Black out en Guadeloupe : "Je n’ai plus cette envie de travailler" expriment des commerçants, plongés dans la détresse

Black out : le calvaire des petits commerçants ©Alexandre Houda et Rémy Defrance - Guadeloupe La 1ère
Le black-out de vendredi, qui a duré plus de 24 heures, a encore du mal à passer. Cet évènement a perturbé la vie de la population et la vie économique de l’archipel. Il laisse des chefs d’entreprise au bord des larmes ; nombreux sont ceux qui accusent de lourdes pertes, en termes de marchandises, d’équipements, mais aussi de chiffre d’affaires.

Les artisans et petits commerçants de Guadeloupe, ces hommes et ces femmes qui se lèvent tôt, qui croulent sous les charges, qui peinent à maintenir leurs entreprises à flot, qui tentent de créer des emplois... ont été plongés dans la détresse, vendredi dernier et durant tout le week-end de black out (25 au 27 octobre 2024). Ces travailleurs ont fait les frais d’un conflit social qui ne les concerne pas et, après la colère, c’est la lassitude qui s’exprime.
Ils sont nombreux dans le secteur alimentaire à avoir perdu des denrées et du matériel, équivalents à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Leurs enseignes n’ont pas pu fonctionner, alors qu’ils ne peuvent se permettre le luxe de renoncer à des journées de travail et au chiffre d’affaires correspondants.

Ce coup dur s’ajoute à toutes les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien.
D’autant plus qu’avant la coupure généralisée d’électricité sur tout le département, il y a eu des délestages récurrents durant plusieurs semaines. Le manque à gagner pour le restaurant "Sama", à Jarry (Baie-Mahault), s’élève à plus de 15.000 euros.

J’ai la haine quoi ! Après, je peux comprendre que les gens aient des revendications. Mais ce n’est pas en m’ennuyant moi que ça va résoudre le problème, quoi, ni en ennuyant mes employés, mes fournisseurs et tout ça. Moi, j’ai une famille à faire vivre, j’ai des employés qui comptent sur moi et, donc, vous voyez, je suis un peu en stress, là...

Patrice Carrion, gérant du restaurant "Sama"

La boulangerie-pâtisserie "Gabriel", à Jarry, déplore la perte d’un congélateur d’une valeur de 35.000 euros. Les centaines de mets préparés, qui devaient être conservés au frais, ont dû être jetées.

Je n’ai plus cette envie de former, je n’ai plus cette envie de travailler, parce que j’en ai vraiment marre de voir que dans Jarry, qui est le poumon économique de la Guadeloupe, à chaque fois, on est pris en otage. On n’a même pas la force d’embaucher des contrats d’apprentissage aujourd’hui, parce qu’on ne sait pas, demain matin, où on va. Là, le mois prochain, je dois augmenter mon personnel, parce que le SMIC augmente. O an ka pran lajan-la ?! [Traduction : où je prends l’argent ?!].

Gabriel Foy, gérants de la boulangerie-pâtisserie "Gabriel"

Dimanche, à Moule, la reprise a eu un goût amer, au sein de "La kaz a accras". 30 kilos de pâte (soit plusieurs heures de travail), mais aussi les ingrédients indispensables à la réalisation des recettes, ont été perdus. Ils ne seront probablement jamais remboursés.

C’est la première fois, donc je n’ai pas couru dernière mon assurance. Mais, si ça se reproduit plusieurs fois, je serai obligée de faire appel aux assurances. C’est vrai qu’on ne pense pas à ça directement. On cherche juste à savoir quand est-ce qu’on peut retourner travailler.

Chalssy Tacita, gérante de "La kaz a accras"

Pour rappel, en plus des conséquences directes de la coupure généralisée de l’électricité, plusieurs établissements ont été vandalisés, ou pillés, durant la nuit du black out. Il en découle des fermetures d’entreprises et, pour les salariés concernés, des placements en chômage technique.

REPORTAGE/
Rédacteur : Alexandre Houda
Reporteur d’images : Rémi Defrance
Montage : Sébastien Marchais