C'est une première dans l'Hexagone. La ville de Sarcelles a inauguré ce vendredi 20 janvier son lycée Maryse Condé, en hommage à l'autrice guadeloupéenne qui a spécialement fait le déplacement. Âgée de 85 ans et fatiguée par une santé fragile, Maryse Condé n'a pas pris la parole, mais ne cachait pas son émotion devant la foule rassemblée autour d'elle. "Je suis venue pour montrer à ma fille qu'en tant que femme, on peut réussir", explique ainsi Carine, une habitante de la ville du Val-d'Oise qui compte une grande communauté antillaise. "Je suis honorée, de voir un monument historique, une femme antillaise qui puisse nous représenter."
Comme elle, de nombreux habitants ont fait le déplacement, ainsi que des personnalités du monde politique. Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice, a prolongé son séjour dans l'Hexagone afin d'assister à l'évènement. "Enfin, Maryse est reconnue dans l'immensité de son talent, dans la diversité des sujets qu'elle a traités, dans la constance avec laquelle elle a parlé aux générations à travers sa littérature", s'est-elle réjouie. L'ancienne députée de Guyane a exhorté les élèves à profiter du "plaisir de passer la porte d'un lycée Maryse Condé". "Réjouissez-vous de vous définir sous le marrainage, la tutelle, la protection, la lumière de Maryse Condé."
La multiculturalité à l'honneur
L'hommage était souhaité de longue date par la communauté éducative et les élèves de cet établissement, anciennement lycée de la Tourelle. Depuis deux ans, le comité Maryse Condé œuvrait pour que le lycée porte le nom de l'autrice de Moi, Tituba, sorcière de Salem. L'un des objectifs était de mettre en avant la multiculturalité de ce lycée, mais aussi de la ville et plus largement, de la France.
"On est certes en France, mais on est tous d'origines diverses et on est réunis dans un seul et même lycée, et Maryse Condé représente ça", abonde ainsi Mariam, élève membre du comité.
C'est une femme, une femme noire et elle représente la mixité culturelle.
Mariam, élève du lycée
Un symbole d'"universalité" et de "diversité", souligné par le député de la 2e circonscription de Guadeloupe, Christian Baptiste. L'élu a salué "l'excellence" de cet hommage à Maryse Condé, dont le nom a déjà été donné à un collège de sa circonscription, à La Désirade. À ses côtés, George Pau-Langevin, ancienne ministre des Outre-mer, rappelle que la banlieue est souvent dépeinte de manière négative. "Alors que vivre dans la diversité, dans la confrontation et la coexistence des cultures, c'est une richesse", ajoute-t-elle.
Que Maryse Condé soit ici, c'est une manière de mettre en évidence le profit pour tout le monde qu'il y a à reconnaître la diversité de la France.
George Pau-Langevin
Redorer l'image de la banlieue
Élève en seconde, Nourammar espère ainsi que cet hommage sera l'occasion d'un "nouveau départ" pour le lycée, qui souffre d'une image qu'elle estime "salie" à tort. "Ce lycée a un avenir et les élèves peuvent le construire, et sont en train de le faire."
Une fierté partagée par la nouvelle proviseure du lycée, Patricia Germé, arrivée récemment dans l'établissement. Originaire de Martinique, elle explique la "vraie volonté de rompre avec un passé assez tumultueux sur le territoire de Sarcelles" et "d'écrire un nouveau chapitre".
L'an dernier, elle était présente pour la pièce de théâtre préparée par les élèves en hommage à Maryse Condé. "L'atelier théâtre va devenir une option théâtre à la rentrée 2023", se félicite la proviseure. "C'est une vraie opportunité pour nos jeunes. Des jeunes stigmatisés, mais des jeunes avec de vrais talents, de vraies compétences et qui se sont totalement identifiés à Madame Condé."
Née en 1937 à Pointe-à-Pitre, Maryse Condé est l'autrice d'une œuvre de renommée mondiale, grâce notamment à l'épopée historique Ségou, parue dans les années 80. Également professeure et journaliste, en France comme aux États-Unis, en Côte d'Ivoire ou encore au Sénégal, elle connaît pourtant une reconnaissance tardive dans l'Hexagone. En 2018, l'autrice engagée a reçu le prix Nobel "alternatif" de littérature.