Trois semaines après sa nomination à la tête du gouvernement, Gabriel Attal s'est présenté à la tribune de l'Assemblée nationale pour y dérouler sa feuille de route pour les mois à venir. Mais, en réalité, le Premier ministre n'a paseu beaucoup d'annonces à faire, le cap ayant déjà été fixé par Emmanuel Macron lors d'une grande conférence de presse le 16 janvier à l'Élysée.
Sous la bronca des députés des oppositions et les applaudissements de sa majorité, Gabriel Attal a déroulé pendant 1 h 20 la politique de "réarmement" voulue par le chef de l'État, que ce soit dans le domaine de la sécurité, de l'économie, de la santé ou encore de l'éducation. Mais le nouveau chef du gouvernement a surtout pris le temps d'expliquer quelle sera la méthode Attal, qu'il a déjà commencé à montrer à l'occasion de la crise des agriculteurs.
"Chaque Français porte une vérité sur le pays", croit-il, indiquant aux députés de droite et de gauche opposés depuis un an et demi au pouvoir en place que "[sa] porte sera toujours ouverte". Un vœu bien pieux alors que l'exécutif navigue au gré de sa majorité relative à l'Assemblée nationale depuis 2022. Les élus de la Nupes n'ont d'ailleurs pas attendu qu'il commence son discours pour déposer une motion de censure, qui sera débattue au Palais Bourbon dans quelques jours.
RSA, logement, groupes de niveaux au collège...
"Désmicardiser" et "débureaucratiser" la France, "favoriser le travail", réformer l'école... Le jeune chef du gouvernement a esquissé les grandes lignes du travail qui l'occupera à Matignon, distillant pêle-mêle quelques annonces dans son allocution.
D'abord, la généralisation du RSA sous condition d'activité à tous les départements d'ici le 1er janvier 2025. Pour bénéficier de cette aide sociale, les allocataires devront, en contrepartie, travailler 15 heures. Le dispositif est expérimenté depuis l'année dernière dans 18 départements, dont à La Réunion. Reste à savoir si cette conditionnalité s'appliquera aussi à Mayotte, où le niveau de RSA est différent du reste de la France.
Gabriel Attal ambitionne aussi de créer un choc d'offre pour répondre à la crise du logement que connaît le pays. Une vingtaine de territoires pourront bientôt voir les procédures de construction accélérées, avec pour objectif la construction de 30.000 nouveaux logements d'ici trois ans.
Le Premier ministre a également promis une simplification, voire une diminution, des normes, la revalorisation du salaire des infirmières scolaires, la régularisation des médecins étrangers exerçant en France ou encore la mise en place des groupes de niveaux dans les collèges dès cette année.
Une minute sur les Outre-mer
La méthode promue par Gabriel Attal consiste aussi à tendre la main aux collectivités locales. Dans son discours, il leur a assuré que "les solutions se construiront avec elles"., leur promettant une "adaptation des normes" selon les territoires.
C'est à ce moment-là qu'il a eu quelques mots pour les Outre-mer, qui ont occupé près d'une minute de son allocution. "Y réarmer nos services publics y est peut-être plus crucial, plus vital encore qu'ailleurs", a-t-il admis.
Il y a dans chaque territoire d'Outre-mer l'enthousiasme de notre jeunesse, la détermination à réussir l'avenir. Mais nos Outre-mer concentrent aussi tous les défis : contre la vie chère, pour l'emploi, pour la sécurité, pour la santé, l'école, la lutte contre l'immigration illégale et la transition écologique. Chacune de nos politiques publiques doit tenir compte des spécificités des Outre-mer, j'y tiens.
Gabriel Attal, Premier ministre, lors de son discours de politique générale
Comme il l'avait déjà fait à l'Assemblée nationale il y a quinze jours, le Premier ministre a de nouveau évoqué les deux gros dossiers législatifs ultramarins qui occuperont le gouvernement et les parlementaires les prochains mois : la loi Mayotte, toujours en construction et vivement réclamée par les élus mahorais, et le projet de loi constitutionnelle portant sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, présentée lundi en Conseil des ministres. "Je souhaite que le processus en cours aboutisse. J'y veillerai", a-t-il ajouté concernant le dossier calédonien.
Sur le reste – vie chère, pauvreté, évolution institutionnelle... –, le Premier ministre, n'a rien annoncé de spécial. Peut-être réserve-t-il davantage de précisions sur la politique ultramarine qu'il compte mener avec son gouvernement pour son deuxième discours de politique générale, qu'il tiendra cette fois-ci devant les sénateurs, mercredi 31 janvier.
Lucide, le Premier ministre, qui ne s'est pas laissé distraire par les huées de ses opposants, a admis l'ampleur des chantiers qui l'attendent. Les Français, "je sais leurs attentes, je sais qu'ils ne me pardonneront rien", a-t-il reconnu.
Les réactions des parlementaires guadeloupéens
"On reste un peu sur notre faim", regrette quant à lui le député Olivier Serva (LIOT, Guadeloupe) à la sortie de l'hémicycle. Lui est pourtant plutôt enclin à travailler avec le gouvernement, comme il l'a fait lors de la loi immigration en fin d'année dernière, même s'il soutient qu'il fait partie de l'opposition. Mais il déplore le peu de place accordée aux territoires ultramarins dans le discours de mardi.
On a besoin, pour l'Outre-mer, d'avoir une loi de programmation territoire par territoire, pour avoir une perspective de long-terme.
Olivier Serva, député LIOT de Guadeloupe
Résumant son avis sur ce discours de politique générale du Premier Ministre, le sénateur Victorin Lurel estime que le Premier ministre se dirige "plus vite, plus loin et plus fort dans le libéralisme".
Si quelques annonces semblent, dans les mots, aller dans le bon sens - tels que la réforme de l’assiette sociale des indépendants, le versement automatique des allocations, une réforme du régime des catastrophes naturelles -, la tonalité générale de ce discours nous offre la perspective d’une action gouvernementale toujours plus réactionnaire, libérale et à contre-courant des aspirations des Français.
Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe
Il estime par ailleurs que "les orientations gouvernementales en faveur des Outre-mer restent dramatiquement floues... aucune perspective d’amélioration des conditions de vie de nos peuples n’a été esquissée"