PORTRAIT. Découvrez le destin peu commun de Kay Hnauane, rouleur sur mine devenu pépiniériste

En plus de son engagement au sein de l’association environnementale Mocamana, Kay Hnauane gère une pépinière surnommée Amelën ("faire revivre" en drehu) installée à Port-Laguerre, à Païta.
Après dix années passées à conduire des engins sur mine, le Drehu Kay Hnauane a décidé de changer radicalement de vie, en s’engageant dans l’environnement au sein de l’association Mocamana. Découvrez son portrait dans Destins peu communs.

"J’ai envie de passer un message aux jeunes : ça ne sert à rien de détruire la nature. Pensez à vos enfants et petits-enfants, ils en auront besoin." A 45 ans, Kay Hnauane est l’une des figures du reboisement et de la préservation de la biodiversité calédonienne. En dix ans, ce papa originaire de Lifou est devenu un membre incontournable de l’association Mocamana, qui multiplie les chantiers de plantation et œuvre à transmettre des comportements plus respectueux de la nature. 

 

Pourtant, ce militant n’a pas toujours été un fervent défenseur de l’environnement. Bien au contraire. Originaire de la tribu de Jokin, Kay a grandi à Lifou auprès de ses grands-parents. Petit, il refuse de quitter son île où ses racines sont profondément ancrées. A la fin de son adolescence, le hasard d’un voyage en bateau et d’un violent mal de mer le fera rester à Nouméa, hospitalisé une semaine. Il loupe alors l’examen pour valider son CAP menuiserie préparé à Lifou et part effectuer son service militaire au camp de Nandaï, à Bourail. Neuf mois plus tard, il retourne à la tribu mener une vie rythmée par le travail quotidien du champ avec son grand-père. Après quelques années ainsi, c’est finalement une autre passion qui le pousse de nouveau à quitter Drehu : le chant.

 

De Vavouto à Goro

Dès 2004, il multiplie les allers retours à Nouméa pour enregistrer un CD avec son groupe de musique Fygahnazï. C’est alors qu’il rencontre l’amour. "Celle qui allait devenir la mère de mes deux enfants m’a proposé de passer des formations pour travailler sur mine. Formations que j’ai réussies du premier coup. J’étais fier, se souvient l’ancien chauffeur d’engins qui a sillonné la Grande Terre grâce à ce métier. J’étais amoureux, je voulais la suivre et travailler. Premier boulot et première paye ! Je pouvais d’un coup tout acheter pour ma famille, j’étais content". Kay Hnauane opère en tant que rouleur sur mine pendant une dizaine d’années. Jusqu’à un jour de 2014 où il fait une rencontre aussi inattendue que déterminante. 

 

"Je détruisais des arbres avec ma pelle à Goro, lorsque j’ai vu une dame s’arrêter en voiture et me regarder. Je suis descendu pour l’aider, car j’ai cru qu’elle était tombée en panne." Cette dame, c’est Christine Pöllabauer, fondatrice et présidente de Mocamana. "Je vais la voir et elle me demande si je sais ce que je suis en train de détruire des plantes endémiques. Je n’avais jamais entendu ce mot. Elle m’a alors dit qu’il s’agit d’arbres qui ne poussent qu’ici et qui disparaissent à cause du feu, de l’homme, de la mine et du bétail. J’ai bégayé, j’avais honte. Les mots de cette maman m’ont touché."

"C’est l’environnement qui va créer le destin commun"

En moins d’une semaine, Kay Hnauane abandonne sa carrière de rouleur pour s’engager dans l’environnement au sein de Mocamana. Un nouveau choix de vie pour lequel il jongle entre le bénévolat pour l’association et quelques missions d’intérim, loin des salaires confortables qu’il gagnait à Goro"Il y a eu de l’inquiétude, surtout au sein de ma famille, mais dès que j’ai commencé à débrousser et à arracher des plantes invasives avec mon sabre, j’étais content. C’est comme si je retournais auprès de mes grands-parents. Mon objectif maintenant, c’est de reboiser ce pays."

Cela fait dix ans que Kay Hnauane a abandonné son métier de rouleur sur mine pour rejoindre l’association environnementale Mocamana, dont le siège est installé à la Vallée-des-Colons, à Nouméa.

 

En 2021, Kay Hnauane a pris les rênes de la pépinière de Mocamana. Aujourd’hui, il continue d’essayer de "réparer ses erreurs" en donnant un bon exemple, en particulier sur son île natale. "En voiture, quand mon père jette une cannette par la fenêtre, je recule et je lui demande d’aller la ramasser. Il me répond : "pardon monsieur environnement !" À force de me voir faire, maintenant, il prend un pochon et jette ses déchets dedans. Comme les enfants. Cela touche les grands et les moins grands." 

 

Cette nouvelle passion pour les plantes endémiques est aussi une manière de mieux connaître sa culture et de se tourner vers les autres. "A force de partager avec des collègues mélanésiens, je découvre qu’il y a, selon les endroits, des arbres pour les chefs, pour les coutumes, pour les naissances ou les décès. C’est incroyable !" s’enthousiasme le pépiniériste, convaincu que la préservation de la nature permet aussi de fédérer les Calédoniens. "C’est l’environnement qui va créer le destin commun. Si tout le monde se met à planter des arbres, on sera le premier poumon de cette terre. Je crois en ce rêve."Découvrez cet épisode ainsi que tous les autres de Destins peu Communs, l'émission qui part à la rencontre de nos identités (diffusion en radio les mardis à 12h17 et rediffusé le dimanche à 12h20).