Le créole continue de se faire une place à l'école. Dans ce collège de la Chaloupe Saint-Leu, la classe de 6ème 3 bénéficie depuis cette rentrée de l'option langue vivante régionale. Au total, 13 collèges la proposent à quelque 570 élèves sur l'académie de La Réunion.
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Alors ce jeudi, le cours porte les "faux-amis" ou plutôt "faux dalons" de la langue créole : un "baro" n'est pas un barreau mais un portail, être "gomé" ne signifie pas qu'on a été effacé, mais plutôt qu'il est temps d'aller se nettoyer. Et quand quelque chose est "gayar", il n'est pas forcément costaud et fort, mais plutôt chouette...
Comprendre le créole en même temps que le français et vice-versa
De toute façon, cette nouvelle matière les fait progresser tant en français qu'en créole, remarquent les collégiens. Parmi les élèves qui suivent assidûment le cours ce matin, Mirella de la 6ème 3. "Ça nous apprend à comprendre le créole et en même temps le français", dit-elle. Lenny, autre collégien, répond quant à lui sensiblement la même chose, mais en créole : "Mi aim le créole et mi aim écrire et parler en créole. Lé bien d'appren' deux langues et i fé apprenn a moin aussi le français".
Passer d'une langue à l'autre
Dans cet établissement scolaire de la Chaloupe, Audrey Hoarau est professeure certifiée en langue vivante régionale créole, mais aussi de français, dans cette classe du dispositif "tremplin" de 40 élèves. Cinq heures par semaine, elle enseigne à ses élèves les subtilités du vocabulaire courant du créole réunionnais. L'objectif : pouvoir passer d'un code linguistique à l'autre, du créole au français, du français au créole, mais aussi vers d'autres langues.
"Tous les 15 jours bann marmay néna créole et accompagnement personnalisé, en ti groupe. Avec le créole nou amèn a zot vers le français et nou enserve les deux langues pou être de bons bilingues, et après arriver su le plurilinguisme, que bana i gayn manier l'anglais et l'espagnol aussi"
Audrey Hoarau, professeure de langue vivante régionale et de français
Un plan d'enseignement au niveau de l'académie
Au milieu de ce cours de créole ce jeudi matin, le nouveau recteur de l'académie Réunion Pierre-François Mourier, venu constater les parcours d'enseignement renforcé de langue vivante régionale mis en place à la rentrée. Car la précédente rectrice, Chantal Manès-Bonnisseau, avait préparé tout un plan d'enseignement du créole, de l'école jusqu'au lycée, notamment avec l'objectif de lutter contre l'illettrisme.
54 classes bilingues et une option LVR
Ainsi, depuis cette rentrée, on compte sur l'académie de La Réunion 54 classes bilingues français/créole à l'école, pour un total de 439 enseignants habilités langue vivante régionale. 170 écoles de l'île disposent d'au moins un de ces enseignants habilités.
Concernant les collèges, ils sont 13 à proposer l'option LVR (langue vivante régionale) cette année, à 570 élèves. Les lycées qui proposent un enseignement du créole en LV3 (langue vivante 3) sont quant à eux au nombre de cinq, soit 388 lycéens.
"Faire de cette spécificité une chance"
Pour celui qui a pris la suite de Chantal Manès-Bonnisseau, cet apprentissage est "essentiel", au regard des capacités qu'il aide à développer chez les élèves.
"Les chiffres montrent qu'à peu près 80% des jeunes Réunionnais parlent le créole à la maison. La langue est donc prépondérante et très importante. L'idée est de faire de cette spécificité uen chance pour les élèves réunionnais. Car avec le créole et le français, ils sont bilingues très très tôt"
Pierre-François Mourier, recteur de l'académie de La Réunion
Une langue, mais aussi une culture
Ce bilinguisme français/créole est un atout : selon des études, les cerveaux de bilingues sont adaptés à l'apprentissage d'autres langues étrangères supplémentaires. C'est pourquoi "la co-construction du français et du créole à l'école est très importante", insiste le recteur. Sans oublier l'aspect culturel également présent dans ces cours de LVR, face à ces jeunes de La Réunion dont l'histoire est "fondée et nourrie par un langue".
"Au travers de la langue créole on fait passer plein de choses, notamment sur les spécificités historiques de La Réunion, que tous ces jeunes doivent connaître", constate Pierre François Mourier.
Les précisions de Pierre-François Mourier, le recteur de l'académie, sur Réunion La 1ère :
Elaborer les outils pédagogiques
Ne reste plus qu'à peaufiner les outils et programmes de cette LVR, puisqu'ils reposent actuellement sur l'inventivité des enseignants habilités. Ces derniers, comme Audrey Hoarau au collège de la Chaloupe, ont dû créer leur propre contenu pédagogique, faute d'outils adaptés à l'apprentissage du créole réunionnais. Selon le rectorat, une inspectrice académique de lettres créoles a pris ses fonctions à la rentrée, chargée de "réfléchir à la façon dont on va avancer dans ce plan langue créole à l'école".
Du créole de la maternelle au lycée
Pour rappel, le plan stratégique de l'académie Réunion concernant le développement de l'enseignement du créole passe par ce qu'on appelle des "parcours de continuité" qui permettent aux jeunes ayant suivi les cours au collège de les poursuivre au lycée. Sept de ces dispositifs ont été ouverts à la rentrée, à Saint-Louis, Saint-Pierre, Saint-Leu, Saint-Joseph, Saint-André, Sainte-Suzanne et Saint-Denis.
Ainsi, les élèves de l'académie peuvent commencer leur éveil à la diversité linguistique dès la maternelle, puis poursuivent l'enseignement du français en milieu créolophone en primaire, peuvent opter pour une 6ème plurilingue ou l'option LVR au collège, et enfin choisir l'option langue vivante créole au lycée.