à rien. Conclusion de la chambre territoriale des comptes : «Cette situation s’apparente à du coup par coup… Le budget correspondant aux opérations non planifiées représente près de trois fois celui relatif aux opérations inscrites au programme initial. Dans ces conditions, le schéma directeur d’aménagement des installations 2011-2021, qui de toute façon ne peut pas être considéré comme un plan stratégique, ne remplit pas non plus son rôle d’outil de planification de travaux»
La direction a indiqué que ce schéma sera abrogé lorsque le projet stratégique 2030 sera approuvé. Il est en cours d’élaboration.

Un conseil d’administration dirigé par le gouvernement

Autre défaut pointé du doigt par la CTC, le gouvernement, qui est majoritaire au sein du conseil d’administration, est « une situation qui est contraire au principe de l’autonomie de gestion du port ». Entre 1997 et 2011, le nombre de membres du gouvernement au sein du conseil est passé de 3 à 11. La composition du CA a donc elle aussi évolué. De 8 membres en 1997, il est aujourd’hui composé de 13 membres, dont 7 ministres.
La CTC recommande au port de « reconsidérer la composition du conseil d’administration en vue de garantir à la fois l’autonomie de gestion de l’établissement public et la réalité de l’exercice de la tutelle de la part du gouvernement ».

Des directeurs nommés sans mission définie

C’est bien connu, les directeurs des établissements publics sont nommés selon les affinités des ministres de tutelle. Depuis 2012, trois directeurs se sont succédés à la direction du port autonome, ce qui revient en moyenne à deux ans de gouvernance chacun. De plus, Mario Banner et Georges Puchon ont été nommés sans lettre de mission, alors que ce document est utile à la définition des priorités stratégiques.

La taxe de péage est payée par les importateurs et donc les consommateurs

C’est une disposition unique dans le monde portuaire. Le port de Papeete et celui de Nouméa sont les seuls au monde à faire supporter les taxes de péage aux importateurs. Cette charge est donc directement supportée par les consommateurs à travers le coût et les taxe sur les marchandises. Ce dispositif fiscal représente plus de 40% des recettes d’exploitation, soit 1, 5 milliards de francs par an.

Le port doit réformer son plan managérial

Depuis 2012, le port n’a pas engagé une seule réforme en interne. Une tentative a été lancée en 2013 mais n’a pas abouti. La masse salariale qui représente 1, 07 milliards de francs est stable, alors que les effectifs ont été réduits de 12 agents. « La modernisation du statut du personnel du port reste une impérieuse nécessité. En témoigne le maintien en l’état de l’indemnité de départ. Cette prime peut-être versée quel que soit le motif du départ, y compris pour faute. […] la dépense potentielle correspondant à cette prime représente un budget de 865 millions de francs.»

Sur la période 2012-2016, 326 millions de francs ont été versés en indemnité de départ à 31 agents, soit une moyenne de 10,5 millions de francs par départ, selon la juridiction. Entre autre, le port autonome distribue aussi des « indemnités de sujétion », 113 millions de francs en cinq ans. Il y a aussi des « primes de sujétion », elles représentent 22 millions de francs. Des primes diverses qui ont représenté près de 800 millions de francs entre 2012 et 2016.
Une situation déjà évoquée en 2012 par la chambre elle-même. Elle n’a pas évolué depuis alors que la direction de l’époque avait reconnu la nécessité.
 
La CTC fait 8 recommandations au port autonome
- Reconsidérer la composition du conseil d’administration en vue de garantir à la fois l’autonomie de gestion de l’établissement public et la réalité de l’exercice de la tutelle de la part du gouvernement.
- Demander au gouvernement de formaliser et d’adresser une lettre de mission au directeur général en cohérence avec le plan stratégique qui reste à définir.
- Relancer la démarche qualité.
- Produire un plan pluriannuel d’investissement.
- Se doter d’un outil de prospective financière.
- Définir une politique équitable et protectrice des intérêts financiers du Port en matière d’autorisations d’occupation temporaire.
- Arrêter un périmètre du domaine portuaire en cohérence avec la stratégie de développement du Port qui reste à définir.
- Inscrire un objectif pluriannuel d’évolution de la masse salariale, adossé à un organigramme cible.

Le rapport complet de la chambre territoriale des comptes relatif à la gestion du port autonome : 

Rapport cour des comptes - Port autonome

 
René Temeharo, ministre de l'équipement et des transports terrestres

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