Dans le cadre de la campagne des élections législatives anticipées qui se tiendront le 30 juin et le 7 juillet prochains, Johnny Payet a créé la polémique dans la matinale de Réunion La 1ère. Il invite à ne plus célébrer l’abolition de l’esclavage.
Le patron du RN veut occulter une partie de l’histoire de La Réunion
Interpellé par un auditeur sur la position tranchée du RN, qui, rappelons-le, avait voté contre la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité au Parlement européen en 2020, Johnny Payet a assuré qu’il fallait “laisser le passé au passé”, allant même jusqu’à renier l’esclavage.
“Aujourd’hui, on ne doit plus parler d’esclavage”, martèle le patron du RN à La Réunion. Des propos polémiques, qui sidèrent les auditeurs.
Pour rappel, le 19 juin 2020, l’esclavage a été reconnu comme crime contre l’humanité. À La Réunion, le combat a été vivement mené par le député LFI Younous Omarjee.
Le RN, de son côté, avait voté contre, à l’image de son président, Jordan Bardella et de Gilbert Collard.
"Je ne fête pas le 20 décembre"
Pour Johnny Payet, l’esclavage date de “1 000 ans”, affirme-t-il sur les ondes de Réunion La 1ère. Alors que, rappelons-le, l’esclavage a été aboli il y a seulement 176 ans sur notre île. C’était le 20 décembre 1848.
"Moi, personnellement, le passé c’est le passé. On doit regarder devant nous. On doit avancer et ne plus regarder en arrière. On ne peut pas mettre la faute du passé sur les politiques d’aujourd’hui. Ça a existé dans tous les pays l’esclavage", lance Johnny Payet sur les ondes de Réunion La 1ère.
Je ne fête pas le 20 décembre, parce que je dis à mes petits-enfants que l’esclavage, c’est fini. C’était une façon de vivre avant, il y a des années et des années. Quand on dit qu’on commémore l’abolition de l’esclavage, c’est toujours dans l’idée de faire un petit rappel en disant “attention, vous êtes des descendants d’esclaves”.
Johnny Payet, secrétaire départemental du RN et maire de la Plaine-des-Palmistes
À 12 jours du premier tour des élections législatives qui se tiendront le 30 juin et le 7 juillet prochains, le RN apparaît comme le grand favori des sondages en France, devant le Nouveau Front Populaire et le camp présidentiel. Mais en même temps, des nouvelles voix s’élèvent contre l’extrême droite.
Le RN divisé à La Réunion
De son côté, Jean-Luc Poudroux, candidat RN aux législatives sur la 7e circonscription se dissocie des propos de Johnny Payet.
Jean-Luc Poudroux qualifie les déclarations du délégué départemental d'"absurdes" et "aberrantes".
Ses propos n'engagent que sa personne. Ses déclarations, aussi absurdes qu'aberrantes, méritent condamnation et réprobation, d'autant qu'elles ne sont portées ni par le Rassemblement National, ni par ses candidats engagés sur les législatives.
Jean-Luc Poudroux, candidat RN sur la 7e circonscription
Même son de cloche pour Jean-Jacques Morel, candidat RN sur la 1ère circonscription.
Le devoir de mémoire est fondamental. Les périodes sombres de notre passé, esclavage, engagisme, resteront à jamais gravées dans le marbre de notre Histoire. Nous devons les garder à l'esprit pour éviter qu'elles ne se reproduisent. Raison aussi de ne pas déboulonner les statues comme sait si bien le faire cette gauche wokiste. Souvenons-nous du passé, de tout le passé. Mais dans le même temps, redressons la tête, soyons fiers d’être ce que nous sommes et projetons-nous vers l'avenir : des Réunionnais au sang-mêlé, ancêtres des Réunionnais de demain.
Jean-Jacques Morel, candidat RN sur la 1ère circonscription
La gauche réunionnaise s'insurge contre Johnny Payet
La plateforme réunionnaise qui regroupe le Parti Socialiste (PS) d'Ericka Bareigts, le Parti Communiste Réunionnais avec Maurice Gironcel, Patrice Selly de Banian, Europe Ecologie les Verts (EELV) avec Geneviève Payet et Ansanm avec Olivier Hoarau, a publié un communiqué de presse.
Non l’esclavage n’était pas un style de vie choisi mais une période de l’histoire subie ! Renier notre histoire coloniale et esclavagiste, en s’opposant à notre devoir de mémoire, c’est nier la libération de plus de 60 000 êtres humains à La Réunion (...) Au sein de la plateforme réunionnaise, nous ne resterons pas passifs face à la montée de l’extrême droite et de ses propos irresponsables et dangereux pour notre vivre-ensemble.
Plateforme réunionnaise
Philippe Naillet, député PS de la 1ère circonscription, réagit dans une vidéo publiée sur sa page Facebook. "Mwin lé blessé et mwin lé choqué de ce que mwin la entendu de la bouche de Johnny Payet. Kan nous célèbre le 20 décembre, nous rend hommage à nout' zancêtres", lance-t-il.
Emeline K/Bidi, députée de la 4ème circonscription est "effarée" par les propos tenus par le représentant du RN à La Réunion. Elle réagit en postant une vidéo sur sa page Facebook. "Mwin lé en colère (...) Les masques tombent, nous lé Réunionnais, nous oublie pas, l'esclavage c'est nout' zistwar", martèle la députée.
De son côté, l'administrateur de la Commission Nationale du Logement et candidat sans étiquette pour les élections législatives, Erick Fontaine, exprime aussi son indignation.
Les propos du maire sont profondément offensants pour les communautés touchées par cette atrocité. J'appelle à une prise de responsabilité immédiate de la part du maire. Je demande une rétractation publique et des excuses sincères envers tous les Reunionnais blessés par ces propos inacceptables. En cette période où la reconnaissance et la réconciliation sont plus que jamais nécessaires, je réaffirme mon engagement à combattre toutes formes de négationnisme et de révisionnisme historique. Il est de notre devoir collectif de maintenir la mémoire vivante et d'honorer la vérité historique pour construire une société plus juste et équitable.
Erick Fontaine, administrateur de la CNL et candidat aux élections législatives
L'esclavage, un "détail de l'histoire" ?
Ces propos du maire de la Plaine des Palmistes, font ressortir le souvenir ceux de Jean-Marie Lepen, ancien chef de file et fondateur du Front National. En 1987, il avait estimé que "les chambres à gaz étaient un point de détail de l'histoire" de la seconde guerre mondiale. Des propos réitérés et qualifiés de négationnistes, pour lesquels il a été condamné.
Ceux de Johny Payet ne sont pas négationnistes, mais s'apparentent à une forme de déni de l'histoire de La Réunion selon la classe politique locale.
L'historien Prosper Eve, considère qu'il y a déjà "un déficit de connaissance sur l'esclavage". Selon lui, l'histoire de l'esclavage ne doit pas être oubliée, ni "saucissonnée".
On ne doit pas oublier un tel chapitre de notre histoire. On a connu un temps d'esclavage qui a duré plus d'un siècle et demi. Personne ne peut se construire s'il évacue son histoire. Comment ne pas considérer la beauté du 20 décembre, jour de l'abolition de l'esclavage. C'est un moment unique pour ces gens qui étaient des meubles et qui ont retrouvé leur liberté.
Prosper Eve, historien
(Re)voyez son intervention dans le journal de Réunion La 1ère :
Les militants montent au créneau
À la suite des propos tenus par Johnny Payet, les militants culturels montent au créneau. C'est le cas de l'association Rasin Kaf. "Nous peut pas laisse a li dire ça, s'indigne Ghislaine Mithra-Bessière, présidente de l'association Rasin Kaf. Le 20 décembre c'est la Fèt Kaf, c'est la fête de tous les Réunionnais".
Écoutez la réaction de Ghislaine Mithra-Bessière sur Réunion La 1ère :
Ses propos (ceux de Johnny Payet NDLR) lé totalement scandaleux, d'autant plus pour un élu de la République. Lu ignore deux choses. Premièrement, son ascendance et sa propre histoire. Et ensuite, lu ignore aussi la loi. Nous, en tant qu'association, nous lé en en mesure et même en droit, de porter plainte contre les propos de Johnny Payet.
Ghislaine Mithra-Bessière, présidente de l'association Rasin Kaf
"Pour réparer les maux du passé, on a besoin de comprendre et de savoir l'histoire pour pouvoir aller de l'avant", souligne Philippe Bessière, historien et membre de l'association Rasin Kaf.
Écoutez sa réaction sur Réunion La 1ère :
Pour la majorité des Réunionnais interrogés, il est nécessaire de commémorer l'abolition de l'esclavage.
Écoutez les réactions des Réunionnais interrogés :