Ici est née l’auteure guadeloupéenne Maryse Condé, le 11 février 1934, un jour de carnaval.
Ces mots sont gravés sur une plaque, posée le 26 mars 2024 sur la façade de la maison d’enfance de Maryse Condé, sur le faubourg Alexandre Isaac, à Pointe-à-Pitre. Cet hommage a été rendu par sa ville de naissance à 6 jours de son décès. Récemment placée sous assistance respiratoire, l’auteure à succès de renommée mondiale s’en est allée dans la nuit du lundi 1er au mardi 2 avril.
L’écrivaine guadeloupéenne, de son vrai nom Marise Liliane Apolline Marcelle Boucolon, est partie en laissant au monde un héritage conséquent : plus d’une soixantaine d’ouvrages (romans, essais, littérature jeunesse et pièces de théâtre). Ses œuvres racontent le monde et l’Homme, zooment sur les injustices et les peuples opprimés, parlent de combat pour la liberté et l’émancipation, démontrent qu’"espoir" n’est pas un vain mot.
Maryse Condé a aussi été professeure de littérature
Une vie à parcourir le monde
Avant sa majorité, Maryse Condé quitte son archipel natal pour Paris, où elle étudie l’anglais et les lettres modernes ; c’est là-bas, à la lecture d’Aimé Césaire ou encore de Frantz Fanon, qu’elle découvre la réalité de l’histoire des Antilles, le système colonial, l’esclavage, la condition des Noirs... des sujets tus chez elle, dans son enfance.
Dès 1961, aux côtés de son mari, Mamadou Condé, comédien Guinéen et père de ses quatre enfants, elle fait ses premiers pas en Afrique ; un continent dont elle explorera plusieurs pays, même après son divorce, en tant que mère célibataire. Ses premiers romans ont été écrits dans le Berceau du monde, où l’écrivaine était en quête de son identité. L’enseignement lui permet de vivre.
Elle s’installe un temps à Londres, où elle s’illustre cette fois comme journaliste.
Mais l’appel de l’Afrique la ramènera sur place. Au Sénégal, en 1969, elle rencontre l’amour de sa vie, futur traducteur et futur époux (ils se sont mariés en 1981) : le Britannique Richard Philcox.
La reconnaissance quant à son œuvre, qui s’est étoffée au fil des années, est venue d'abord de la France. Elle retourne dans la capitale en 1970, y enseigne dans plusieurs universités (dont la Sorbonne) et écrit pour des revues et journaux africains. Ce n’est qu’en 1984 qu’elle se révèle aux yeux du grand public, lors de la publication de son roman "Ségou".
"Moi, Tituba sorcière. Noire de Salem" lui a valu sa première distinction : le Grand prix littéraire de la Femme - prix Alain-Boucheron (1987).
Puis vient sa période américaine, durant près de 20 ans, entre 1985 et 2004, où elle a enseigné dans les plus prestigieuses universités (dont Colombia et Harvard). C’est une période d’allers-retours en Guadeloupe, où elle a été très productive, en termes d’écriture.
Ces vieux jours, depuis 2007, Maryse Condé a choisi de les passer en France, non loin de ses enfants, à Paris, puis dans une petite ville du Vaucluse... sans se faire oublier de ses lecteurs, ni de ses pairs.
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Portrait de Maryse Condé
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Attachée à la Guadeloupe
Maryse Condé est née à Pointe-à-Pitre. Elle était la benjamine d’une fratrie de huit enfants, fille d’un financier et d’une directrice d’école ; une famille de "Grands Nègres", selon les considérations de l’époque.
Malgré son départ de l’archipel alors qu’elle sortait de l'adolescence, elle est restée attachée à lui. Les populations d’Afrique, d’Europe et d’Amérique l’ont mise face à une réalité : elle n’était pas des leurs ; c’était bien de Guadeloupe qu’elle était, d’où cette tirade.
Je crois que je ne serai jamais rien d’autre qu’une Guadeloupéenne. Une Guadeloupéenne à ma manière, qui parle peu créole, qui réside en partie à New York, qui a visité le monde… Mais au fond de moi, le lieu qui a fait ce que je suis, mes parents, mes souvenirs d’enfance, ont créé quelque chose que je ne pourrai jamais modifier. J’aime la Guadeloupe, le pays, la nature, les sons, les images. Je mourrai guadeloupéenne. Une Guadeloupéenne indépendantiste.
Maryse Condé
En octobre 2018, quand le jury du Prix Nobel de littérature alternatif a choisi de sacrer l'auteure, celle-ci a porté ce prix en Guadeloupe, pour le partager avec les siens. Et quand la Région Guadeloupe lui a rendu hommage, deux mois plus tard, elle s’est exprimée avec beaucoup d’émotion, dans le journal Le Point :
Enfin, la voix de mon pays se fait entendre : une voix qui n'est pas celle d'un département français mais qui n'est pas africaine non plus.
Maryse Condé
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Une reconnaissance méritée, de son vivant
Outre la plaque qui, pour la postérité, distinguera la maison où elle est née, Pointe-à-Pitre lui a dédié l’espace "Kaz a Condé", au sein du Pavillon de la ville, bâtisse coloniale qui trône entre la place de la Victoire et l’église Saint-Pierre et Saint-Paul. Le site est voué à la promotion de l’œuvre de l’auteure ; des rencontres littéraires, des conférences, des expositions artistiques, ou encore des projections de films y sont régulièrement organisées.
Maryse Condé a reçu une pluie de récompenses, de prix, de distinctions et d’honneurs pour ses œuvres, ainsi que pour le fait de "faire rayonner la francophonie".
Elle est, depuis 2014, élevée au rang de Grand officier de l’ordre national de la légion d’Honneur.
En mars 2020, le président Emmanuel Macron lui a remis les insignes de Grand'Croix de l'Ordre national du mérite.
Mais pour elle, la consécration suprême a été le Prix Nobel Alternatif de la littérature en 2018.
Des établissements scolaires valorisent son travail, le collège de La Désirade porte son nom et on ne compte plus les manifestations célébrées en son honneur.
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Une soixantaine d'ouvrages à son actif
La riche bibliographie et les nombreux prix littéraires de Maryse Condé sont dévoilés par l'association Kaz a Condé, sur son site Internet :