Construction en zones inondables : le courage de dire la vérité aux citoyens

Dégâts de la Grande Rivière, Vieux-Habitants, 17 septembre 2022
Fiona est venue et derrière elle, outre les marques de son passage dans la chose et dans l'humain, il reste aussi une multitude de questions, comme la traine d'une dépression. Des questions auxquelles beaucoup d'élus préfèrent ne pas répondre pour ne pas devenir impopulaires. Pourtant, les dégâts causés par la moindre intempérie, commandent que certains problèmes soient pris à bras le corps. Et en la matière, celui des constructions en zones inondables n'est pas le moindre
©Guadeloupe

Le témoignage d'Henriette, presque tous les Guadeloupéens l'ont entendu et certains n'ont pas manqué de la soutenir. Comment ne pas compatir à la détresse de l'octogénaire qui perd en un instant les fruits de toute une vie d'investissements.

Pourtant, dans son propos, Henriette précise aussi toutes les démarches qu'elle a faites pour que les pouvoirs publics lui permettent de sécuriser sa maison. Tous, semblent-ils, ont choisi de rejeter la responsabilité sur un autre, sur d'autres, sur tout le monde sauf eux.

Et quand la demande des riverains vise à réaliser un enrochement pour les protéger de la fureur des eaux lors des intempéries, on oublie quelquefois de leur dire qu'en cas d'intempéries et particulièrement de cyclones, ce sont ces mêmes roches qui, déplacées par la force du système, iront former des barrages en aval qui seront la cause des inondations dont ils se plaignent. 

Dégâts du cyclone Marylin, 13 septembre 1995

Les leçons du passé

C'est que la réalité du problème est bien simple. Si par le passé on construisait là où on pouvait, là où on trouvait, depuis longtemps, l'Etat et les collectivités sont désormais engagés dans une démarche d'informations et d'actions pour éviter toute construction en zone inondable, tant sur les falaises au bord de la mer qu'au bord des rivières. 

Dans cette commune de Vieux Habitants, bien avant Fiona, le cyclone Marylin avait rappelé aux Habissois, la dangerosité de telles installations. Mais la mémoire humaine est courte et sélective quand les intérêts personnels sont en jeu.

 D'autant qu'il ne s'agit pas simplement d'interdire de construire, il faut aussi envisager de déplacer des personnes d'un point à un autre et cet autre point n'est pas facilement trouvable ni les conditions pour y accéder.

Littoral de Capesterre Belle Eau, 2020

En la matière, les exemples de Capesterre-Belle-Eau et de Petit-Boug sont éloquents. Capesterre-Belle-Eau où malgré le sol qui se dérobe peu à peu sous leurs constructions, beaucoup de riverains résistent à l'obligation de quitter les lieux qu'ils occupent.
A Petit Bourg, après bien des efforts, et moults discussions, le relogement des administrés concernés se fait avec l'aide des pouvoirs publics.

Chacun est responsable

En réalité, toutes les catastrophes naturelles sont là pour rappeler aux uns et aux autres que, vivre sur une île entourée d'eau et traverser par les eaux a probablement des avantages mais avec son important lot de contraintes. Et ce n'est pas seulement un luxe d'habiter près de la mer ou des rivières, c'est aussi et surtout, un risque permanent. 

Interrogé dans l'édition de la mi-journée de Guadeloupe la 1ère ce mardi, l'architecte Michel Corbin a donné sa vision des choses. Une vision qui gagnerait peut-être à être partagée par le plus grand nombre.

Il faut d'ailleurs dire que les exemples qui vont en ce sens existent aussi. Ainsi, pendant plusieurs années, la commune de Deshaies s'est évertuée à expliquer aux pêcheurs la nécessité de déplacer leurs habitacles pour s'installer dans des zones plus sécurisées. Ça a pris du temps mais aujourd'hui, la sécurité des personnes déplacées est un peu mieux garantie.

Vingt sept ans après Marylin, Fiona est venue rappeler aux uns et aux autres qu'il est peut-être temps d'avoir le courage de dire la vérité aux citoyens, la vie de certains en dépend.