Marie-Angèle Koteureu a "toujours un rouleau de pandanus à la main". Tresser "c’est ma thérapie, ça permet de diriger la pensée et de canaliser les émotions", assure-t-elle, tout en se frayant un chemin dans la mangrove proche du Centre culturel Tjibaou, où elle travaille. "J’aime venir me ressourcer sur la plage, écouter le clapotis de l’eau et bien sûr tresser. Souvent c’est dans ces moments-là que naît un conte."
Née à l’île des Pins, quatrième d’une fratrie de 10 enfants, Marie-Angèle a grandi avec les histoires que lui racontaient son père et ses grands-parents. Elle rejoint ensuite Nouméa pour poursuivre ses études, avant de s’envoler pour la Nouvelle-Zélande. "C’est nécessaire de partir. Chez nous, on se laisse un peu aller à la modernité, à perdre nos traditions. Sortir de chez soi permet de se rendre compte que nos cultures sont menacées."
Amoureuse de la langue anglaise et de l’écriture, Marie-Angèle n’a pas pour autant l’intention de laisser tomber le conte et le Kunié. "On pense mieux dans sa langue maternelle. D’ailleurs si je devais partir à la guerre, ce serait pour la défendre !", dit-elle dans un éclat de rire. Marie-Angèle a commencé sa carrière comme collectrice du patrimoine, un métier qui lui permet de découvrir de nombreuses traditions orales. Elle transforme alors en contes les histoires données par les anciens, "car le conte a cet avantage : il ne prétend pas détenir la vérité, on peut y donner la vérité de chacun, sans froisser personne."
Raconter des histoires pour transmettre et apprendre
Guide du patrimoine, médiatrice culturelle, Marie-Angèle anime des ateliers aussi bien avec des enfants, qu’avec des détenus du Camp-Est. Car dit-elle, "le conte parle à tout le monde et il est bien vivant. Grâce à lui on peut transmettre des consignes ou sensibiliser." Pendant la crise Covid, Marie Angèle a ainsi écrit un conte sur les gestes barrières, et plus récemment, c’est à la défense des herbiers marins, sans lesquels les dugongs ne peuvent vivre, qu’elle s’est attaquée.
Créer du lien, se réapproprier – et faire vivre – sa culture, le conte a toutes les vertus pour Marie-Angèle Koteureu, qui entend bien continuer à transmettre les contes d’hier et d’aujourd’hui. "Mon père me dit toujours qu’il faut transmettre, c’est le rôle des vivants pour les enfants de demain." Une mission prise très au sérieux par cette tresseuse de lien.
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