Les habitants de Tureia et de Nukutavake sont en train de s'organiser contre ce qu'ils jugent être une spoliation. Le Pays intente une action au tribunal. Quant à l'association Manu, qui ne prend pas partie dans ce dossier, souhaite que ces îles restent vierges pour protéger des oiseaux rares.
C’est "le" dossier sensible de ce premier semestre en Polynésie française. Celui qui embête tout le monde sauf l’association Manu, chargée de la protection des oiseaux. En 2015, avec le concours de Bird Life et de généreux mécènes, ses militants ont monté une vaste mission de dératisation de 6 des 7 îles Actéon.
Leur problème n’est donc pas à qui appartient quoi mais comment sauver des espèces en grand danger d’extinction. "Aux Actéons, il y a deux oiseaux rares : les tutururu, il ne reste que 200 oiseaux au monde, puis le titi, il en reste moins de 900 dans les Tuamotu-Gambier. Ces deux oiseaux sont super rares et les Actéons est le seul habitat qui reste", explique Tehani Withers, chargée de projet pour la restauration des îles. L’association Manu propose donc de classer 2 de ces 7 atolls en réserve naturelle.
Par contre, à la direction des affaires foncières, on se préoccupe surtout de la manière dont le CAMICA (le conseil d’administration de la mission catholique de Tahiti) a obtenu un acte de notoriété acquisitive sur les iles Actéon. Un document qui dépossède des dizaines de Paumotu qui en revendiquent la propriété au nom de leurs ancêtres. "La réaction aujourd'hui de la population est totalement à mon sens légitime. Elle a besoin de comprendre pourquoi aujourd'hui le CAMICA est propriétaire et pas eux", souligne Loyana Legall, directrice de la DAF.
L’histoire de ce dossier est très compliquée et remonte aux années 60. Des SCI qui n’existent plus, une église qui organise la mise en valeur de ces atolls pour mieux en revendiquer la propriété. L’affaire ne plaît pas non plus au Pays : "Aujourd'hui, le Pays a décidé d'attaquer l'acte et de demander son annulation devant les tribunaux pour que ce débat puisse avoir lieu et surtout que cette transparence souhaitée par l'ensemble de la population soit réelle", estime Loyana Legall.
Quant aux protestataires, ils s’organisent non sans mal car l’empreinte de l’église catholique reste forte sur ces populations isolées. Mais certains ne veulent pas accepter d’avoir, durant des décennies, exploité des atolls qui ne leur appartiendraient plus. "On n'est pas d'accord, nous on demande à tout le monde d'annuler ça ! Ce n'était pas ça quand la première convention entre Père Victor et nous, nos parents. Ce n'était pas comme ça", martèle Ragai Tane Tevaiora Président de l’association Titahi Nui. Ce dossier est épineux et fait mal aussi à l’église catholique et surtout au CAMICA dont la gestion paraît aussi impénétrable que les voies du Seigneur.