Ils étaient une vingtaine d'apiculteurs et d'agriculteurs réunis ce lundi 6 février à Saint-Philippe, pour dire leur mécontentement face à la situation de la filière apicole locale. La découverte vendredi de deux petits coléoptères des ruches morts (aethina tumida), dans un piège sur l'exploitation de Bernard Savreux, apiculteur de Saint-Philippe, a réveillé les craintes de toute la filière.
Les ruches de Bernard Savreux, selon le protocole en vigueur, l'interdisent désormais d'approcher ses ruches ou de les déplacer. Pire, elles pourraient bientôt être détruites, ce à quoi il s'oppose. Avant toute chose, il réclame une contre-expertise de son rucher sous regard d'huissier.
Désabusé, il se demande si c'est la dernière fois qu'il approche son exploitation. "Au bout du compte on ne tient pas compte de tous les efforts qu'on a faits ces derniers mois, ni des résultats. Car les coléoptères qui ont été trouvés dans des pièges, c'est bien la preuve que ce qu'on a mis en place a une efficacité, donc il faut continuer à creuser. Ça serait une aberration de continuer à détruire tant qu'on ne sait pas s'il y a des coléoptères vivants dans la ruche", soutient Bernard Savreux. L'apiculteur a tout fait dernièrement pour développer un système préventif et renforcer la qualité de ses essaims, de manière à les rendre assez résistants face à la menace du petit coléoptère des ruches.
Une réunion à la DAAF mercredi
FDSEA, UPNA, CGPER, ou encore la chambre d'agriculture étaient présents à Saint-Philippe pour le soutenir ce lundi. Avant une réunion prévue avec la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Forêts (DAAF) mercredi, où il devrait être question des mesures de restriction.
Car les apiculteurs accusent le coup : depuis le mois de juillet 2022, interdit de transporter des ruches ou du matériel apicole, et donc d'effectuer des transhumances, dans un rayon de 10 km autour d'un rucher infesté. Or, ces transhumances sont essentielles pour que les apiculteurs emmènent leurs abeilles butiner dans des secteurs bien précis, en fonction des floraisons, pour obtenir leurs miellées.
Stop aux destructions de ruches
À l'approche de la miellée de baies roses, ils étaient donc soulagés que l'Etat envisage enfin l'assouplissement des restrictions. Mais la nouvelle détection du petit coléoptère est venue réduire à néant leurs espoirs. Mais surtout, ils redoutent qu'encore une fois, leurs ruches partent en fumée.
"Si on a eu des pertes énormes ces derniers mois, ce n'est pas dû au petit coléoptère directement, mais aux mesures. On a retrouvé la présence du petit coléoptère dans 12 ruches, mais ce sont 220 ruches qui ont été détruites", constate François Payet, président du Syndicat apicole Réunion. "L'aspect sanitaire a primé, et l'aspect économique a été complètement occulté", dénonce-t-il.
"Un arrêté préfectoral complètement bloquant"
Le Syndicat apicole Réunion ne minimise pas les ravages du petit coléoptère, mais appelle les autorités à relativiser.
"Les experts qu'on a rencontrés et écoutés nous disent que le petit coléoptère des ruches n'est pas un problème qui demande cette dramatisation. On subit un arrêté préfectoral complètement bloquant, on ne peut plus rien produire, il faut que ça s'arrête"
François Payet, président du Syndicat apicole Réunion
Tous sont d'accord pour trouver des solutions autres que celles déployées actuellement, et surtout, ne souhaitent plus avoir à brûler les ruches de façon préventive, comme le réclament les autorités jusqu'à maintenant.
D'autres solutions souhaitées
En revanche, ils proposent le recours aux pièges, et l'adaptation à la présence de cet insecte ravageur. "Il faudra adapter nos techniques, changer de matériel, avoir des ruches fortes et populeuses. Tout ça a un coût, mais ces six derniers mois, nos pertes sont dues à la mise en place des restrictions", clame François Payet.
Les représentants des syndicats agricoles plussoient. Pour Dominique Vienne, le président de l'UPNA (Unis pour nos agriculteurs), il faut "faire en sorte de développer des moyens humains et matériels pour capturer le petit coléoptère sans détruire les ruches". À la CGPER, Jean-Michel Moutama, souhaiterait une participation du Cirad pour développer des solutions contre ce nuisible, et estime normal de manifester son soutien ce matin. "En s'attaquant aux abeilles, on s'attaque à toute l'agriculture", dit-il.
Catherine Galtier, première adjointe au maire de Saint-Philippe, et elle aussi dans le milieu agricole, conteste la destruction des ruchers : "Aujourd'hui on voit que le petit coléoptère des ruches est présent, mais des pièges ont été mis en place et ils fonctionnent très bien. Il faut arrêter de pointer du doigt les apiculteurs. On veut que l'Etat prenne des dispositions et revoie son arrêté. L'apiculture concerne aussi les agriculteurs, on a besoin de ces abeilles".