Chlordécone : la justice reconnaît des "négligences fautives" de l'état

Plantation de banane aux Antilles Françaises (illustration).
Le tribunal administratif de Paris a condamné l'État pour des "négligences fautives" dans le dossier du chlordécone, utilisé comme antiparasitaire dans les Antilles, mais a rejeté les demandes d'indemnisation des plaignants pour préjudice d'anxiété.

Pas de condamnation, mais une nouvelle étape dans l'affaire de la pollution au chlordécone aux Antilles, ce pesticide toxique utilisé dans la culture des bananes en Guadeloupe et en Martinique.

Le tribunal administratif de Paris vient de reconnaître des négligences fautives de l'État. "Les services de l'État ont commis des négligences fautives en permettant la vente d'une même spécialité antiparasitaire contenant 5% de chlordécone", sous divers noms, "en autorisant la poursuite des ventes au-delà des délais légalement prévus en cas de retrait de l'homologation", selon la décision rendue vendredi.

Ce n'est pas tout à fait une victoire, mais c'est une grande avancée. C'est la première fois qu'un tribunal reconnaît que l'État est fautif. C’est une jurisprudence qui fera date, 29 ans après l’interdiction officielle du chlordécone aux Antilles.

Me Christophe Lèguevaques, avocat de trois associations

Maître Christophe Lèguevaques représente trois associations et 1230 demandeurs : le CRAN, l’association Vivre de Guadeloupe et le collectif Lyannaj pou depolyé Matinik.

Elles avaient saisi le tribunal administratif de Paris pour obtenir une reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le scandale du chlordécone et obtenir une indemnisation du préjudice moral d’anxiété.

Appel de la décision

Cette dernière demande, "à hauteur de 15000 euros par demandeur", a été rejetée par la Cour. "Le tribunal confond préjudice moral d'anxiété et préjudice corporel", a regretté Me Lèguevaques dans un communiqué ce lundi 27 juin, qui estime que "l'exposition à un produit dangereux" sur "une catégorie de personnes placées dans une situation factuelle identique" était suffisante pour déterminer le préjudice. 

L'avocat des associations a annoncé faire appel de la décision du tribunal administratif. 

L’affaire du chlordécone est une sorte de dossier test pour les futures affaires de pollutions qu’on va avoir en France hexagonale.

Me Christophe Lèguevaques, avocat de trois associations

Le chlordécone est un pesticide toxique qui a été utilisé dans la lutte contre les charançons dans les bananeraies des Antilles entre 1972 et 1993. Il est soupçonné d'être à l'origine d'une pollution durable des sols et des eaux de Guadeloupe et de Martinique, mais aussi d'être à l'origine de cancers parmi les populations exposées. Une étude de l'Inserm datant de juin 2021 a par ailleurs confirmé une "présomption forte d’un lien entre l’exposition au chlordécone de la population générale et le risque de survenue de cancer de la prostate"