Le bras-de-fer juridique entre l'Etat et le groupement d'associations de défense de l'environnement autour de la gestion de la crise requin à La Réunion devrait s'enrichir d'un nouvel épisode dans les prochains jours.
En cause, la publication mardi 28 décembre d'un arrêté reconduisant les opérations ciblées de prélèvements de requins dans un rayon d'un mille nautique autour du lieu s'est produit chaque observation sur les communes de Saint-Paul, Trois-Bassins, Saint-Leu et Etang-Salé pour la période allant du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2024.
Des opérations vivement critiquées par les associations de protection animale quant à leur efficacité et leur impact sur les espèces ciblées (requins tigres et bouledogues) ainsi que les éventuelles "prises accessoires."
Une consultation préalable du public menée
Une première version de cet arrêté avait failli être débattue le 5 octobre dernier devant le juge des référés du tribunal administratif, saisi par les associations One Voice, Sea Sheperd, Longitude 181, Vie Océane et Le Taille Vent. Mais les services de l'Etat avaient retiré le texte in extremis, indiquant vouloir le mettre en conformité avec l'exigence juridique d'organiser au préalable une consultation du public. Et un non-lieu à statuer avait été prononcé par le tribunal.
Selon le nouvel arrêté, cette consultation a été menée du 30 novembre au 20 décembre dernier, permettant au préfet de déployer l'autorisation de prélever d'espèces ne faisant "pas l'objet d'une inscription en tant qu'espèces protégées et sont considérées comme potentiellement dangereuses pour l'homme." Une consultation qui semble pourtant plutôt refléter une hostilité au projet : sur 751 avis émis, 658 étaient défavorables à l'arrêté, soit 87,62 %.
"Il y a de vrais problèmes avec ces mesures, comme l'absence d'étude d'impact environnemental"
L' "aval" de la Réserve marine, pas forcément de son conseil scientifique
Pour autant, le collectif de défense des requins ne désarme pas, alors qu'il voit d'autres illégalités à soulever dans ce dispositif. "Il y a des questions qui restent entières sur la pertinence de ces mesures et de vrais problèmes, avec notamment l'absence d'étude d'impact environnemental. Un recours est actuellement à l'étude contre ce texte", confirme leur avocat Me Stéphane Wandrey.
Lors de l'audience du 5 octobre, les requérants avaient également fait part de l'absence totale de prise en compte de l'avis du Conseil scientifique de la Réserve marine, qui avait fait part de son "découragement" dans un courrier adressé au préfet au mois de juin.
"On voit d'ailleurs que l'arrêté se réfère à une consultation de ce conseil remontant à 2018, ce qui démontre bien que la préfecture n'a plus tenu compte de ses avis depuis lors", note Me Wandrey. Toutefois, la préfecture se prévaut de "l'aval de la direction de la Réserve naturelle marine de La Réunion ainsi ce que celui du GIP Centre sécurité requin."
15 requins prélevés à titre préventif depuis octobre 2019
Reste que la politique globale de réduction du risque requin déployée est régulièrement critiquée par les associations environnementales, y compris le fameux programe réunionnais de pêche de prévention 2018-2021, qui a pris la suite de CapRequins et dont l'impact n'est pas toujours facile à mesurer.
Si un bilan fin 2019 rapportait la prise de 155 requins depuis mars 2018 dans le cadre de ces pêches préventives (opérations de pêche à la palangre menées hors observations), il est difficile de dire à combien s'élève à ce jour le nombre de requins capturés sur la période 2020-2021.
D'après la lecture des rapports trimestriels fournis par les observateurs du programme que sont Océa Consult, Marex et Blue Planet, et dont le dernier remonte à juin 2021, ce sont quinze requins (six bouledogues et neuf tigres) qui ont été capturés entre le 28 octobre 2019 et le 1er mars 2021. Sur la même période, 52 prises accessoires ont été réalisées par les palangres déployées au cours des opérations.