Après deux ans d’attente, le CHU de La Réunion bénéficiera enfin d’une aide “exceptionnelle” de 40 millions d’euros de la part de l’Etat. Les institutions publiques et les syndicats saluent cette décision, mais pour eux, la somme allouée est insuffisante.
D’ailleurs, les syndicats attendent impatiemment le calendrier de versement. Ils ne veulent pas d’un paiement échelonné et espèrent un “versement immédiat”. Il en est de même pour les élus locaux.
Pour rappel, le CHU de La Réunion accusait un lourd déficit de plus de 50 millions d’euros depuis 2022 et des charges sociales impayées.
40 millions d’euros, “ce n’est pas suffisant”
Le bulletin de santé du CHU de La Réunion était alarmant. Pour rappel, il y a quatre jours, une réunion d’urgence s’est tenue à la Région, en présence des représentants syndicaux, praticiens du collectif Santé Hôpital Réunion, du Département, de l'association des Maires et des parlementaires. Ils étaient tous réunis autour de la présidente du Conseil régional Huguette Bello qui est aussi présidente du conseil de surveillance du CHU.
“Nous saluons l’octroi de cette enveloppe qui permet d’éloigner les menaces immédiates”, réagit Huguette Bello dans un communiqué de presse publié hier soir.
De leur côté, les syndicats sont dans le flou. “A quoi correspond cette somme ? Comment sera-t-elle versée ? D’où vient l’argent ?”, se questionne Frédéric Bâche, secrétaire général de la CGTR au CHU.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
Une somme “minime” pour La Réunion
Frédéric Bâche estime que 40 millions d’euros, “ce n’est pas suffisant, surtout quand on sait que La Martinique a eu 113 millions d’euros et la Guadeloupe a eu 79,3 millions”.
C’est minime. Depuis le temps que l’on se bat pour redresser la situation financière du CHU. On ne peut pas fonctionner sans le soutien financier de l’Etat. Il y a un déficit dans tous les CHU de France. Nous sommes le département d’Outre-mer le plus peuplé, je ne comprends pas que la somme soit aussi minime.
Frédéric Bâche, secrétaire général CGTR au CHU
Même son de cloche pour Alain Puelle, président de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) Santé Réunion-Mayotte.
Mettre le mot aide “exceptionnelle”, ce n’est pas exceptionnel, ce n’est même pas suffisant, ça ne règle pas le problème structurel. On est en difficulté financière depuis plus de deux ans.
Alain Puelle, président de la CFTC Santé Réunion-Mayotte
Quel sera le calendrier de versement ?
La question du calendrier de versement est notamment soulevée par les syndicats. “Personne ne veut d’un paiement en plusieurs étapes”, souligne Frédéric Bâche, qui précise que “cette aide est primordiale pour la santé des Réunionnais”. Tous espèrent un “versement immédiat”.
On ne va pas faire la fine bouche concernant cette aide de 40 millions d’euros, mais le problème reste tout de même entier. On ne sait pas encore comment va être versée cette aide. On ne sait pas non plus à quel moment cette aide sera prise en compte. Je pense que ça va combler une partie du déficit de l’hôpital, mais encore une fois, il faut savoir quel montant sera octroyé pour chaque poste. Le problème sera résolu une fois qu’on aura ce calendrier de versement.
Alain Puelle, président de la CFTC Santé Réunion-Mayotte
Une décision tout de même saluée par les élus
"Nous saluons la décision du gouvernement de débloquer une aide exceptionnelle de 40 millions d’euros pour permettre au CHU de faire face à des paiements devant être faits très rapidement”, a réagi Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis, dans un communiqué publié ce samedi.
C’était une première mesure indispensable que nous avions réclamée mardi pour éviter une crise financière immédiate pour les hôpitaux réunionnais. Notre mobilisation a porté ses fruits et nous avons été entendus. Nous déplorons cependant la précarité dans laquelle est tenu notre CHU depuis des années, car son mode de financement par l’Etat n’est pas à la hauteur de son rôle dans les enjeux de santé publique à La Réunion et dans l’Océan Indien.
Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis
Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion a elle aussi salué cette décision. “Cette annonce montre enfin une considération pour le CHU de La Réunion. Elle intervient après des semaines de craintes pour l’accès aux soins des Réunionnaises et des Réunionnais et de mobilisations de la part des personnels”, indique Audrey Bélim dans un communiqué.
Les élus et les syndicats attendent, malgré tout, des réponses claires sur la question de la revalorisation du coefficient géographique.
Les élus et syndicats réclament la revalorisation du coefficient géographique
Depuis plusieurs années, les élus locaux et les syndicats demandent la revalorisation du coefficient géographique à La Réunion. “Le directeur général de l’ARS, Gérard Cotellon, n’a pas tenu ses promesses pour le coefficient géographique”, s’indigne Frédéric Bâche.
Pour rappel, le coefficient géographique s’applique à une large part des recettes des établissements de santé. Ils ont été introduits avec la tarification à l’activité pour compenser les surcoûts qu’assument les établissements implantés dans les départements et régions d’Outre-mer.
Cela est dû aux spécificités comme l’insularité, l’isolement et le coût de la vie plus élevé. Parmi les principaux postes de surcoûts figurent les charges de personnel, les charges à caractère médical, ainsi que les charges immobilières.
On n’a rien reçu. On parle d’un versement qui va se faire en trois ou quatre fois, mais on attend toujours.
Frédéric Bâche, secrétaire général de la CGTR au CHU
Il faut avoir des réponses claires sur le coefficient géographique, il faut être clair sur les Evasan vers Mayotte, sur les missions d’intérêts générales et sur l’accompagnement du CHU à La Réunion.
David Belda, Secrétaire général FO Santé
Une revalorisation du coefficient géographique “insuffisante”
Pour les élus, la revalorisation du coefficient géographique prévu est “insuffisante”. Il reste “en deçà des préconisations de la Fédération hospitalière de France - Océan Indien”.
- Réaction d'Huguette Bello :
Nous notons la venue d’une mission flash chargée de confirmer le caractère structurel du déficit et d’en analyser les causes. En tant que Présidente du Conseil de surveillance du CHU, je serai vigilante à ce que ce qui est présenté comme une mission d’appui ne soit pas dénaturé. Nous souhaitons que ce travail puisse se faire dans les meilleurs délais et dans des conditions d’impartialité et d’objectivité. Il apparaît cependant que la revalorisation du coefficient géographique est une mesure dont l’application ne peut pas être différée dans l’attente des résultats de cette nouvelle mission. Parfaitement documentée et analysée depuis 2019. Cette augmentation de trois points doit pouvoir intervenir immédiatement et sans délai, conformément à l’engagement du Président de la République.
Huguette Bello, présidente de la Région et présidente du conseil de surveillance du CHU
- Réaction d'Ericka Bareigts :
Déjà l’année dernière nous avions dû accompagner les manifestations des professionnels de santé pour obtenir l’augmentation du coefficient géographique qui détermine le financement de base de l’Etat. Notre santé à tous ne peut pas constituer un objet de « négociation budgétaire permanente » !
Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis
- Réaction d'Audrey Bélim :
Nous n’avons pas de réponse sur la volonté du Gouvernement d’étaler la revalorisation du coefficient géographique en trois ou quatre temps : cet étalement dans le temps n’est pas admissible. Rappelons enfin que la hausse du coefficient géographique prévue reste en-deçà des préconisations de la Fédération hospitalière de France - Océan Indien : l’équilibre financier du CHU de La Réunion reste donc malheureusement précaire.
Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion
Rencontre prévue lundi entre Huguette Bello et Catherine Vautrin
La présidente de la Région, Huguette Bello, doit s'entretenir avec la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, lundi 26 février 2024. Il sera question d'aborder le calendrier de versement de l'aide octroyée par l'Etat.
Toujours est-il que même avec ces 40 millions d'euros, le CHU de La Réunion n'est pas encore sorti d'affaire.