Chaque année, près de 600 personnes meurent du tabac à La Réunion. Près d'un décès prématuré sur deux est attribuable à l'alcool, selon des données de l'Observatoire Régional de Santé (ORS) de La Réunion.
Pour tenter de lutter contre les fléaux de la société réunionnaise, entre autres, alcool, tabac et drogues, le Département lance une campagne de lutte contre ces addictions. Intitulée "Bril pa out santé", elle vise notamment les jeunes exposés à l'addiction et aux produits illicites, les femmes enceintes exposées au risque d'alcoolisation fœtale et les adultes exposés au danger du tabagisme.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
Lutter contre la consommation de tabac et d'alcool
“Nous sommes dans une société trop ouverte à toutes sortes de consommations et c’est pour cela que nous menons cette campagne, alerte Cyrille Melchior, président du Conseil Départemental. Le moyen le plus efficace dans cette lutte, est bien évidemment la prise de conscience collective, mais surtout individuelle”.
D'après l'ORS, les consommations de tabac et d'alcool sont les premières causes de mortalité évitables en France. Respectivement, elles sont responsables de 75 000 et 41 000 décès chaque année.
À La Réunion, la consommation d'alcool chez les femmes enceintes est responsable de trois fois plus de Troubles d'Alcoolisation Foetale (TCAF), regroupant à la fois le Syndrome d'Alcoolisation Foetale (SAF), repérable sur le nourrisson ainsi que les autres troubles du neuro-développement liés à l'alcool. À La Réunion, le taux de TCAF est de 1,22 pour 1 000 naissances, contre 0,48 TCAF pour 1 000 naissances dans l'Hexagone.
Parmi les mesures mises en place pour lutter contre l'alcoolisme, en avril dernier, la préfecture, l'ARS et les acteurs économiques de La Réunion ont signé une charte. Parmi les mesures : l'arrêt de la vente d'alcool réfrigéré dans les grandes surfaces.
L'alcool influe sur les violences intrafamiliales
La consommation d'alcool a aussi des impacts en termes de violences intrafamiliales. Selon des données de la Police nationale, entre 2022 et 2023, en moyenne, 12 Réunionnaises portent plainte chaque jour pour des violences conjugales.17 interventions quotidiennes des forces de l’ordre ont lieu pour cause de violences familiales.
"L’alcool est au cœur d’un bon nombre de drames, d’accidentologie et de vies brisées, l’alcool est un drame pour notre société", rappelait Laurent Chavanne, directeur territorial de la Police nationale, au micro de Réunion La 1ère en février dernier.
La consommation d'alcool a également des impacts sur les accidents routiers. En effet, l'alcool est en cause dans un accident de la route sur cinq et dans un accident de la route mortel sur trois.
"Tous les moyens sont bons pour lutter contre les addictions"
Le plan d'actions de cette nouvelle campagne de lutte contre les addictions se décline sous différentes formes. D'ailleurs, "tous les moyens sont bons pour lutter contre les addictions", souligne Jean-Marie Virapoullé, vice-président du Conseil Départemental.
C’est une nouvelle campagne qui montre que le Département s’implique fortement en matière de prévention et de sensibilisation sur les addictions. Nous disons à la population, pendant plusieurs mois, à travers des spots tv, des panneaux d’affichage, des séances d’animations dans les collèges et les foyers de l'Enfance, qu’il ne faut pas consommer des produits illicites.
Jean-Marie Virapoullé, vice-président du Département
La production de webtoon, autrement dit, d'une bande dessinée en ligne pour le jeune public fait également partie du plan d'actions du Département. Des séquences de quiz seront proposées aux plus jeunes, particulièrement au sein des établissements scolaires.
Ecoutez l'interview de Jean-Marie Virapoullé sur Réunion La 1ère :
"Bril pa out santé ": sensibiliser les adolescents, une nécessité
La consommation de tabac est en régression chez les jeunes. 15,3% des jeunes réunionnais déclarent avoir fumé dans le mois en 2020 contre 29,9% en 2015, avec une progression de l'usage de la cigarette électronique (26,3% des jeunes réunionnais) et de la chicha (12,9% des jeunes réunionnais), selon l'ORS.
De son côté, le Docteur David Mété, addictologue au CHU, salue cette nouvelle campagne de sensibilisation.
Cette campagne est la bienvenue, surtout pour les adolescents, car on sait que les addictions s’installent dans 80 % des cas, avant l’âge des 18 ans. Il est important de réaliser des actions pour prévenir l’installation des addictions, mais aussi pour s’adresser à des personnes qui ont déjà des conduites addictives.
Dr David Mété, addictologue au CHU
De nouvelles addictions à La Réunion
"Il faut travailler à faire reculer les incitations à la consommation des drogues : cigarettes, alcool et autres drogues", souligne Cyrille Melchior. Mais pour le Docteur David Mété, cela s'annonce difficile, d'autant plus que de nouvelles pratiques addictives apparaissent sur le territoire réunionnais.
Selon l'ORS, les consommations de drogues sont moins répandues que dans l'Hexagone, mais il y a une augmentation des saisies de cocaïne, LSD et amphétamines à La Réunion. D'ailleurs, des cas d'intoxication mortelle aux opiacés de synthèse, une catégorie de substance qui se distingue par sa dangerosité, se sont produits dans le Département en 2023.
"On est dans une société addictogène"
"On est dans une société addictogène. Et, on le voit ces dernières années avec l’explosion de la disponibilité de la cocaïne. On a des quantités qui n'étaient pas significatives auparavant. Et, maintenant, on en a des dizaines de kilos dans l’année, précise le Docteur David Mété. Des produits exceptionnels sont devenus des produits banals à trouver, notamment sur Internet. On est dans un environnement très addictogène, d’où l’importance de sensibiliser tout le monde".
Écoutez l'interview du Docteur David Mété sur Réunion La 1ère :
"Les addictions sont stigmatisées"
"Bien souvent, on voit les addictions comme un vice, mais il faut reconnaître les addictions comme de réelles pathologies, qui nécessitent une prise en charge comme les autres maladies chroniques, comme le diabète ou l’asthme", affirme le Docteur David Mété.
Selon lui, il convient de "banaliser" les addictions comme des maladies chroniques qui se soignent. "Il faut que tout le monde puisse venir se soigner. C’est encore quelque chose de mal vu ou de stigmatiser. Il y a encore du travail là-dessus", conclut l'addictologue, qui invite les personnes concernées à venir consulter.