Ethéphon et Chlordécone sont bien deux produits distincts. Tel est le message délivré par Eric Capodanno. Le directeur scientifique du laboratoire Phytocontrol, basé à Nîmes, entend faire savoir que la molécule utilisée comme régulateur de croissance des plantes, qui fait couler beaucoup d’encre depuis un mois, ne serait pas toxique pour le consommateur, mais s’avère dangereux pour ceux qui l’utilisent.
Pour rappel, en août dernier, la découverte de l’utilisation frauduleuse de l’Ethéphon, pour accélérer le mûrissement des bananes plantains un vendues en Martinique, a donné lieu à des alertes sanitaires. Dans les jours qui ont suivi, les autorités de Guadeloupe ont ouvert une enquête, à leur tour, pour voir si la pratique a également été mise en œuvre dans l’archipel. Puis idem en Guyane.
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Des prélèvements ont été effectués un peu partout en Guadeloupe, par la Direction générale des territoires et de la mer, ainsi que par la Direction générale de la cohésion et des populations.
La découverte du produit sur les bananes a ravivé de douloureux souvenirs, liés au Chlordécone et au scandale sanitaire associé. Si bien que les ventes de bananes, des plantains mais aussi les bananes dessert, ont diminué au détriment aussi des producteurs respectueux de la réglementation.
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Ainsi, pour Eric Capodanno, il faut bien faire la distinction, entre les deux produits.
Différences entre Chlordécone et Ethéphon
Le Chlordécone est un organochloré qui est persistant, qui a une durée de vie de plusieurs dizaines d’années, à la fois dans les sols, dans les nappes phréatiques... Alors l’Ethéphon est un produit qui se dégrade très rapidement, qui a une durée de vie de quelques semaines à quelques mois, dans les sols et dans les eaux. Il va se transformer rapidement en un produit que l’on appelle l’éthylène, qui est une hormone naturelle que l’on va retrouver dans beaucoup de fruits, la pomme, la poire, mais aussi dans le fruit de la passion, en grosse quantité.
Eric Capodanno, directeur scientifique du laboratoire Phytocontrol
L’Ethéphon est donc un produit de synthèse qui se dégrade relativement rapidement, en un produit naturel, présent dans bon nombre de végétaux.
Si vous mettez une pomme au milieu d’un certain nombre de fruits qui sont verts, vous allez vous apercevoir que les fruits vont mûrir beaucoup plus facilement, autour de la pomme. Pourquoi ? Parce que la pomme va libérer naturellement cet éthylène, qui est un gaz rapidement libéré par ce fruit.
Eric Capodanno, directeur scientifique du laboratoire Phytocontrol
Consommation des bananes "sans risque"
Eric Capodanno l’assure : la consommation de bananes reste sans risque pour les consommateurs, au regard des faibles doses d’Ethéphon retrouvées sur les bananes des Antilles, proche des Limites maximales de résidus (LMR).
Il faut savoir que la toxicité de ce produit, à long termes, fait qu’il faudrait ingérer des quantités astronomiques de bananes, pour qu’elles puissent représenter un danger pour le consommateur. Ce qui, en gros, représente des dizaines de kilos de bananes à ingérer, tous les jours, tout au long de l’année, pour commencer à représenter un risque ; ce qui n’est pas le cas.
Eric Capodanno, directeur scientifique du laboratoire Phytocontrol
Les doses limites fixées par la Communauté européenne permettent de s’assurer qu’il n’y a pas de danger, à court terme ni à long terme, explique le scientifique, qui précise aussi que l’usage de cette même molécule est autorisé sur d’autres cultures (comme l’ananas), à des doses modérées, avant la récolte.
Toujours avant récolte. Ce qui fait que quand le fruit va être consommé, la quasi-totalité de l’Ethéphon pulvérisé sera déjà dégradé en éthylène, qui est une hormone naturelle.
Eric Capodanno, directeur scientifique du laboratoire Phytocontrol
Un risque pour les agriculteurs
Si l’Ethéphon n’est pas dangereux pour les consommateurs, il l’est en revanche très toxique pour les agriculteurs.
L’Ethéphon est autorisé, sur certaines cultures, avec des Limites maximales de résidus (LMR) relativement basses : on va le retrouver à des doses généralement inférieures à 1 mg/kg. Ce sont des doses acceptables, par rapport au risque de toxicité chronique (c’est-à-dire sur du long terme) et par rapport au risque de toxicité aigu (à court terme), sachant que c’est un produit qui peut être considéré comme légèrement toxique, essentiellement pour la personne qui va pulvériser le produit sur les cultures.
Eric Capodanno, directeur scientifique du laboratoire Phytocontrol
Dans ce cas, la peau, les voies respiratoires (par inhalation) et également les yeux sont exposés et peuvent être impactés par les effets de l’Ethéphon.