Sargasses : à Petit-Bourg, on n’attend plus rien, mais on espère encore

Des habitants de Petit-Bourg témoignent, à quelques jours de l'ouverture de la première conférence internationale sur les sargasses qui se tient en Guadeloupe.
A deux jours de l’ouverture de la première conférence internationale sur les sargasses, les habitants de Petit-Bourg rêvent d’en finir avec ces algues brunes qui ont bouleversé leur quotidien, mais ils avouent aussi ne plus trop y croire.
Ces jours-ci, les plages de Petit-Bourg sont propres. La mer est agitée mais claire, aucune sargasse à l’horizon. Pourtant, ces algues brunes aux émanation toxiques sont dans toutes les têtes. De la plage de Viard jusqu’au bourg, les habitants ne se font pas d’illusions : ils attendent, presque désabusés, le prochain déferlement, son odeur pestilentielle et ses conséquences sur la santé, la vie quotidienne et l’économie de la commune. 
 

“L’odeur nous empêche de vivre”

Sur la plage de Viard, pas une algue sur le sable noir, ce lundi. Difficile d’imaginer que le site a été interdit à la baignade en avril. Aurore et ses amies sont venues “s’aérer” entre deux averses, ce qu’elles ne font plus en période de sargasses, tant l’odeur est “insupportable” : “sur une échelle de 1 à 10, je dirais 10”, explique la jeune femme de 20 ans. “Quand ça revient, c’est juste pas possible, surtout dans le bourg. Des fois, on ne peut même pas passer tellement l’odeur est insupportable.”
Aurore sur la plage de Viard à Petit-Bourg.

Dans le bourg justement, les passants se font rares aujourd'hui. Alberte profite d’une éclaircie pour sortir avec ses petits-enfants. Elle aussi souffre régulièrement des arrivées massives d’algues brunes. “L’odeur nous empêche de vivre.” Cette odeur, c’est la conséquence des émanations de sulfure d’hydrogène et d’ammoniac libérés par les algues quand elles se décomposent. “Ma petite-fille a eu des boutons, moi j’ai développé une gêne respiratoire.” Ses équipements électroménagers en ont pâti : “On a perdu une télé et l’autre buggait. (...) Le micro-onde s’est mis à crier à longueur de journée, il fallait le débrancher.”  

À quelques mètres de là, Eugène joue aux dames, à l’abri des caprices de la météo. “Quand c’est comme ça, on est bien”, dit-il en montrant la mer, dépourvue d’algues. Les sargasses, “c’est quelque chose qui est très très très dur à supporter.” Mais pour lui, ce n’est pas de fatalité. “L’Homme peut trouver une solution, il trouve bien des solutions pour des choses bien plus dangereuses.” Barrages, drones… les idées ne lui manquent pas. 
A Petit-Bourg, Eugène, à gauche, joue aux dames à quelques mètres de la mer.
 

“Je n’attends rien”

Ces solutions seront abordées très officiellement cette semaine, puisque la Guadeloupe accueille la première conférence internationale sur les sargasses, ainsi qu’un salon pour valoriser la surveillance, la collecte et la transformation de ces algues qui gâchent la vie des habitants depuis 8 ans. Plusieurs projets seront formellement lancés pour mieux collecter et valoriser les algues brunes. 

Pourtant, ni Aurore, ni Alberte ou même Eugène ne sont au courant des conférences et des débats qui se préparent. “Où ça? Il n’y en a pas à Petit-Bourg?”, demande Michel, un autre habitant du bourg. Rapidement, la surprise laisse place, chez lui, à une forme de désillusion : “on a déjà fait des réunions par ici, on a promis des choses…” 
Yves affirme avoir vu la commune de Petit-Bourg changer, avec les arrivées régulières d'algues sargasses.

Yves tempère. Ce jeune homme de 24 ans sait qu’une conférence internationale se tient sur l'île : “du 24 au 26, c’est bien ça?” De l'événement, il n'attend pas grand chose. “Si j’attends, je sais que je vais attendre trop longtemps, lâche-t-il avec un sourire. Mais j’espère voir du changement.” “C’est inacceptable. On est sur une petite île, on garde espoir”, conclut Yves, tout en regrettant avoir vu sa commune “changer” au cours des huit dernières années, depuis que les sargasses s’invitent sur la côte.