Quelles sont les causes réelles de la vie chère en outre-mer ? Des députés souhaitent des mesures du gouvernement

Jean-Hugues Ratenon souhaite une vraie prise en compte des enjeux ultramarins lors du CIOM à venir.
La cherté de la vie dans les territoires ultramarins, voilà une problématique d'actualité que connaît bien Christophe Girardier, auteur de trois rapports sur le sujet. Actuellement à La Réunion, il a été sollicité par les députés Jean-Hugues Ratenon et Perceval Gaillard pour des échanges avant le Comité interministériel des outre-mers.

Au bout de multiples reports, le Comité interministériel des outre-mers (CIOM) aura finalement lieu le mardi 18 juillet. Lors de ce rendez-vous très attendu des élus ultramarins, le gouvernement doit dévoiler sa feuille de route concernant les territoires d'outre-mer.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Plusieurs parlementaires ultramarins souhaiteraient que se pose la question du coût de la vie dans les territoire d'outre-mer. Et ce notamment après la publication, il y a quelques jours, d'une enquête de l'Insee sur les écarts de prix entre les départements ultramarins et l'Hexagone

Cette enquête a fait état de prix en moyenne +9% plus élevés à La Réunion par rapport à la métropole, sur l'ensemble des biens et services consommés par les ménages.

Expliquer les causes réelles de la vie chère 

Mais qu'est-ce qui explique cette cherté de la vie à La Réunion ? Le président de la société de conseil Bolonyocte Consulting, Christophe Girardier, présent sur le département ce mois-ci, connaît bien le sujet puisqu'il est l'auteur de trois rapports sur les prix en outre-mer. Il a été auditionné récemment devant la Commission d'enquête parlementaire sur la vie chère en outre-mer, et a proposé plusieurs réformes du cadre réglementaire pour faire bouger les lignes.

L'éloignement n'explique pas tout

Car selon le consultant, les prix élevés en outre-mer ne sont pas à mettre sur le compte uniquement de l'éloignement des territoires, des frais d'approche, et de l'octroi de mer. Loin de là. Christophe Girardier pointe plutôt du doigt des causes structurelles, et notamment un modèle économique et social inadapté, calqué sur celui de la France hexagonal. 

Trop de grandes surfaces, des conglomérats, des marges excessives 

Autrement dit, un "développement excessif des grandes surfaces" ayant pour conséquence un commerce de proximité "sinistré" ; des "marges arrières excessives" ; une "hyper-concentration des marchés de la distribution et de la grande consommation" que ce soit dans l'énergie, les transports, le BTP, la production agricole et bien sûr la distribution ; et enfin, des "conglomérats" mettant les acteurs dans une "quasi domination" de l'économie des territoires. Selon les constats de Christophe Girardier, même l'Autorité de la concurrence ne jouerait pas son rôle dans les territoires d'outre-mer. 

"Le modèle économique qu'on applique dans ces territoires n'a pas renoncé aux travers de l'économie de comptoir, c'est-à-dire des marchés concentrés, au bénéfice de certains et au détriment des autres. C'est ça les vraies causes de la vie chère en outre-mer : l'insuffisance de pluralisme concurrentiel, la concentration des marchés, et le modèle économique de la grande distribution notamment, avec le recours excessif à des marges arrières" 

Christophe Girardier, consultant, président de Bolonyocte Consulting

Carrefour et Leclerc détiennent deux tiers du marché 

Le consultant brandit les chiffres de son dernier rapport à l'OPMR, sur la grande distribution. Carrefour (groupe Bernard Hayot) détiendrait, à lui seul, 37% de part de marché en chiffre d'affaires, suivi de Leclerc avec 29% de part de marché. Derrière, les magasins U n'arrivent qu'à 15% de parts de marché, suivi de Leader Price (8%) et Run Market (5%). Soit une situation de duopole - à eux seuls Carrefour et Leclerc totalisent deux tiers du marché - qui nuirait au pluralisme concurrentiel. "Il ne faut pas que deux acteurs aient ensemble plus de 50% de marché", martèle-t-il. 

De grandes réformes préconisées 

Alors que faire ? Christophe Girardier préconise une "réforme profonde du cadre réglementaire" de l'organisation de l'économie dans les outre-mers. Une réforme qui passerait par plusieurs mesures : la limitation à 25% des parts de marché en chiffre d'affaires pour les acteurs tous secteurs confondus, l’interdiction des conglomérats, l’encadrement des marges arrières, ou encore la limitation à 1500 m² de toute surface commerciale. Au-delà de 2 000m2, les grandes surfaces pourraient être taxées. Aujourd'hui, le département compte 17 hypermarchés allant jusqu'à 6 000m2 de surface. 

Enfin, il propose la création d'une Autorité de la Concurrence indépendante pour chaque territoire d'outre-mer. 

Développer le commerce de proximité

Le président de Bolonyocte Consulting était invité par les députés Jean-Hugues Ratenon et Perceval Gaillard, à échanger sur le sujet ce dimanche. 

"Il faut aller sur des grandes surfaces de petite ou de moyenne taille. Il faut stopper la construction des grands centres commerciaux, parce que nous voulons développer le commerce de proximité. Parallèlement, il faudra donner à ces derniers les moyens d'être compétitifs. Il faut restructurer tout notre circuit commercial" 

Jean-Hugues Ratenon, député

Réformer l'OPMR 

Le député reprend non seulement les recommandations de Christophe Girardier, mais souhaite aussi une réforme de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR), pour que celui-ci ait "un pouvoir d'investigation et davantage de moyens".

Quant à l'octroi de mer, pas question de le supprimer, soutient-il puisque cet impôt crée des emplois à La Réunion et soutient les collectivités. Il s'agirait plutôt de le réformer. 

"Que le CIOM prenne en compte nos propositions" 

"Le coût de la vie continue à augmenter partout, et il faut apporter des solutions. Les revenus ne suivent pas. Nous souhaitons que ce CIOM arrive à comprendre et prendre en compte nos propositions, il faut arrêter avec la communication et sortir de l'hypocrisie ministérielle", achève Jean-Hugues Ratenon à deux jours de cette réunion. 

D'autres députés, dont Frédéric Maillot, se sont exprimés eux aussi en faveur de ces préconisations pour réformer l'économie en outre-mer.