L’Aide Médicale d’Etat (AME) pourrait être supprimée, voire transformée en Aide Médicale d’Urgences (AMU). Cette mesure, initialement prévue dans le texte de la « loi immigration » portée par Gérald Darmanin, revient à l’agenda du nouveau gouvernement. L’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a rouvert ce dossier explosif et a annoncé une réforme en ce sens.
Le dispositif d’origine s’adresse aux étrangers en situation irrégulière ; il leur donne accès à des soins médicaux et hospitaliers, comme des médicaments remboursés, la contraception, l’interruption volontaire de grossesse, des prises en charge dentaires, la vaccination, ou encore certains dépistages.
Mais il est pointé du doigt par des détracteurs, qui dénoncent un coût élevé : 1,2 milliard d’euros alloués en 2024, soit 0,5% des dépenses de santé de la Sécurité Sociale.
Le Dr André Atallah, président de la fédération hospitalière de Guadeloupe et maire socialiste de Basse-Terre, estime, lui, que l’AME a fait la preuve de son utilité. La transformer en AMU est "une idée stupide en termes de santé publique", a-t-il déclaré.
La santé, un droit pour tous
La réforme envisagée aurait des conséquences négatives sur la santé des « sans-papiers », du point de vue d’André Atallah, pour qui, fondamentalement, ces personnes ont le droit d’être soignées en France.
C’est un dispositif qui a été mis en place depuis 2000 et qui a fait ses preuves. Ça permet à des personnes qui sont certes en situation irrégulière, d’avoir accès aux soins et de faire de la prévention. Que va-t-il se passer s’ils ne peuvent pas se faire soigner ? Ils vont négliger leur santé et cela va retomber sur les hôpitaux. Quand la personne va faire une décompensation, en urgence elle va aller à l’hôpital, ça va coûter plus cher (parce que l’hospitalisation, ça coûte plus cher), ça va faire déborder les hôpitaux.
Dr André Atallah, président de la Fédération hospitalière de Guadeloupe
Le Dr Atallah parle alors d’impact sur la sollicitation des établissements hospitaliers, déjà fragilisés, qui doivent être impérativement préservés.
L’ensemble des médecins interrogés ont dit que tout patient arrivant aux urgences sera soigné. C’est le serment d’Hippocrate qu’on a tous signé. Il faudra bien les prendre en charge. Donc, notre mission, au sein de la Fédération hospitalière de Guadeloupe, est de dire qu’il vaut mieux faire de la prévention, que ces personnes aient droit à l’Aide Médicale d’Etat, pour aller voir un médecin traitant, un cardiologue, pour être soigné, plutôt qu’attendre que leur état de santé s’aggrave et aller aux urgences, régulièrement débordées.
Dr André Atallah, président de la Fédération hospitalière de Guadeloupe
Le Dr Atallah réfute le soupçon d’attractivité de l’AME
Ceux qui prônent la révision de l’AME considèrent que cette offre à l’effet d’un appel d’air, à l’endroit des migrants.
Argument rejeté par le Dr Atallah, qui affirme que cette facilitation d’accès aux soins n’est pas un facteur d’attractivité et n’est pas la raison principale des déplacements de population vers la France, y compris vers la Guadeloupe.
Le motif pour lequel un étranger en situation irrégulière vient en Guadeloupe, ou dans l’Hexagone, c’est essentiellement pour échapper à la misère de son pays, ce n’est pas tellement pour être soigné. Plus de la moitié de ces personnes en situation irrégulière ne fait même pas la demande pour avoir l’AME. Ce ne sont que 9% des gens qui disent que c’est pour des problèmes de santé. Le reste, c’est pour des raisons économiques.
Dr André Atallah, président de la Fédération hospitalière de Guadeloupe
L’AME n’est pas un droit universel. À l’image de la Couverture Maladie Universelle (CMU), ouverte aux Français sur conditions de ressources, cette Aide est réservée aux personnes irrégulières aux revenus mensuels inférieurs à 809€ ; au-delà, les sans-papiers n’ont pas de couverture sociale.
À VOIR AUSSI/ L’enquête d’évaluation de la CME, menée par Claude Evin, ancien ministre de la santé et Patrick Stefanini, en cliquant ici.