La suspension de l'avocat Charles Nicolas renouvelée pour six mois

L'avocat Charles Nicolas à la sortie du tribunal de Pointe-à-Pitre, 8 février 2023.
L’ancien double bâtonnier du barreau de la Guadeloupe demeure suspendu pour 6 mois supplémentaires. Ainsi en a décidé la Cour d’Appel de Basse-Terre, le 20 octobre dernier. Un arrêt passé quelque peu inaperçu et qui pourtant fourmille d’informations sur un dossier potentiellement explosif.

L’arrêt long de 10 pages compte nombre d’informations à ce jour inédites.

La Cour écrit que selon les éléments du dossier, Me Nicolas a pu utiliser "sa qualité d’avocat pour déterminer de multiples clients victimes, dont certaines étaient particulièrement vulnérables, à lui confier leurs procédures d’indemnisation dans des conditions financières abusives, notamment des conditions de rémunérations parfois discrétionnaires et souvent exorbitantes".

Et les magistrats de préciser qu’il s’agissait "du taux des honoraires imposés par Me Nicolas et du délai de remise des fonds reliquataires aux intéressés après paiement sur le compte CARPA de ce dernier"

La Carpa est la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats. C’est à travers cet organisme que transitent les sommes octroyées aux victimes, au titre des dommages et intérêts.

De leurs côtés, les avocats de Me Charles Nicolas ont fait valoir que les faits prévenus dans ce dossier remontent à février 2014, et que moins d’une dizaine de clients ont déposé plainte sur les 297 entendus par les enquêteurs.
Un argument retoqué par la Cour d’Appel qui juge qu’il s’agit là de la conséquence "d’une forme de crainte révérencielle toujours actuelle des clients" à l’égard de l’avocat.

En conclusion, la Cour d’Appel de la Guadeloupe a ordonné le renouvellement pour une durée de 6 mois de la suspension provisoire de Me Charles Nicolas de ses fonctions d’avocat.

Contacté, Me Philippe Edmond Mariette, l’un des membres de l’équipe de défense, n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Me Josselin Troupé, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Guadeloupe, indique de son côté que "le Barreau, à ce stade, prend acte de cette décision et ne se pourvoie pas en Cassation".

À ce stade de la procédure, Me Charles Nicolas demeure présumé innocent.

Rappel chronologique

Le 8 février, Me Charles Nicolas est mis en examen pour abus de confiance commis au préjudice d’une personne vulnérable, blanchiment aggravé et escroquerie, à l’issue d’une longue enquête menée par la section de recherches de la gendarmerie de la Guadeloupe, sous l’autorité d’un juge d’instruction de la JIRS de Fort de France.  Laissé en liberté, l’ancien double bâtonnier est néanmoins astreint à un contrôle judiciaire, qui prévoit notamment une interdiction d’exercer.

Le 24 février, le conseil de l’ordre des avocats de Guadeloupe, en tant qu’organe disciplinaire, prononce la suspension provisoire pour une durée de 6 mois. L’ordre justifie sa décision au motif que les faits reprochés à Charles Nicolas sont "de nature à porter atteinte à la confiance que le public porte à la profession d’avocat".

6 mois plus tard, soit le 21 août, le conseil de l’ordre décide cette fois de ne pas renouveler la suspension d’exercer, au motif que le juge d’instruction a repris "à l’identique les termes de sa première saisie". 

Le 5 septembre, Eric Maurel, le procureur général de la Guadeloupe, fait appel de la décision du Conseil de l’ordre. L’affaire est enrôlée le 29 septembre et débattue en audience publique. Le 20 octobre, l’arrêt de la Cour d’Appel de la Guadeloupe ordonne "le renouvellement pour une durée de 6 mois (…) de la suspension provisoire de Me Charles Nicolas de ses fonctions d’avocat"

Le 3 novembre 2023, l’arrêt de la Cour d’Appel est publié sur le site doctrine.fr, un moteur de recherche d’informations juridiques.

Le 16 novembre, Me Josselin Troupé, le bâtonnier de l’ordre des avocats de la Guadeloupe, par ailleurs actuel président de la Carpa-Guadeloupe, envoie en urgence à ses pairs un rappel sur les procédures relatives aux honoraires…