Ce samedi 7 mai, Emmanuel Macron a été officiellement investi président de la République au cours d'une cérémonie plus sobre et courte qu’il y a cinq ans, à l’Elysée. A La Réunion, où les électeurs ont majoritairement voté pour son adversaire Marine Le Pen, l'évènement laisse de nombreux Réunionnais indifférents.
Le président réélu semble mal parti pour emporter l'adhésion de la population locale, alors que les élections législatives se profilent le mois prochain et que Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, vise une "remontada" et la cohabitation présidentielle.
"Que ces cinq ans passent le plus vite possible !"
Dans les rues de Sainte-Marie ce samedi matin, les personnes interrogées ne cachent pas leur hostilité vis à vis d'Emmanuel Macron, ni leur déception s'agissant de la politique menée au cours de son premier mandat. "Tout ce que je souhaite, c'est que ces cinq ans passent le plus vite possible pour qu'on puisse à nouveau changer de président !", lâche un passant, de but en blanc.
Croisés quelques mètres plus loin, Marie Betty et Johnny confient ne rien attendre, eux non plus, de ce quinquennat. "On n'est pas FN à La Réunion, mais (ce vote), c'était vraiment pour marquer le mécontentement", se défend la première. "On a vu qui était Emmanuel Macron pendant ces cinq ans. Moi, je pense que les choses vont empirer", enchaîne son compagnon.
Retraite et pouvoir d'achat
Le pouvoir d’achat et l'âge de départ à la retraite restent au cœur des préoccupations. "Les prix augmentent de jour en jour et en plus et, nous, les personnes âgées, on peine à arriver à la fin du mois", confie un autre passant.
Mêmes sentiments au milieu des étals du Petit Marché de Saint-Denis. Les déçus de ce premier mandat sont nombreux. "Ces dernières années, il nous a vraiment oubliés et ça s'est vu dans les résultats de ces élections. Donc là, j'espère qu'il va vraiment faire bouger les choses pour qu'on ait une Réunion moderne qui avance. J'espère vraiment qu'il ne va pas oublier La Réunion cette fois-ci", lance un jeune, avec un masque et des lunettes de soleil vissées sur le nez.
Découvrez ces réactions extraites du journal de Réunion La 1ère :
"Je n'attends rien de lui"
"C'est toujours la même chose, c'est toujours le même refrain, je n'attends rien de lui", confie un autre jeune. Un bazardier estime quant à lui que le projet d'Emmanuel Macron est un projet "qui détruit les pauvres". Et de rajouter, "mais c'est lui le chef de l'Etat, donc on va l'écouter et on va supporter notre malheur pendant cinq ans".
Tous ne sont pas aussi défaitistes, à l'instar de ce passant qui attend du nouveau président qu'il lui garantisse "un peu plus de sécurité" et "beaucoup moins d'union européenne", en déplorant à son tour au passage que de plus en plus de Réunionnais aient du mal à s'en sortir à la fin du mois.
Impopulaire auprès des classes populaires
Comment expliquer un aussi fort rejet à La Réunion ? Pour Damien Deschamps, politologue invité du journal de Réunion La 1ère, ce samedi 7 mai, le résultat des élections présidentielles à La Réunion, comme dans la plupart des Outre-mer, n’est pas surprenant.
"On sait que les classes populaires ne votent pas spécialement Macron. C’est le cas en métropole et c’est le cas aussi à La Réunion où le taux de pauvreté est beaucoup plus important en moyenne que la moyenne nationale, avec des ménages très modestes qui tirent la langue et qui ne se retrouvent pas forcément dans cette politique".
Revoir l'interview de Damien Deschamps dans le journal de Réunion La 1ère
Un président "déjà un peu sur sa jambe gauche"
Faut-il s’attendre à une politique beaucoup plus équilibrée pour ce second mandat ? "En tout cas, Emmanuel Macron a déjà changé le logiciel, parce que la crise Covid et la crise ukrainienne sont entrées en contradiction avec le discours très libéral qui était le sien en 2017, estime Damien Deschamps.
"L’Etat est intervenu très massivement pour éviter l’effondrement de l’économie et l’effondrement social", résume l'expert. Le politologue parle d’une rupture déjà nette. "Le fait qu’il y a eu un retour de l’Etat-Providence et que l’on a oublié la rigueur budgétaire montre qu'Emmanuel Macron est déjà un peu sur sa jambe gauche. Est-ce qu’il va le mettre plus à l’évidence ? Visiblement, puisqu'il a approché Valérie Rabault qui est une élue socialiste qui a finalement décliné le poste pour Matignon".
Les Français pourront juger par eux-mêmes dans les semaines et les mois qui viennent même si le temps présidentiel reste pour l'instant comme suspendu, dans l'attente du résultat de la bataille législative.