"Toxique", le livre qui fait l'effet d'une bombe

Le livre "Toxique" présente le résultat d’une enquête sur les essais nucléaires français en Polynésie. Un expert du nucléaire, un journaliste, un collectif d’architectes spécialisés dans l’analyse criminalistique ont ainsi mis au jour les conséquences sanitaires de ces essais.

 

L’effet d’une bombe, c’est le cas de le dire, à l’occasion de la sortie demain du livre Toxique. Ses deux auteurs, Tomas Statius et sébastien Philippe décortiquent plus de 2000 documents déclassifiés en 2013, dont un des essais atmosphériques les plus controversés, Centaure.

Tomas Statius, journaliste du site Disclose, explique que « cet essai ne se déroule pas comme prévu, parce que le nuage issu de cette explosion le 17 juillet 1974, n’atteint pas l’altitude suffisante optimale, celle qui était prévue. Il s’arrête à 5200 m. » au lieu des 8000 m attendus. Un détail qui a son importance car « à 5200m, les vents ne poussent pas c’est-à-dire vers les atolls de Tureia, et de Hao, mais vers l’ouest, vers Tahiti »

Ce 17 juillet 1974, personne n’a prévu un tel changement météorologique aux conséquences catastrophiques pour les populations polynésiennes.

Tomas STATIUS ajoute ainsi que « c’est la fois où l’ile de Tahiti est la plus massivement touchée par les retombées radioactives. Ces retombées touchent l’île notamment par des pluies, et l’armée n’a rien fait pour prévenir, alerter ou protéger les populations civiles ».

L’armée n’a donc pas prévenu de ces retombées radioactives, non seulement toute la population qui vivait alors, mais aussi les appelés du contingent en poste à Tahiti.

110 000 personnes potentiellement touchées

 

Selon Benoit COLLOMBAT, de la cellule d'investigation Radio France , « Il y avait vraiment une version officielle d’une bombe propre, sans effets, pour cela il y a de multiples témoignages notamment ceux des appelés du contingent, qui ont découvert en arrivant sur place qu’ils allaient assister à des essais nucléaires. Ils racontent qu’ils n’avaient pas de protection, et certains se sont posé des questions. A aucun moment, on leur a dit ce qu’il se passait, c’est pour ça que des années plus tard ils se sont mobilisés pour réclamer une indemnisation pour comprendre vraiment ce qui s’est passé ».

110 000 personnes ont ainsi été potentiellement touchées par ce nuage radioactif 42 heures après le tout dernier tir atmosphérique en Polynésie, le 46e exactement, et ce avant une nouvelle campagne d’essais souterrains de 1974 à 1996, soit 147 nouveaux tirs nucléaires.

 

 

 

 

"Quelle confiance en la parole de l'Etat ?"

 

A l'Assemblée nationale, le député indépendantiste Moetai Brotherson n'a pas manqué de réagir lors des questions au gouvernement central. Il a ainsi demandé au 1er ministre Jean Castex, « quelle confiance quand une enquête menée pendant 2 ans nous révèle hier que c’est bien l’ensemble de la Polynésie et pas simplement quelques îles qui ont été touchées par les retombées des essais nucléaires atmosphériques ? Soit 110000 personnes, l’entièreté de la population de la Polynésie en 1974. Que sur ces 110000 personnes, 10 000 ont reçu 5 fois la dose minimale requise pour être considérées comme victimes de maladies radio-induites ?"

Le député de la Polynésie Moetai Brotherson.

Et de terminer son intervention « M. Le 1er ministre, qu’êtes vous réellement prêt à faire pour qu’un jour le peuple polynésien puisse avoir confiance en la parole de l’Etat ? »

Ecoutez les préconisations adressées à l'Etat par le député Brotherson, c'était ce matin à 6h dans le journal radio d'Ibrahim Amed Azi  :

Toxique, le livre qui fait l'effet d'une bombe

 

La ministre des armées Florence Parly, lui a répondu entre autres, que pour rétablir cette confiance, le ministère « continue d’assurer le suivi géologique de l’atoll de Moruroa à travers le dispositif Telsit 2 pour alerter les populations d’un éventuel risque de submersion…"

Elle a ajouté que l’enquête rendue publique le 23 février par l’Inserm va être étudiée par les services de l’Etat, du Pays sans oublier les associations anti-nucléaires.

Ce matin, le président du Pays, Edouard Fritch, a également réagi à la sortie du livre. Ecoutez-le :

réaction d'Edouard Fritch