Terminées les vouves grouillant d'alevins et les dizaines de tonnes de bichiques pêchées chaque année.
Le caviar des tables réunionnaises déserte les cours d'eau. A l'image de la dernière saison de bichiques, entre 2023 et 2024, seuls 1 800 kg ont été récoltés.
Tous espèrent une meilleure saison mais à deux jours de l'ouverture de la pêche réglementée, les professionnels peinent à cacher leur inquiétude.
Des pêcheurs aux aguets
Jean-Charles, son beau-frère et son neveu scrutent la plage de galets, du côté de la Jamaïque. C'est à l'embouchure de la Rivière des Pluies qu'ils ont l'habitude depuis des années, d'attendre le bichique. "On regarde si quelque chose bouge. Si ça bouge, on rentre dans la mer et on plonge" indique Jean-Charles.
Il faut en effet que les conditions soient réunies pour une montée des alevins afin que ces derniers s'engouffrent dans une vague favorable et remontent la rivière. Autre facteur décisif, la lune. Son cycle permet de donner le tempo aux pêcheurs.
"On attend le quartier de lune, après la nouvelle et le deuxième quartier. C'est là que l'on pêche" indique Jean-Charles Moucouta. Et en ce moment, le quartier de lune est favorable. Bientôt bishik i sa monté !
Le reportage de Réunion La 1ère :
Repousser la période de pêche ?
Mais avant que les bichiques ne remontent la rivière et poursuivent leur développement, il faut de l'eau. La sécheresse continue de sévir et le niveau des cours d'eau est au plus bas. Pour preuve, le mois de juillet a été le plus sec à La Réunion depuis plus de 50 ans.
Des conditions de plus en plus difficiles qui inquiètent la nouvelle génération de pêcheurs. Pour Jean-Grégory, neveu de Jean-Charles, le constat est sans appel.
"C'est de pire en pire, avant, il y avait plus de bichiques et de poissons. Là quand on voit les conditions, cela ne nous encourage pas. On paye pour pouvoir pêcher et quand les bichiques remontent le courant, la pêche est fermée, ça ne vaut pas le coup " reconnaît le jeune pêcheur.
Pour Jean-Charles, pêcheur de bichiques de père en fils, il faudrait revoir les périodes de pêche réglementée. "Il faut attendre la saisons des pluies. Il faudrait que la pêche débute dès le mois de novembre jusqu'au mois de mars. C'est à ce moment que les bichiques remontent le courant en abondance".
Préserver la tradition à tout prix
En attendant, le pêcheur de 63 ans tente de garder espoir à l'approche de la nouvelle saison. Ses vouves sont prêtes, les cordages et les tressages ont été vérifiés. Il n'y aura plus qu'à placer les nasses face à la mer au bon moment.
Il faut dire que ces périodes de pêche ont toujours rythmé la vie de sa famille. Le grand-père allait dans les canaux, les femmes également. Une tradition que Jean-Charles tient à préserver malgré les conditions dégradées.
"On est dans le milieu depuis longtemps. On a encore cette envie de pêcher. Le fait de confectionner un canal, on prend plaisir à voir le résultat et à voir les bichiques remontés le courant. Il faut être stratégique" explique-t-il.
Dès que la rivière se mettra en mouvement, les pêcheurs seront à pied d'oeuvre sur les canaux pour organiser l'écoulement de l'eau et le passage des alevins. La nouvelle saison débutera ce dimanche 1er septembre et prendra fin le 28 février prochain.