TÉMOIGNAGE. Crise en Nouvelle-Calédonie : Marc Sabatier, sauveteur en mer engagé pour les autres

Marc Sabatier, président de la station SNSM, à Nouméa.
Qui sont ces Calédoniens qui s’investissent pour aider les autres, qui jouent la carte de la solidarité depuis le début des émeutes ? NC la 1ère les a rencontrés. Pendant les évènements, Marc Sabatier, sauveteur en mer à la SNSM, était sur le pont tous les jours. Avec l'équipage, il a acheminé le personnel soignant au Médipôle et a participé à des interventions pour transporter des personnes malades par la mer. Plus qu'un engagement, c'est un véritable dévouement.

Marc Sabatier fait preuve d'une abnégation à toute épreuve. Pendant les émeutes, il a effectué des dizaines d’interventions avec les sauveteurs en mer de la SNSM. "Je ne veux pas être mis en avant, je ne suis pas un champion. Ce n'est pas dans ma nature, je suis là pour servir, donner de la cohésion, une bonne ambiance. C’est la nature humaine qui est importante. C’est un engagement, je ne fais pas ça pour fuir ma maison", prévient l'homme, sauveteur en mer depuis quatre ans à Nouméa.

Depuis janvier, il est à la tête de l'association. À la SNSM, ils sont tous bénévoles et à partir du 16 mai, les membres ont été réquisitionnés pour emmener des soignants au Médipôle, à Dumbéa, par voie maritime. Un exercice loin d’être facile car "la marée était basse le midi. On ne pouvait pas y accéder. On a touché plusieurs fois et on a été beaucoup aidés par le Cercle nautique calédonien", explique le marin. Quand il parle de ses missions, Marc Sabatier n’oublie jamais ses pairs.

La vedette de la SNSM prête à intervenir en mer.

Plus de 1 000 personnes transportées

Pour les interventions qui se sont déroulées pendant les émeutes, les marins les plus aguerris se sont joints aux missions. "À bord, on avait choisi des bénévoles qui étaient carrés. Il y avait beaucoup d’abnégation, du professionnalisme et de la rigueur. On a la chance d’avoir beaucoup d’anciens militaires, rompus à des situations de stress. On a aussi tous les âges, tous les sexes, tous les milieux socioprofessionnels." Pendant 16 jours, deux fois par jour, les neuf marins de la SNSM ont emmené et ramené du personnel de l’hôpital.

Au final, plus de 1 000 personnes transportées, des lits pour le couchage du personnel, 100 bouteilles d'oxygène, 30 bouteilles d'air médical. Le semi-rigide de la SNSM, aidé par le bateau du Cercle nautique calédonien, s'est aussi rendu à l'Ehpad de Nakutakoin pour apporter des rations de nourriture aux personnes âgées. Ils ont également acheminé des denrées pour le quartier de Kaméré ou encore, transporté des gendarmes, des policiers, des soignants qui habitaient la pointe à la Dorade...

"On a fait une évacuation sanitaire à Numbo, la première semaine des émeutes", se souvient Marc Sabatier. " Une personne qui s’était cassé le col du fémur, et le même soir, une autre personne a eu une suspicion de crise cardiaque dans le même quartier. Ce n'était pas accessible par la route. Personne ne voulait y aller mais on a pu aller les chercher." 

A bord, on ne posait pas de questions, on ne voulait pas rajouter du stress.

Marc Sabatier, président de la SNSM

"C'est un véritable engagement envers les autres"

À 63 ans, Marc Sabatier a toujours connu la mer. Tout jeune, il était moniteur de voile à La Baule, dans l'Hexagone et s'occupait déjà de faire du sauvetage en mer. "C'est une tradition, en Bretagne, une entité à part ! Les sauveteurs en mer sont tous bénévoles depuis le début de la SNSM, il y a plus de 120 ans !"

À la station de Nouméa, environ une soixantaine d'interventions par an sont effectuées. Le jour, la nuit, il n'y a pas d'heure pour intervenir. Les sauveteurs se connectent à une application afin d'indiquer leurs disponibilités. "Il y a de l’adrénaline, on ne sait pas trop sur quoi on va aller en intervention. C'est le centre opérationnel de surveillance et de sauvetage (COSS) qui nous régule. La nuit, ce n'est pas la même chose que le jour. Mais on a des moyens de sécurité, du matériel, des bons bateaux, une vedette et un semi-rigide pour naviguer par tous les temps. Je suis sorti par temps de cyclone et je me suis toujours senti en sécurité", atteste Marc Sabatier, qui, avant d'être sauveteur en mer, a été prothésiste dentaire pendant 35 ans. 

L'application permet de savoir quels sauveteurs sont disponibles au moment d'une intervention par la SNSM.

En Nouvelle-Calédonie, il y a quatre autres stations : Boulouparis, Koumac, Thio et Lifou. Les sauveteurs doivent toujours se trouver à 15 minutes de la station quand ils sont disponibles et s'entraîner toutes les semaines. Un dévouement impactant pour la vie de famille. "C’est un véritable engagement envers les autres, tu pars la nuit, n’importe quand. Je vis avec la même personne depuis 42 ans. Elle sait que je ne suis pas une tête brûlée. Ça participe à une forme d’équilibre, de se rendre utile" lance le chef de pont, également vice-président du Cluster maritime en Nouvelle-Calédonie.

"On n'est pas là pour briller, on est là pour servir"

Avide de faire découvrir sa passion, Marc Sabatier, n'hésite pas à détailler ses missions : "Quand on est en mer, on est en milieu hostile. On n'est pas tous égaux par rapport à la notion de danger. Certains savent garder leur calme. C’est important d’avoir des gens bien entraînés, bien rodés. Parfois, on se fait insulter, on garde notre calme. C’est comme les soignants, en fait."

Le secouriste se souvient de certaines missions la nuit. "Dans le noir, il faut être prudent. Il faut s’arrêter, constater. Ça peut durer deux ou trois minutes pour organiser le secours. On n’est pas là pour briller, on est là pour servir. Il faut de la bienveillance naturelle. On sait ce que c'est, les périodes de crise, on sait réconforter les gens, on n’est pas tous égaux face à ces situations.

La Calédonie, le choix de l'amour

Marc Sabatier est arrivé en Nouvelle-Calédonie par amour. Il a rencontré sa femme, originaire du territoire, pendant son service militaire en Martinique. Ses premières vacances sur la Grande terre ont eu lieu juste avant les Évènements, en 1983. "Moi, je ne connaissais personne, ici. C'était le choix de l'amour et tant qu'il y a la mer, je suis bien." Depuis sa retraite, il a choisi le credo de la solidarité. "C’est un besoin, de servir, de mettre à contribution, de partager des compétences. Je sais pourquoi je le fais."