Les discussions entre le ministre délégué chargé des Outre-mer Philippe Vigier et les élus mahorais conviés au point d'étape des 72 mesures du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) se sont focalisées sur la crise de l'eau que subit l'île depuis des mois et sur la question de l'immigration.
"Nous attendons beaucoup de la loi Mayotte", censée résoudre les nombreux maux du 101ᵉ département français, a indiqué le président du département, Ben Issa Ousseni, en sortant des deux heures de réunion avec Philippe Vigier et son équipe.
Sur l'eau, le ministre s'est félicité de l'action de l'État à Mayotte, alors qu'il estime que 100 millions d'euros auront été dépensés d'ici à la fin de l'année rien que sur cette question, notamment pour la prise en charge des factures, mais aussi pour la distribution de bouteilles d'eau, généralisée depuis la semaine dernière.
"Plus jamais ça"
Le président du conseil départemental, qui ne nie pas les efforts gouvernementaux, a tenu à souligner les difficultés des habitants, mais aussi celles de l'économie mahoraise. "On voit des agriculteurs (...) qui commencent à se débarrasser de leur cheptel parce qu'ils n'arrivent pas à les abreuver. On voit le monde du BTP qui souffre aussi. L'hôtellerie... Comment les touristes peuvent-ils s'intéresser à un territoire quand on sait qu'il y a ces problèmes-là ?", a avancé Ben Issa Ousseni.
Une des mesures du CIOM prévoit la construction et le financement d'une deuxième usine de désalinisation dès l'année prochaine. Mais aucune annonce concrète sur ce point n'a été faite. En revanche, Philippe Vigier a indiqué que l'enquête publique concernant la troisième retenue collinaire était en cours, ce qui devrait permettre d'augmenter les réserves d'eau du territoire. "J'ai demandé à ce qu'on accélère", a-t-il précisé.
"Le plus important, c'est de dire 'Plus jamais ça'", a estimé Mansour Kamardine, député LR de l'île, au sujet du manque d'eau. Le gouvernement espère finir l'ensemble de ses investissements sur la question au printemps 2025.
Une loi Mayotte pour 2024
Eau, immigration, éducation, logement... Tous ces sujets doivent faire l'objet d'une loi spécifique, uniquement consacrée à Mayotte. Initialement prévu dans les 6 mois suivant les annonces du CIOM, soit pour la mi-janvier 2024, le texte devrait finalement prendre plus de temps avant d'être présenté au Parlement. Philippe Vigier parle désormais de l'année 2024, admettant que "le calendrier n'est pas établi".
Le député Mansour Kamardine a indiqué qu'une seule réunion avait déjà eu lieu sur cette fameuse loi depuis le mois de juillet. Depuis, le ministre en charge des Outre-mer a surtout été accaparé par la sécheresse qui frappe l'île.
Le gouvernement est donc très attendu par les élus mahorais sur cette loi, dans les tiroirs de l'exécutif depuis plusieurs années déjà (Sébastien Lecornu, alors ministre des Outre-mer, avait présenté un texte en 2021, qui n'avait pas abouti).
Un des points clés de cette loi concernera l'immigration à Mayotte. "Nous demandons à ce qu'on aille beaucoup plus loin sur le contrôle des frontières, sur les régularisations, et sur les reconduites à la frontière", a listé Ben Issa Ousseni.
Venu avec des graphiques, le sénateur Saïd Omar Oili (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, RDPI), élu au mois de septembre, a lui aussi réclamé des mesures fortes pour contrôler la démographie de l'île. "Nous en avons fait un préalable avant de passer aux autres sujets", a précisé Thani Mohamed Soilihi, l'autre sénateur RDPI du territoire. Ce dernier estime que le rendez-vous de vendredi avec Philippe Vigier a été "fort utile sur la forme".
Seule la députée Estelle Youssouffa (LIOT) n'a pas réagi en sortant du bilan d'étape organisé au ministère des Outre-mer. "Le gouvernement nous fait une démonstration qu'il veut une co-constuction. Les Mahorais sont prêts pour construire", a indiqué Mansour Kamardine. Philippe Vigier doit de nouveau se rendre sur le territoire la semaine prochaine.