Le sixième congrès sur l'avenir statutaire de la Guyane depuis le processus de 2017 ne commencera pas à 9h00 pétante. À moins d'une surprise de nature à remettre en cause le fameux quart d'heure guyanais. Il y a des repères identitaires auxquels il ne faut pas toucher ! Le rendez-vous à partir des débuts va durer plusieurs heures. Le temps qu'il faudra sans doute pour aborder et débattre des trois points importants de l'ordre du jour.
Les ressources financières et fiscales
Un sujet essentiel pour lequel la collectivité territoriale avait semblé vouloir impliquer les chefs d'entreprise. Une réunion a été organisée à cet effet. Seulement les patrons de Guyane ont estimé ne pas pouvoir avancer des idées et prendre des décisions sur le coup. En revanche ils ont clairement affiché leur volonté de travailler avec les élus pour présenter un document travaillé au Copil et au congrès des élus.
Selon nos informations, les réunions de travail annoncées n'ont pas réellement eu lieu pourtant les socioprofessionnels semblaient de bonne composition et désireux de travailler plus en profondeur à en croire leur lettre commune datée du 9 mai dernier.
Il nous semble que le travail accompli jusqu'ici doit être conforté par des expertises permettant d'affiner l'analyse des conséquences de chaque transfert ou partage de compétence [...] la constitution d'un collège d'experts de premier rang reconnus nationalement dans chaque domaine (agriculture, pêche, mine, pétrole, fiscalité nationale et territoriale, économiste du développement etc.) permettrait d'étudier de manière approfondie les possibilités d'évolution et d'identifier les dispositions les plus pertinentes pour chaque compétence dont le transfert est demandé, en les comparant avec les dispositions actuelles. Sur la base des analyses conduites par ces experts, le monde économique sera alors plus à même de formuler un avis circonstancié sur le projet d'évolution statutaire.
Lettre ouverte des socioprofessionnels - 9 mai 2023 -
Entre cette lettre et l'aujourd'hui, une résolution a été produite et le congrès a toute latitude pour la faire évoluer pour la rendre conforme aux orientations définies tant par la CTG que le Copil.
Le sénat coutumier
La question du sénat coutumier est un débat important qui s'annonce intense. La première raison est toute simple. Le congrès ne va traiter que le positionnement de la communauté des Aluku de Guyane. Le document attendu des peuples autochtones n'est pas finalisé dans la mesure où les 45 chefs coutumiers n'ont pas encore été consultés. Décision : le travail de concertation se poursuit et dès que le document sera fini, un nouveau congrès sera organisé pour en débattre, le voter et l'intégrer au document d'orientation soumis au gouvernement.
À retenir il n'est donc question ce samedi que des choix bushinenge. Au moins deux points retiennent l'attention à la lecture du document produit.
Le sénat coutumier doit être une force de proposition et de contre-proposition. Assurant la représentation du monde coutumier dans ses diverses dimensions, le sénat coutumier amérindiens et bushinenge ou le régime coutumier amérindien et bushinenge doit être le garant du maintien et de la sauvegarde des pratiques culturelles et cultuelles des groupes socioculturels en question. Il doit être entendu par les instances décisionnelles de la Guyane de l'échelon local (mairie, parc amazonien) à l'échelle régionale (la collectivité) en ayant le droit de veto quand les décisions iront à l'encontre des intérêts des groupes dont il a la charge.
Positionnement de l'association autorité coutumière de la communauté Aluku de Guyane
Deuxième élément de nature à emplir le débat : "le présent statut doit permettre aux Amérindiens et Aluku-Bushinenge de prendre part dans la collectivité guyanaise sans renoncer à leur identité ethnique et en conservant la plénitude de leur autonomie politique, sociale, culturelle et cultuelle. Le droit coutumier de chacun de ses groupes doit être respecté par la future assemblée."
La consultation populaire
Sans doute la résolution la plus sensible parce que là, le risque est d'être et rester entièrement inféodé à son idéologie.
Toute la démarche en cours actuellement fera l'objet d'un scrutin d'acceptation ou de refus du projet soumis au choix des électeurs. Très vite la question du corps électoral a été posée. Plusieurs logiques sont en concurrence. Ils ne seront peut-être pas tous abordés et le débat va se concentrer sur certains d'entre eux mais il est bon de savoir que les trois positionnements ont existé.
- Le corps électoral ne bouge pas. Il reste tel quel.
- Les électeurs restent ceux de la liste électorale globale mais avec possibilité pour les Guyanais qui vivent hors des limites du pays de participer.
- Un autre groupe porte l'idée d'un corps électoral réduit. En résumé, il faut un temps de présence en Guyane pour voter.
Le congrès va trancher.
Un congrès et après ?
Les résolutions arrêtées par le Congrès ce samedi devront être votées, sans modifier une virgule, par la plénière de la CTG. À partir de cet instant, elles deviennent partie intégrante du document d'orientation pour une évolution statutaire de la Guyane. C'est ce socle qui fera l'objet des négociations avec le gouvernement.
Pour constituer ce qui sera le projet guyanais, il y a eu de la réflexion à l'intérieur du Copil, des choix faits et un travail lors des précédents congrès pour que les élus décident. Du coup ce travail, tendu vers le consensus, est une compilation de 15 résolutions dont 11 ont déjà été votées.
Le consensus devenu un véritable dogme, depuis qu'Emmanuel Macron, a déclaré le 4 octobre dernier, lors de son discours à l'occasion du soixante-cinquième anniversaire de la Constitution.
" L'idéal républicain est assez fort pour accueillir les adaptations, les spécificités, les particularités. L'unité de la France, après tant de siècles de centralisation, dont chacun aujourd'hui perçoit la limite et les impasses, supportera cette répartition nouvelle des pouvoirs. Mieux, je le crois profondément, notre unité sera plus forte...
Et à ce titre, tout particulièrement, l'ensemble de nos outre-mer doit pouvoir être mieux reconnu dans nos institutions et, si les consensus se dégage en ce sens, donner lieu aussi à des évolutions du texte constitutionnel.
Emmanuel Macron, président de la républiqueDiscours du 65ème anniversaire de la Constitution, le 4 octobre 2023