Ethéphon : les producteurs de bananes respectueux des règles paient les pots cassés, alors que les ventes baissent

Bananes Plantains
L’affaire de l’Ethéphon a impacté toute une profession, au sein de laquelle ils sont nombreux à œuvrer en conformité avec la réglementation. Pourtant, une nouvelle fois après l’usage du chlordécone, la confiance a été rompue avec une partie de la clientèle. Les ventes des bananes plantains, mais aussi des bananes desserts et des produits dérivés ont baissé.

La banane, très nutritive et riche (en antioxydants, fibres, potassium, minéraux...), était jusqu’ici le fruit le plus consommé en Guadeloupe. Mais est-ce toujours le cas ?

Depuis l’ouverture d’enquêtes, d’abord en Martinique, puis en Guadeloupe, suite à la découverte d’un usage frauduleux de l’Ethéphon pour accélérer la maturation et la coloration des bananes plantains, certains consommateurs les boudent.

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Les producteurs et les revendeurs ont en effet constaté un impact des récents évènements, sur les ventes. Après l’affaire Chlordécone, le dossier Ethéphon engendre de la suspicion ; on s’interroge, quant à ce qui semble être un nouveau scandale sanitaire, dans les Antilles françaises.

Les consommateurs suspicieux

Les consommateurs, dont beaucoup subissent encore les conséquences de l’utilisation de la molécule chlordécone dans l’archipel, ne savent plus à quel Saint se vouer. Quelques-uns, qui ont la chance d’avoir des bananiers chez eux, se contentent de leur propre production ; la confiance est pour l’instant rompue avec les professionnels. Ils réclament davantage de contrôles, sur les marchés notamment, pour en finir avec des pratiques interdites qui ont pourtant cours, faute de garde-fous suffisants, de leur point de vue.

C’est le cas de cette cliente :

Je viens sur le marché pour acheter des produits que je n’ai pas chez moi. Mais, il est hors de question que j’achète des bananes avec des produits chimiques, alors que j’ai toujours des problèmes avec le Chlordécone ! Je plante et je mange les bananes que je plante chez moi ou provenant de personnes que je connais ! Parce qu’ils font comme s’ils découvrent le problème, alors que c’est pratique de longue date, l’utilisation du produit, pas seulement en Martinique, mais en Guadeloupe aussi ! Arrêtons avec ça ! Il faut qu’il y ait davantage de contrôles alimentaires, parce qu’auparavant, il y en avait plus. Maintenant, tout le monde fait ce qu’il veut !

Cliente au marché

Consommatrice décidée à ne manger que les bananes qu'elle récolte chez elle.

Les professionnels impactés par l’affaire Ethéphon

Sur les marchés, les revendeurs ont du mal à écouler leurs bananes. Même les produits dérivés, à base du fruit, comme les « papitas haïtiens » (chips de bananes), trouvent de moins en moins preneurs, depuis deux semaines, selon les marchands que nous avons rencontrés. Idem, pour la banane dessert qui, pourtant, ne serait pas concernée par l’Ethéphon.

La banane plantain est désormais boudée par bon nombre de consommateurs.

Faute d’acheteurs sur les étals, les commandent sont en baisse chez les producteurs.
Ces professionnels veulent rassurer les consommateurs.

Bananes plantains

C’est le cas de Tino Damba, exploitant agricole, producteur de bananes, à Capesterre-Belle-Eau, qui estime que les journalistes ont fait mauvaise presse à la profession :

Je suis très mécontent par rapport aux journalistes, surtout en Martinique ! Ils ont fait un amalgame total sur la plantain et la banane dessert ! Ça n’a rien à voir. Aujourd’hui, les gens sont traumatisés.

Tino Damba, producteur de bananes à Capesterre-Belle-Eau

Tino Damba se félicite de fonctionner avec une murisserie professionnelle, sur place. Malgré tout, son exploitation subit les conséquences de l’affaire en cours, puisque ses clients vendent moitié moins qu’avant. L’homme est en colère :

Moi, je mûris et je vends sur place. J’ai des grossistes qui viennent chercher et, aujourd’hui, ils vendent moins de 50% de ce qu’ils avaient l’habitude de vendre tous les jours ! C’est grave ! On cherche toujours à faire du tort à une profession qui n’a rien fait à personne ! La plantain ne se vend plus, pourtant il y a des producteurs qui mûrissent la plantain de manière professionnelle. La banane dessert « Cavendish » ne se vend plus. On a 50% de perte !

Tino Damba, producteur de bananes à Capesterre-Belle-Eau

Tino Damba, producteur de bananes à Capesterre-Belle-Eau
Cartons de bananes non écoulées sur le marché, issus de l'exploitation de Tino Damba.

Contraste, du côté de Charles-Henry Adolphe, planteur de bananes lui aussi à Capesterre-Belle-Eau, qui conditionne une tonne de bananes plantains par semaine, tout au long de l’année. Ses commandes ont augmenté, ces derniers temps. Le fait est que sa clientèle est davantage composée de grossistes que de revendeurs sur le marché. Il suppose que certains confrères ont levé le pied, dans le contexte actuel, notamment le temps de trouver une murisserie qui fonctionne respecte les règles.

Est-ce que c’est parce que cette annonce par rapport à l’Ethéphon a fait peut-être peur à certains et, du coup, les producteurs se sont un peu stoppé, le temps de trouver un mûrisseur ? Parce que le problème, maintenant, c’est qu’il faut trouver un mûrisseur, pour mûrir la banane. Mais, en tout, cas, il y a une forte demande, en ce moment, même provenant d’autres clients qui m’ont déjà contacté. Je ne fais pas de vente sur le marché actuellement. Le ressenti que j’ai eu c’est que, peut-être qu’effectivement, tous ces producteurs qui étaient dans l’illégalité sont en train de se mettre dans la légalité.

Charles Henry Adolphe, planteur de bananes à Capesterre-Belle-Eau

Charles Henry Adolphe, planteur de bananes à Capesterre-Belle-Eau

Dans un fonctionnement normal, selon l’explication de Tino Damba, la production, une fois conditionnée, part en murisserie ; dès lors, elle est enfermée dans une chambre froide de gazage, durant 48 heures. Trois jours après, elle est livrée aux clients, parmi lesquels des grossistes qui assurent la distribution auprès des consommateurs ; ce qui peut prendre aussi un certain délai.
Il peut s’écouler jusqu’à 15 jours, entre la récolte et la consommation du fruit.

L'une des mûrisseries de l'exploitation de Tino Damba.