Elle est décrite comme étant "500 fois plus puissante que l'héroïne" mais jusqu'à présent, les autorités sanitaires sont bien incapables d'identifier cette nouvelle substance qui est à l'origine de 13 intoxications, dont trois décès, à La Réunion depuis la fin du mois de juin dernier.
Chef du service addictologie du CHU de Saint-Denis, le docteur David Mété indique qu'il s'agit très certainement de "dérivés de l'opium d'une puissance considérable", d'une "famille d'opioïdes synthétiques" qui n'avait jamais été vue jusqu'à présent à La Réunion.
Alors d'où provient cette nouvelle substance hautement dangereuse ? La question reste complexe. Les regards se tournent notamment vers les pays de la zone, à savoir l'île Maurice et les Seychelles.
Le reportage de Réunion La 1ère :
La piste mauricienne incertaine
"Il y a des réseaux qui existent au sein de l'Océan indien et notamment à Maurice où il y a une consommation connue d'opiacés. Or, si on parle de substituts de drogues de synthèse et d'opiacés, il pourrait y avoir un lien mais il n'y a encore aucune certitude pour l'instant", indique Nicolas Thévenet, le directeur adjoint de la veille et de la sécurité sanitaire au sein de l'Agence régionale de santé.
"Il faut envisager toutes les hypothèses tant qu'on n'a pas de certitudes mais nous avons pris contact avec nos correspondants mauriciens et ils n'ont pas de cas avérés comme ici à La Réunion", nuance le Dr Mété.
Une enquête de police au point mort
Du côté de l'enquête de police, "on est toujours dans l'attente des résultats toxicologiques pour déterminer s'il y a eu consommation par exemple de produits frelatés pouvant être la cause des décès", répond Aude Boyer, du syndicat FO SGP Police.
"Si tel est le cas, il restera à déterminer comment ces personnes se sont procurées ce type de produits et qui est le fournisseur. Donc on est sur un champ d'investigation qui est complètement ouvert", poursuit la policière.
Pour rappel, les trois personnes décédées après avoir consommé cette nouvelle substance sont deux jeunes habitants du quartier Fayard à Saint-André ainsi qu'un détenu du centre pénitentiaire de Domenjod.
Un "accident de livraison" ?
Les enquêteurs de la brigade des stupéfiants de Malartic, sans doute aidés par les gendarmes de l'OFAST, l'antenne locale de l'Office anti-stupéfiants, attendent encore de disposer de l'ensemble des éléments, à savoir la composition biologique précise des substances en jeu.
Mais du côté des autorités sanitaires, il ne fait quasiment plus de doute qu'il s'agit bien d'opiacés de synthèse très puissants. "On est vraiment sur quelque chose de très atypique par rapport à ce que l'on connait déjà à La Réunion, insiste le Dr Mété. Reste à savoir s'il s'agit d'un "accident de livraison" ou d'un nouveau phénomène".
Une centaine de doses facilement transportables dans une enveloppe
Le médecin indique que les personnes intoxiquées par cette nouvelle substance seraient des consommateurs habituels de la "drogue du chamane", connue aussi sous le nom de "tabac chimique". "L'expéditeur pourrait ainsi s'être trompé de produits, en envoyant un opiacé synthétique au lieu d'un cannabinoïde de synthèse ?", avance le Dr Mété.
Ces substances synthétiques peuvent être transportées très facilement à l'intérieur d'une simple enveloppe, par exemple. "Avec une enveloppe, vous faites une centaine de doses, explique l'addictologue. Ce sont des substances actives à très petites quantités car ultra-concentrées".
Une aiguille dans une botte de foin
Quelque 4 000 colis arrivent chaque jour à La Réunion. Et il est également possible de transporter de la drogue sur les vols réguliers. "Toutes ces nouvelles molécules qu'on appelle les nouveaux produits de synthèse peuvent être fabriquées sous n'importe quelle forme : liquide, solide ou vaporisée", indique Denis Lalanne, secrétaire général CGTR Douanes.
"On peut faire sa propre cuisine avec son matériel de petit chimiste et on peut le transporter n'importe où, que ce soit dans des bouteilles d'eau ou encore dans des flacons de parfum. L'imagination d'un trafiquant est sans limite !"
La drogue pourrait ainsi aussi bien provenir d'une île voisine, que de l'Asie et plus précisément de Chine où sont fabriqués la très grande partie de ces produits. Des produits qui peuvent être plus ou moins facilement commandés en ligne via le darknet ou importés via des réseaux plus organisés.