"Nou la toujours eu de la vanille, nou la toujours fait de la vanille. Sans vanille terlà, c'est pu Saint-Philippe", martèle Louis Grondin, ouvrier agricole dans le Sud Sauvage.
Alors que le Congrès international de la vanille s'ouvre ce mardi 4 juin dans les locaux du Pôle de protection des plantes à Saint-Pierre, les agriculteurs tirent la sonnette d'alarme. "La vanille péi est en péril", alertent ceux qui voient leur production de vanille impactée par les effets du dérèglement climatique.
La production de vanille péi en chute libre
Dans les hauteurs de Saint-Philippe, l'exploitation de vanille péi de Patrick Fontaine a moins de rendements. Depuis quelques années déjà, il constate que ses sols sont moins fertiles.
"Le sol est très important pour la vanille. On a besoin d'un sol noir et aéré. Certains le nomment la "terra preta". (Autrement dit, une terre noire, riche et fertile NDLR). La vanille a besoin d'un sol humide et carboné", explique-t-il. Depuis deux ans et demi environ, la situation s'est aggravée.
D'années en années, on a une très faible production de vanille. Sur une parcelle comme celle que j'ai, avant, on avait une tonne de vanille, environ, par an. Cette année, on aura peut-être 200 ou 300 kilos de vanille, pas plus.
Patrick Fontaine, producteur de vanille
Les effets du dérèglement climatique sur la vanille péi
À cause du changement climatique, le sol peut être "très sec à un moment de l'année ou alors très humide, remarque Patrick Fontaine. En fait, c'est très variable et ça génère des dérèglements sur les micro-organismes également. Donc, forcément, notre vanille péi est impactée".
L'an dernier, ce producteur de vanille s'est retrouvé avec une floraison en mai. En cause, des pics de chaleurs, alors qu'en temps normal, la vanille fleurit entre les mois d'octobre et décembre.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
"On fait de la vanille péi en plein champ"
Si Patrick Fontaine affirme qu'il pourrait changer son mode de production pour avoir plus de rendements, ce n'est pourtant pas ce qu'il fera.
Il est très attaché au fait de produire de la "vanille originelle. On a fait honneur à Edmond Albius et on continue à le faire (via le procédé de fécondation de la vanille çà la main NDLR)", dit-il.
On a choisi de faire la vanille, ni sous serre, ni sous ombrière. On fait de la vanille en plein champ. Si on artificialise le processus de production de vanille, ce ne sera plus jamais la production de la vanille de La Réunion telle qu'elle est actuellement.
Patrick Fontaine, producteur de vanille
La polyculture pour une vanille péi de qualité
Patrick Fontaine tient à préserver la qualité de la vanille de Saint-Philippe. Fier de son exploitation, il prône un modèle où la polyculture est reine.
"Ici, on a une cinquantaine d'espèces de plantes différentes. Quand on regarde autour de la vanille, on a le palmier. Par exemple, quand ses feuilles tombent, elles nourrissent le sol", explique-t-il.
Nous-mêmes, agriculteurs et paysans, on doit avoir les bons gestes. On fait de l'agroécologie et de l'agroforesterie. Le but est d'avoir une culture saine qui respecte la vie dans son ensemble. C'est primordial d'avoir de la biodiversité. Ce qui fait la qualité de la vanille de La Réunion, c'est tout l'écosystème qui l'entoure.
Patrick Fontaine, producteur de vanille
Défendre la qualité de la filière locale
Sans prise de conscience, La Réunion pourrait se retrouver avec de la vanille sous serre climatisée comme cela se fait déjà aux Pays-Bas, alerte le producteur de vanille. Cette option est inimaginable pour les fervents défenseurs de la qualité péi.
Le Congrès international de la vanille à La Réunion
Alors qu'il faut défendre la qualité de la filière locale selon les agriculteurs, le cinquième Congrès international de la vanille s'ouvre aujourd'hui à La Réunion.
Organisé par l’Université de la Réunion et le Cirad, cet événement réunit une soixantaine de scientifiques venant de 20 pays différents. Jusqu'au 7 juin, ils échangent sur l’avenir de la vanille et sur les enjeux qui entourent cette plante.
Huguette Bello, présidente de Région, tient à "soutenir les producteurs, stabiliser les marchés et garantir des pratiques éthiques tout au long de la chaîne de production".