Le "Père fondateur du cinéma antillais" Christian Lara s’est éteint à l’âge de 84 ans

Le réalisateur Christian Lara.
C’est au CHU de La Meynard, en Martinique, que le cinéaste guadeloupéen Christian Lara a rendu son dernier souffle, samedi soir. Ce, après avoir offert au monde du 7ème art plus d’une vingtaine de longs métrages, dont le dernier né, en cours de réalisation, "L’Homme au Bâton".

Le cinéaste Guadeloupéen Christian Lara s’est éteint au Centre hospitalier universitaire (CHU) de La Meynard, en Martinique, hier soir (samedi 9 septembre 2023), en début de soirée. Celui qui était considéré comme le "père fondateur du cinéma antillais" avait 84 ans ; il était né à la rue Baudot, à Basse-Terre en 1939.

Amoureux du 7ème art, en plus de 50 ans de carrière, Christian Lara a tour à tour, ou tout à la fois, œuvré comme réalisateur, scénariste, cadreur et producteur ; on le disait aussi pionnier dans l’histoire des réalisateurs noirs.
Malgré l’éloignement, il est toujours resté attaché à sa terre natale.

Sans rêves, il n’y a pas de films. Sans rêves, il n’y a pas de créateurs. J’ai toujours aimé mon île. Quand je l’ai quittée, au début de mon adolescence, pour suivre mon père muté en Afrique, j’ai emporté un peu de la terre de la Guadeloupe. Pourquoi ? Je n’en savais rien. Mais au fur et à mesure de mon véritable exil, cet amour ne s’est jamais atténué.

Christian Lara, cinéaste guadeloupéen (25/01/1939 - 09/09/2023)

Il travaillait actuellement, en tant que réalisateur et coproducteur, sur la production du long-métrage "L’homme au bâton" ; un film inspiré du roman éponyme d’Ernest Pépin, dont nous avions suivi le tournage en mai dernier, en Guadeloupe et que Christian Lara a mué en "légende créole".
Le producteur Gnama Baddy Dega, qui travaillait avec lui sur ce projet se dit dévasté, aujourd'hui :

Gnama Baddy Dega, producteur de cinéma ©Rudy Rilcy - Guadeloupe La 1ère

Journaliste à ses débuts (il a notamment travaillé au Figaro), Christian Lara a réalisé plus d’une vingtaine de longs métrages ayant pour théâtre les Antilles, mais aussi l’Hexagone, l’Europe, ou encore l’Afrique. En voici la liste :

  • 2023 : "L’Homme au bâton, une légende créole" (Guadeloupe) ;
  • 2020 : "AL" (Marie Galante) ;
  • 2018-2019 : "Yafa le pardon" (Paris) ;
  • 2017-2018 : "Un été en Provence" (Provence) ;
  • 2016-2018 : "Esclave et courtisane" (France/Côte d’Ivoire) ;
  • 2015-2018 : "The Legend" (Polynésie / Suisse) ;
  • 2010-2018 : "Héritage perdu" (Gabon / Cameroun) ;
  • 2015: "Intimity" (Provence) ;
  • 2014 : "Le Mystère Joséphine" (Martinique) ;
  • 2014 : "Pani pwoblèm" (Saint Martin) ;
  • 2011 : "Tout est encore possible" (Bourgogne-Martinique) ;
  • 2004 : "Cracking Up" (Sainte Lucie) ;
  • 2003 : "2 ou 3 choses d’elles" fiction TV (Guadeloupe) ;
  • 2003 : "1802 : l’épopée guadeloupéenne" (Guadeloupe) ;
  • 2000 : "Papa, est-ce que je peux venir mourir à la maison ?" (Sainte Lucie) ;
  • 1998 : "Sucre amer" (France / Canada) ;
  • 1991 : "Une sacrée Chabine" (Martinique) ;
  • 1988 : "Black" (Sénégal / Tunisie) ;
  • 1983 : "Adieu foulard" (Guadeloupe) ;
  • 1981 : "La Fête des mères" (Occitanie) ;
  • 1980 : "Vivre ou mourir" (Guadeloupe) ;
  • 1979 : "Mamito" (Guadeloupe) ;
  • 1979 : "Chap’la" (Guadeloupe) ;
  • 1978 : "Coco-La-Fleur, candidat" (Guadeloupe) ;
  • 1978 : "Un amour de sable" (Belle île en mer) ;
  • 1973 : "Jeu de dames" (Belle île en mer).

Lors de la 21ème édition du Pan African Film Festival de Los Angeles, un vibrant hommage lui avait été rendu, en 2013 ; il s'était alors vu décerner le "Pioneering Filmmaker Award" pour l'ensemble de sa carrière (un moment à revoir ci-dessous) :

Son début de carrière, dans le cinéma a été marqué par des productions plus alimentaires, teinté d'érotisme. C'est au fil de son parcours, en se faisant un nom, qu'il a cherché à permettre à la diaspora de se montrer et de se voir.
Il avait été fier de présenter, à ceux qui ne l'avaient pas encore vu, son film "Coco-La-Fleur", il y a quelque temps, au FEMI, le Festival régional et international du cinéma de Guadeloupe :

50 ans de cinéma de Christian Lara ©Guadeloupe La 1ère

Son œuvre est riche, puisqu'il est passé du divertissement, aux messages revendicatifs, en passant par la politique et l'histoire.

Hommages

Alors qu'il n'a pas véritablement su toucher un large public, beaucoup tout de même se souviendront de son travail, parmi les Guadeloupéens notamment :

Des Guadeloupéens rendent hommage à Christian Lara ©Rudy Rilcy - Guadeloupe La 1ère

Le président du Département de la Guadeloupe, Guy Losbar, salue la mémoire du pionnier du cinéma antillais :

Christian Lara a su mettre en scène, à travers l'image, nos modes de vie, nos rapports sociaux, des questions importantes comme l'emploi, le développement économique, l'histoire, l'identité culturelle. En somme, il a su par le cinéma rendre compte de notre "Vivre ensemble". Christian Lara a fait jouer de nombreux acteurs, tels que Greg Germain, Ibo Simon, Roger Tannous, Luc Saint-Eloy.

Communiqué du Conseil départemental de la Guadeloupe

La réalisatrice antillaise Mariette Monpierre a aussi exprimé sa tristesse, se rappelant que Christian Lara était le premier à lui donner sa chance, en l'impliquant dans l'un de ses projets ; le début d'une série de collaborations :

Mariette Monpierre, réalisatrice ©Guadeloupe La 1ère

Le président de la Région Guadeloupe, Ary Chalus, a exprimé sa "gratitude" et son "profond respect" pour le cinéaste qui, en plus de produire des films, a su transmettre et accompagner la jeunesse :

Avec le décès de Christian Lara, la Guadeloupe perd un monstre sacré du cinéma, un précurseur pour les cinéastes guadeloupéens et l’ensemble du monde du cinéma antillais. En 50 ans de carrière il laisse en héritage une filmographie exceptionnelle et audacieuse érigée en légende. Il a eu à cœur de mettre en valeur le talent de nos acteurs Antillais et les paysages de notre territoire (...). Christian Lara était soucieux d’élaborer un modèle économique qui facilite la réalisation de longs métrages. Sa contribution aux côtés de la Région Guadeloupe, lors du lancement de l’appel à projets pour la production de courts-métrages a été essentielle pour les nouvelles générations avec qui il s’était entretenu pour l’occasion au lycée de Pointe-Noire.

Communiqué du Conseil régional de la Guadeloupe