"Monsieur le Premier ministre, vous avez dit lors de votre nomination que vous ameniez l'éducation avec vous à Matignon. Ma question est simple : comptez-vous (...) amener les Outre-mer à Matignon ?" Dans l'hémicycle, mercredi 17 janvier, lors des traditionnelles questions au gouvernement, le président de la Délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale, Davy Rimane (Guyane, GDR), a interrogé le nouveau chef du gouvernement, Gabriel Attal, sur la feuille de route de l'exécutif concernant les territoires ultramarins.
Car, force est de constater que, dans les rangs des élus d'Outre-mer (qui siègent, pour la plupart, dans les oppositions), la frustration et la colère grandissent face au sentiment de ne pas être entendu. Eux qui réclamaient un ministère de plein exercice voient le portefeuille des Outre-mer rester entre les mains de Gérald Darmanin, constate, dépité, M. Rimane. Eux qui attendent des mesures fortes pour lutter contre la vie chère, contre la pauvreté, pour "l'épanouissement de leur population" et pour "dissuader [les Ultramarins] de voter Le Pen en 2027" déplorent de voir l'État agir uniquement en réaction aux problèmes.
Je m'adresse directement à vous, Monsieur le Premier ministre. Où en sommes-nous ? Vous êtes censé incarner le renouveau. Or, depuis sept ans, disons-le franchement, la question des Outre-mer n'a jamais été abordée, sauf sous l'angle de la réaction : réaction aux problèmes migratoires, aux problèmes sécuritaires, aux catastrophes naturelles, aux pénuries d'eau, aux mouvements sociaux, aux interpellations d'exécutifs locaux...
Davy Rimane, député GDR de Guyane, à l'Assemblée nationale
En poste depuis un peu plus d'une semaine, Gabriel Attal a assuré, dans sa réponse au député guyanais, que les Outre-mer seraient au "cœur" de sa feuille de route qu'il présentera le 30 janvier lors de son discours de politique générale. Il a rappelé les grands dossiers engagés par le gouvernement et le chef de l'État, et qu'il compte bien gérer : la loi Mayotte, l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi les 72 mesures du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM). Il promet d'ailleurs de réunir ses ministres sur ce dernier sujet dans les prochains mois pour en assurer le suivi.
"Investir positivement" dans les Outre-mer
Le Premier ministre a néanmoins reconnu que l'État n'a peut-être pas été assez proactif et novateur avec ses territoires d'Outre-mer : "Je le dis de manière très claire : oui, il faut être aux côtés de nos territoires ultramarins lorsque surviennent des drames, des crises (...), mais il faut aussi, et vous avez totalement raison de le dire, être dans la prospective, investir positivement sur tous les potentiels de nos territoires ultramarins."
À l'Assemblée nationale, Gabriel Attal intervenait alors qu'aucun ministre délégué ou secrétaire d'État aux Outre-mer n'a encore été nommé – la liste complète du gouvernement devrait être annoncée d'ici une dizaine de jours –, et au lendemain de l'intervention d'Emmanuel Macron, qui a voulu fixer le cap des plus de trois ans qui lui restent au pouvoir, mais sans jamais évoquer les territoires éloignés de l'Hexagone.
Bon communicant et pur politique, il restera au Premier ministre à prouver qu'il parviendra à retisser le lien entre le pouvoir et les Outre-mer, de plus en plus distendu depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée. "Je me rendrai aussi vite que possible dans nos territoires ultramarins, et j'espère que vous me ferez l'honneur de m'accompagner dans ce déplacement", a-t-il conclu, en s'adressant à Davy Rimane. Ce dernier l'a prévenu : "Le rendez-vous est pris. Sachez qu'il y a des urgences et des scandales à régler sur nos territoires, au risque de fractures irréversibles."