Procès Air Moorea : des failles dans la maintenance [MàJ]

3ème jour de procès du crash Air Moorea consacré à l’audition des prévenus. Les débats ont permis d’avancer notamment sur les conditions de maintenance des appareils, mais les accusés réfutent leur responsabilité.
 
Pour débuter ce 3 ème jour d’audience c’est le représentant de la société Air Moorea,  Manate Vivish qui intervient :

 « Nous ne sommes pas insensibles. Nous sommes nous-mêmes des pères et des grands-pères. J’ai moi-même perdu un ami dans ce drame. Nous avons un devoir de vérité et de mémoire. Notre silence était une marque de respect. C’est avec soulagement que nous abordons ce procès pour faire ensemble ce devoir de mémoire. »


Le graissage du câble en question:

Cet avion était le premier de la flotte équipé d’un câble inox, contrairement aux autres équipés d’un câble acier-carbone. Ces derniers avaient besoin d’être graissés. Les mécaniciens ont donc graissé ce câble inox, alors que le graissage sur un câble inox entraîne un risque d’usure. Le constructeur préconise de changer le câble 1 fois par an. Il aurait dû être changé en mars 2007, avec une utilisation normale. A Air Moorea, les avions sont utilisés intensément avec des vols de 5 minutes et une faible altitude. Ce câble avait 17 mois et demi au moment du crash.
Stéphane Loisel, chargé de la traduction des manuels d’entretien, n’avait pas diffusé d’information quant à la nécessité de NE PAS graisser ce câble.

Les inspections n’avaient rien remarqué d’anormal:

Andriamanonjisoa RATZIMBASAFY, seul dirigeant du GSAC, une branche de Véritas, chargée de la certification aéronautique, avait juste noté une boîte d’huile dans l’atelier, pas rangée à sa place, mais "pas de déviation majeure".

Guy Yeung, ancien directeur de l’Aviation Civile, fonctionnaire d’Etat :

« Je suis comme le service des transports qui tamponne les permis de conduire. Mais nous ne regardions pas la maintenance, c’était en fonction de l’avis du GSAC. » « Aviez-vous la possibilité de vérifier si le câble avait été changé à la bonne périodicité, demande le procureur ? –Non, nous n’avions pas la compétence. »


Jean-Pierre Tinomano, responsable de production :

Les manuels d’entretien du constructeur étaient en anglais. « Etiez-vous bilingue ? demande le procureur au responsable de production, Jean-Pierre Tinomano. –Pas du tout. Mais les manuels étaient traduits en français par Stéphane Loisel. »

« J’ai tout fait pour que les mécanos adhèrent à cette politique de qualité, mais ils n’écoutaient pas. J’ai baissé les bras. Comme moi, Didier Quémeneur était laxiste. J’ai même été voir une fois Freddy Chanseau pour lui dire que je voulais quitter mon poste car l’atelier n’allait pas comme il aurait dû. Il m’a dit de patienter »

Le 2 juillet 2007, l’avion subit une forte turbulence, signalée par le pilote. Cela doit être suivi d’une inspection complète. « Comme le pilote n’avait pas été gêné en vol, un tour visuel a suffit, comme le prévoit la procédure, explique Jean Pierre Tinomano ». L’expert aéronautique dira l’inverse…Sauf que ledit pilote a refusé de reprendre cet avion.

Les pilotes lors de leurs auditions ne se sentaient pas écoutés par la technique :

Une portière d’un twin otter était déjà tombée sur le tarmac de Moorea quelques semaines avant le crash, à cause de la corrosion. Didier Quemeneur, alors contrôleur de production (absent lors de ce procès) avait alors dit : « c’est de la faute des pilotes. Ils ne savent pas ouvrir cette porte. »

Freddy Chanseau, ancien directeur d’Air Moorea :

Air Moorea avait fait le choix d’embaucher des anciens militaires compétents et capables de voler en mono-pilote.

« Jamais un pilote n’a été obligé à décoller. Il pouvait à tout moment refuser de prendre un avion. »

 « Il n’y avait aucun problème de maintenance à Air Moorea avant l’accident. »

« La cause du crash n’est pas la rupture du câble, c’est mon intime conviction. »

« Il ne faut pas nous accuser d’avoir voulu faire des économies sur un câble à 120$ »


Au cours de cette journée, les prévenus se contredisent parfois et certains s’embrouillent dans les dates, laissant aux parties civiles une impression de grand bricolage.
Ils encourent jusqu’à 3 ans de prison, des peines d’amende et une interdiction d’exercer.

MàJ : Suite à la publication de cet article, les consultants en communication missionnés par Air Moorea spécialement pour ce procès ont tenu à apporter les réponses suivantes : selon eux, et contrairement à ce qui a pu être dit lors de l'audience de ce 10 octobre, le graissage du câble inox n'entraîne pas de risque d'usure et le câble n'avait pas dépassé sa durée de vie au moment de l'accident.
 
Procès d’Air Moorea : des failles dans la maintenance