Dans la nuit de samedi à dimanche derniers, le quartier de Bras-Fusil à Saint-Benoît a été secoué par un nouvel épisode de violences, vraisemblablement dans un contexte d'affrontements entre bandes rivales. Des dizaines de véhicules de riverains ont été dégradés, leur pare-brise cassé ou leurs portières enfoncées.
Ce lundi encore, la sidération et la colère régnaient chez ceux qui ont subi ces dégradations, qui ne sont pas les premières observées. Fred, un habitant du quartier, questionne l'inaction des familles. "Nena les responsabilités des parents aussi. (...) D'une manière générale, la justice fait son travail, du mieux possible, et aux parents aussi d'essayer de se réveiller un peu !", s'exclame-t-il.
Regarder le reportage de Réunion La 1ère :
Des habitants témoins de la violence
"En tant qu'habitant de Bras-Fusil, j'ai peur parfois quand je sors. Les batailles avec Saint-André c'est nouveau, mais il y avait déjà de la violence dans le quartier", observe Souleiman, un autre riverain.
Son voisin Rosaire lui, estime qu'il faut trouver des solutions pour retrouver le calme d'antan, et sans pointer du doigt telle ou telle communauté. "Il faut essay' change de manière de vivre. Avant nou té pa éduqué comme ça, nout parents té sévères ek nou. Aujourd'hui la délinquance i commence trop bonne heure", souffle-t-il, appelant toutefois à ne pas mettre tout le monde dans le même panier.
"On subit des choses qu'on ne comprend même pas"
Fatima Assoumani-Vitta, présidente de l'association ANM créée dans le quartier pour consolider le vivre-ensemble, se dit pour sa part "dépassée". Elle a du mal à comprendre comment Bras-Fusil en est arrivé à traverser de tels épisodes.
"On ne sait même pas quel est le problème exactement. La journée on vit normalement comme dans n'importe quel quartier, mais le soir arrivé, on subit des choses qu'on ne comprend même pas", rapporte Fatima Assoumani-Vitta.
"On fait l'effort d'aider les petits en faisant des animations. On essaie de mettre en place des actions qui peuvent ramener un peu de vivre-ensemble dans notre quartier, et quand on se lève le matin on voit ce qui s'est produit. Aujourd'hui je ne sais plus ce qu'on peut mettre en place. Ce qu'ils ont fait samedi pour moi, c'est intolérable et incompréhensible"
Fatima Assoumani-Vitta, présidente de l'association ANM
A court de solutions
La présidente d'association culturelle est aujourd'hui en colère. Elle considère que les associations font leur travail, idem pour l'Etat et les forces de l'ordre. Elle se demande quoi faire contre ces individus à l'origine des multiples dégradations dans le quartier, mais se dit à court d'idées après des années d'action.
"Je me sens inutile, en échec, je ne sais même pas comment identifier ça. On essaie vraiment de faire ce qu'on peut. Malheureusement, je ne sais pas. Je suis dépassée parce que ça fait quelques années qu'on essaie, mais là pour moi c'est la deuxième fois que j'estime qu'ils dépassent les limites".
Fatima Assoumani, présidente de l'association ANM
Nul ne sert de pointer du doigt une communauté ou une autre, considère-t-elle enfin. "Tout le monde est victime, tout le monde est coupable", estime Fatima Assoumani.
Responsabilité des adultes...
Pour Sarah Ballet, consultante en pratiques éducatives au sein de l'association Les Eclaireuses, les comportements violents vus au sein de ces bandes de jeunes sont aussi à attribuer aux adultes, qui donneraient de mauvais exemples. "Les adultes sont responsables de la situation actuelle parce qu'un enfant ou un adolescent est l'exact reflet de ce qu'on lui donne à voir, du cadre qu'on lui pose, des valeurs qu'on lui transmet", estime-t-elle.
...et des politiques publiques
Si, en disant cela, elle ne déresponsabilise pas les jeunes impliqués dans les violences du week-end dernier, Sarah Ballet interroge aussi les responsabilités d'autres acteurs.
Car la consultante en pratiques éducatives est persuadée que les conditions de vie dans ces quartiers participent à la situation actuelle. Elle questionne notamment "les choix qui sont faits par les villes de concentrer des populations dans une forme de misère sociale et culturelle", qui créent "une stigmatisation et des fractures sociales qui pourraient être résolues si chacun prenait sa part de responsabilité".
Favoriser le lien social et le vivre-ensemble
Comme le rappelait le préfet Jérôme Filippini ce lundi, la solution n'est pas que sécuritaire mais passe aussi par le vivre-ensemble et le lien social au sein de la population. Un avis qui est aussi celui de Clara Cadet. La Bénédictine estime que favoriser l'échange est un premier pas vers la résolution de ces violences. "Il faudrait mettre tout le monde autour d'une table, pour discuter des problèmes, mettre les gens face à leurs responsabilités", dit-elle. Histoire de balayer les fausses idées, de faire connaissance, d'éliminer des "peurs injustifiées" sources de conflit.
"Moi-même j'avais des a priori en venant dans ce quartier, mais en faisant connaissance avec tout le monde, on échange et ça n'apporte que du bien. Ce serait un bon début"
Clara Cadet, habitante de Saint-Benoît