Le 26 novembre prochain, un documentaire sur le "tatau" polynésien est diffusé sur Polynésie 1ere TV et internet. En avant-première, le réalisateur de "Tatau", Jean-Philippe Joaquim, répond aux questions de polynésie1ere.fr.
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A l’origine de ce documentaire, un jeune homme passionné de tatouage, Jean Philippe Joaquim. Diplômé d’un Master de recherche sur le tatouage en Europe, le réalisateur de "Tatau" est parti durant quatre mois sur les traces du tatouage polynésien. Avec peu de moyens mais beaucoup de cœur, Jean Philippe Joaquim qui vit depuis bientôt quatre ans en Polynésie française, a tenu à raconter l’histoire du tatau telle qu’il l’entendait. Un pari réussi puisque son documentaire de 52 mn, produit par Emotion et co-produit par Polynésie 1ere, a été sélectionné officiellement au FIFO.
Vous venez de réaliser un documentaire sur le tatau polynésien, que nous raconte t-il ?
J’ai voulu raconter le voyage et l’histoire du tatau polynésien. D’où il vient culturellement, quel a été le chemin emprunté par la société… On parle par exemple d’une immigration culturelle qui vient de la corne d’Indonésie et de la transformation du mot en linguistique. Le tatouage accompagne ces peuples qui voyagent à travers le Pacifique, tout comme les pirogues ou beaucoup de mythes qui ont voyagé avec les sociétés mais ont su se réadapter à chaque fois.
Pourquoi avoir choisi spécifiquement cette pratique du tatouage ?
Cela fait des années que je fais un travail de recherche sur le tatouage. Après m’être intéressé à la sociologie du tatouage, je me suis attaché à la pratique. Traiter du tatau polynésien est finalement le cheminement logique de mon travail de recherche. La Polynésie est un nouveau champ d’étude pour moi, aussi parce que le tatau prend une grande place sur le corps. Visuellement, il est très fort. Dans le Pacifique, les gens ont voulu faire revenir le tatau avec des marques corporelles significatives, belles et profondes. Cette pratique touche l’individu comme la société. Le tatau n’est pas seulement une symbolique, il raconte une histoire directe. Avec un même motif, on peut raconter mille histoires différentes. Dans les usages contemporains du tatouage, il y a une dialectique du tatouage, une façon d’exprimer les choses qui est propre à chaque tatoueur.
Alors, justement, qu’elle est l’évolution du tatau polynésien ?
Même si on a voulu, très longtemps, l’oblitérer des consciences collectives, il est revenu en force. C’est un médium visuel puissant pour affirmer une identité culturelle. Dans les années 80, il y avait une vraie démarche identitaire, c’était un besoin de prendre conscience de son identité et de l’affirmer. Avant cela, personne ne se faisait tatouer. En tout cas, les rares personnes qu’ils l’étaient se faisaient tatouer en style occidental, notamment américain (aigle, étoiles, têtes de mort…). Le tatouage était aussi, comme en Occident, une pratique de la marge, on le retrouvait notamment dans les prisons. Les premiers Polynésiens qui vont remettre le tatouage au goût du jour, ont repris les motifs des planches provenant des marquises, réalisés par un chercheur allemand à la fin du 19eme siècle. A l’époque, les tatoueurs n’ont alors peu ou pas de connaissance symbolique des motifs mais ils savent qu’ils tatouent des tatouages anciens de Polynésie. Il y a donc ici une vraie démarche culturelle. Les premiers tatoueurs qui ont pignon sur rue à Tahiti ou à Moorea, comme Jordi, Michel Heimanu, les frères Salmone ou encore Roonui, se mettent à tatouer un style polynésien qui n’a pas encore le sens qu’on lui connait. Mais, ainsi, ils développent de vrais regards artistiques. Le tatau des années 90 est, en effet, très figuratif, esthétique et identitaire, au sens collectif. Aujourd’hui, le tatau a évolué, le sens et le style des motifs ont beaucoup évolué. Le sens personnel du tatau s’est depuis développé, il a été recrée et réécrit par les tatoueurs. Aujourd’hui, les tatoueurs polynésiens, et le Polynésien en général, se sont réappropriés cette pratique. C’est une renaissance de la tradition mais dans une modernité évidente.
Les tatoueurs et le tatau polynésiens s’exportent-ils ?
Depuis les années 90, il y a beaucoup d’échanges entre les tatoueurs étrangers et locaux. Certains viennent se former à Tahiti, au Tonga, au Samoa, en Nouvelle-Zélande pour développer cet art chez eux, de manière intelligente. Ils ne viennent pas seulement reprendre des motifs ou la façon de tatouer parce que c’est beau et qu’il y a une demande commerciale, mais ils ont un véritable intérêt culturel sur cette pratique. Il y a également beaucoup de polynésiens qui partent à l’étranger pour partager son style et son savoir. Cela permet de développer les influences et d’éduquer le regard extérieur à une pratique locale qui s’est affirmée à travers le temps dans ce qu’elle est réellement.
Vous avez une petite histoire à nous livrer autour de votre documentaire ?
J’ai beaucoup été touché par le rapport du tatoueur au tatoué. Il y une histoire en particulier qui m’a émue, je n’ai malheureusement pas pu la mettre dans le film, j’ai du faire des choix. Dans les années 90, un couple d’homosexuel se rend au magasin Jordi à Tahiti, le premier du genre en Polynésie française. L’un d’entre eux est atteint du Sida et n’a plus beaucoup de temps à vivre. A l’époque, beaucoup de tatoueurs, locaux comme internationaux, interdisaient de pratiquer le tattoo sur des personnes malades du VIH. Au Jordi, le tatoueur, Macou Walker, lui, décide de tatouer les deux hommes. Et, propose une tortue car, selon lui, elle signifie que le malade pourrait vivre plus longtemps. Finalement, ce sont les deux hommes qui vont se faire tatouer du même symbole. A la fin de cette séance, ils se sont tous pris dans les bras. C’était un moment fort. Ton tatoueur, c’est aussi ton confident, le passeur de ce que tu es. Le tatouage est aujourd’hui le médium de tous tes sentiments. En fait, tu cristallises dans ton tatouage ce que tu es au fond. Le tatoueur, comme le chaman d’antan, est là aussi pour jouer ce rôle, transmettre cela et le figer dans la peau et l’âme…
Vous venez de réaliser un documentaire sur le tatau polynésien, que nous raconte t-il ?
J’ai voulu raconter le voyage et l’histoire du tatau polynésien. D’où il vient culturellement, quel a été le chemin emprunté par la société… On parle par exemple d’une immigration culturelle qui vient de la corne d’Indonésie et de la transformation du mot en linguistique. Le tatouage accompagne ces peuples qui voyagent à travers le Pacifique, tout comme les pirogues ou beaucoup de mythes qui ont voyagé avec les sociétés mais ont su se réadapter à chaque fois.
Pourquoi avoir choisi spécifiquement cette pratique du tatouage ?
Cela fait des années que je fais un travail de recherche sur le tatouage. Après m’être intéressé à la sociologie du tatouage, je me suis attaché à la pratique. Traiter du tatau polynésien est finalement le cheminement logique de mon travail de recherche. La Polynésie est un nouveau champ d’étude pour moi, aussi parce que le tatau prend une grande place sur le corps. Visuellement, il est très fort. Dans le Pacifique, les gens ont voulu faire revenir le tatau avec des marques corporelles significatives, belles et profondes. Cette pratique touche l’individu comme la société. Le tatau n’est pas seulement une symbolique, il raconte une histoire directe. Avec un même motif, on peut raconter mille histoires différentes. Dans les usages contemporains du tatouage, il y a une dialectique du tatouage, une façon d’exprimer les choses qui est propre à chaque tatoueur.
Alors, justement, qu’elle est l’évolution du tatau polynésien ?
Même si on a voulu, très longtemps, l’oblitérer des consciences collectives, il est revenu en force. C’est un médium visuel puissant pour affirmer une identité culturelle. Dans les années 80, il y avait une vraie démarche identitaire, c’était un besoin de prendre conscience de son identité et de l’affirmer. Avant cela, personne ne se faisait tatouer. En tout cas, les rares personnes qu’ils l’étaient se faisaient tatouer en style occidental, notamment américain (aigle, étoiles, têtes de mort…). Le tatouage était aussi, comme en Occident, une pratique de la marge, on le retrouvait notamment dans les prisons. Les premiers Polynésiens qui vont remettre le tatouage au goût du jour, ont repris les motifs des planches provenant des marquises, réalisés par un chercheur allemand à la fin du 19eme siècle. A l’époque, les tatoueurs n’ont alors peu ou pas de connaissance symbolique des motifs mais ils savent qu’ils tatouent des tatouages anciens de Polynésie. Il y a donc ici une vraie démarche culturelle. Les premiers tatoueurs qui ont pignon sur rue à Tahiti ou à Moorea, comme Jordi, Michel Heimanu, les frères Salmone ou encore Roonui, se mettent à tatouer un style polynésien qui n’a pas encore le sens qu’on lui connait. Mais, ainsi, ils développent de vrais regards artistiques. Le tatau des années 90 est, en effet, très figuratif, esthétique et identitaire, au sens collectif. Aujourd’hui, le tatau a évolué, le sens et le style des motifs ont beaucoup évolué. Le sens personnel du tatau s’est depuis développé, il a été recrée et réécrit par les tatoueurs. Aujourd’hui, les tatoueurs polynésiens, et le Polynésien en général, se sont réappropriés cette pratique. C’est une renaissance de la tradition mais dans une modernité évidente.
Les tatoueurs et le tatau polynésiens s’exportent-ils ?
Depuis les années 90, il y a beaucoup d’échanges entre les tatoueurs étrangers et locaux. Certains viennent se former à Tahiti, au Tonga, au Samoa, en Nouvelle-Zélande pour développer cet art chez eux, de manière intelligente. Ils ne viennent pas seulement reprendre des motifs ou la façon de tatouer parce que c’est beau et qu’il y a une demande commerciale, mais ils ont un véritable intérêt culturel sur cette pratique. Il y a également beaucoup de polynésiens qui partent à l’étranger pour partager son style et son savoir. Cela permet de développer les influences et d’éduquer le regard extérieur à une pratique locale qui s’est affirmée à travers le temps dans ce qu’elle est réellement.
Vous avez une petite histoire à nous livrer autour de votre documentaire ?
J’ai beaucoup été touché par le rapport du tatoueur au tatoué. Il y une histoire en particulier qui m’a émue, je n’ai malheureusement pas pu la mettre dans le film, j’ai du faire des choix. Dans les années 90, un couple d’homosexuel se rend au magasin Jordi à Tahiti, le premier du genre en Polynésie française. L’un d’entre eux est atteint du Sida et n’a plus beaucoup de temps à vivre. A l’époque, beaucoup de tatoueurs, locaux comme internationaux, interdisaient de pratiquer le tattoo sur des personnes malades du VIH. Au Jordi, le tatoueur, Macou Walker, lui, décide de tatouer les deux hommes. Et, propose une tortue car, selon lui, elle signifie que le malade pourrait vivre plus longtemps. Finalement, ce sont les deux hommes qui vont se faire tatouer du même symbole. A la fin de cette séance, ils se sont tous pris dans les bras. C’était un moment fort. Ton tatoueur, c’est aussi ton confident, le passeur de ce que tu es. Le tatouage est aujourd’hui le médium de tous tes sentiments. En fait, tu cristallises dans ton tatouage ce que tu es au fond. Le tatoueur, comme le chaman d’antan, est là aussi pour jouer ce rôle, transmettre cela et le figer dans la peau et l’âme…
Découvrez en avant-première le teaser "Tatau" diffusé à partir de ce soir, vendredi 14 novembre, à 19h25, sur Polynésie 1ère :