Présent sur l'île depuis le mois d'août dernier, le virus du chikungunya continue de se disperser, à une vitesse grandissante.
En un peu moins de deux semaines (dernière semaine de décembre 2024 et une partie de la première semaine de janvier 2025, 35 nouveaux cas ont été signalés, soit un total de 138 depuis le 23 août 2024.
Dispersion des cas isolés
Ce qui inquiète particulièrement le directeur général de l'Agence régionale de Santé (ARS) de La Réunion, c'est la dispersion des cas isolés. "Nous sommes passés de 23% de cas isolés à 38%, ça veut dire que le virus circule", commente Gérard Cotellon.
A l'heure actuelle, plusieurs foyers actifs ont été détectés sur l'île (dans le sud et l'ouest), dont le plus gros se trouve à l'Etang-Salé (70 cas). Les autres sont à l'Ermitage, Grand Bassin, la Ligne des 400 ou encore Trois Mares les Bas.
Vacances scolaires et chaleur
Le contexte de vacances scolaires n'est pas pour aider. "Les gens se déplacent, la contamination va progresser", craint-il. De même pour la chaleur estivale, qui fait que les gens se couvrent moins. Or, il convient, dans les zones où l'on sait que le virus circule, de se protéger des moustiques, mais aussi de détruire tout ce qui peut faire office de gîte larvaire, rappelle le directeur général de l'ARS Réunion.
Mobilisation générale
Dès la semaine prochaine, Gérard Cotellon a prévu de se réunir avec les élus afin de préparer l'entrée probable dans la phase épidémique.
"Il est évident que dans cette lutte l'ARS n'est pas seule et les collectivités ont leur rôle à jouer, notamment les services de salubrité des communes et intercommunalités qui ont un rôle très important dans la destruction des gîtes larvaires, des dépôts sauvages d'ordures, des véhicules hors d'usage qui traînent. C'est une mobilisation générale."
Gérard Cotellon, directeur général de l'ARS Réunion
Des confirmations de cas en laboratoire
Au plateau technique des laboratoires Inovie-Reunilab des Deux-Canons à Saint-Denis, les machines se tiennent elles aussi prêtes. Ces derniers mois, plus de la moitié des cas de chikungunya ont été confirmés après des analyses ici.
Deux types de tests sont traités sur ce site : les sérologiques, et les "PCR" (Polymerase Chain Reaction), dits de biologie moléculaire. Ces derniers sont le moyen le plus rapide de confirmer un cas de chikungunya.
Prélèvement sanguin et extracteurs
Un prélèvement de sang est analysé par des automates de pointe pour détecter le génome du virus, explique Francis Victory, responsable technique de microbiologie au laboratoire Inovie-Reunilab. "Le sang est passé sur les extracteurs : ils extraient le matériel génétique du patient. Le but est d'amplifier le matériel génétique et d'obtenir un signal. Quand on a signal c'est que c'est positif", poursuit-il.
Sur ce plateau technique, environ 300 tests PCR sont traités chaque jour, en ce moment. Parmi eux, 3 à 4 cas positifs sont confirmés quotidiennement. Mais le laboratoire se tient aussi prêt à voir son activité multipliée en cas d'épidémie. En prévision de l'épidémie de chikungunya qui se profile, un troisième extracteur doit être ajouté à la fin du mois. Ces coûteuses machines ne valent pas moins de 150 000 euros la pièce.
Lors de l'épidémie de dengue, par exemple, il avait été possible de "réaliser 800 à 900 PCR de dengue par jour", chiffre Francis Victory, préparé à la probable prochaine épidémie de chikungunya.
Le vaccin contre le chikungunya disponible...
Pour éviter une épidémie d'ampleur comme en 2006, où 165 000 personnes avaient attrapé le chikingunya sur l'île, l'idéal serait alors de se faire vacciner. Le "IXCHIQ", vaccin contre le chikungunya des laboratoires Valneva, vient d'être autorisé sur le marché français en novembre.
"Le vaccin permettrait de limiter l'épidémie. On préconise de se faire vacciner, surtout à ceux qui ne l'ont pas eu", estime le Dr Christine Kowalczyk, présidente de l'Union régionale des médecins libéraux (URML-OI). "Il y a actuellement des doses à La Réunion, vous pouvez vous en procurer"; avance la professionnelle de santé.
...mais pas remboursé
Néanmoins, le IXCHIQ n'est pas un vaccin remboursé, et celui qui veut en bénéficier doit l'acheter à ses propres frais. "Normalement il est à 150 euros, mais comme il n'est pas remboursé le prix peut bouger d'une pharmacie à l'autre", poursuit le Dr Christine Kowalczyk. Non sans s'agacer de la situation. "On ne devrait pas aller sur une médecine à deux vitesses à La Réunion pour une épidémie comme le chikungunya" lâche le médecin.
Comme le député Perceval Gaillard il y a quelques jours, elle aussi plaide pour un remboursement de ce vaccin à La Réunion.
Dangereux pour les publics fragiles
Le Dr Kowalczyk parle en connaissance de cause : elle a vécu l'épidémie de 2006. Même la population jeune a été touchée à l'époque, souffrant par la suite de "douleurs articulaires, des polyarthrites résiduelles qui persistent des années et des années".
De toute façon, comme toute maladie infectieuse, "le chikungunya peut être dangereux pour les personnes fragiles, les diabétiques, les hypertendus, les gens polypathologiques... Il peut y avoir des décès", avertit la professionnelle de santé. Heureusement, à ce jour, parmi les cas diagnostiqués sur l'île, une seule personne a été hospitalisée pour une durée de plus de 24h.