Les vrais enjeux de la visite de Sébastien Lecornu en Guadeloupe

Avant même que la visite du ministre des Outre-mer ne se soit achevée, on peut déjà conclure qu'elle est un échec quant au règlement de la situation. Mais, en revanche, s'il s'agissait de mettre les élus guadeloupéens au pied du mur pour qu'ils trouvent eux-mêmes les solutions, c'est une réussite

Devant les deux réunions proposées par lui et rejetées par ses interlocuteurs, on pourrait estimer que le ministre des Outre-mer est venu en Guadeloupe pour rien, ou presque.
Certes, dès son arrivée, il a pu réaffirmer son soutien aux forces de l'ordre pleinement engagées dans le rétablissement de la sécurité en Guadeloupe.
Par ailleurs, Sébastien Lecornu a tenu à reformuler ses termes quant au débat sur la "domiciliation des pouvoirs" revendiquée par certains élus.
Enfin, il s'est dit prêt à entendre les situations particulières des soignants mis à pied en raison de leur rejet de la vaccination et à proposer un plan pour 1000 emplois aidés en Guadeloupe.
Bien peu à côté de tout ce qui était attendu de lui.

Un objectif peut en cacher un autre

S'il ne fallait considérer la situation que sur cet unique angle, on aurait tôt fait de conclure que cette visite n'aura pas servi à grand chose. Mais en y regardant de plus près, on se rend bien compte que c'était probablement le scénario voulu. 
En effet, Sébastien Lecornu avait clairement fait savoir qu'il ne rejouerait pas la scène de 2009. Il ne venait que pour 24 heures. Une visite dès le début polluée par le débat autour de l'autonomie, comme pour piéger les élus face à leurs propres demandes. 
La réponse à cette demande n'aura certes pas été l'ouverture d'un débat sur l'autonomie, la question n'étant pas à l'ordre du jour, mais un renvoi de la balle des revendications du Collectif dans les pieds des élus.
Et c'est peut-être cela l'objet réel de la visite du ministre.

Ce qu'il fallait démontrer

A bien y regarder, cette crise aura montré une nouvelle façon pour l'Etat de gérer les questions relatives à l'Outre-mer. Emmanuel Macron l'avait dit, le temps de l'Etat Père Noël est bel et bien terminé.
Souvent pointer du doigt par les élus ou les organisations syndicales, l'Etat fait ici la démonstration de la première des domiciliations du pouvoir, celle que la loi NOTRé a mise en oeuvre en renforçant et en organisant les pouvoirs des collectivités locales.
Ainsi, les questions relatives à la mise aux normes antisismiques des établissements scolaires relèvent uniquement de la région pour les lycées, du département pour les collèges, des communes pour les écoles. De même, toutes les questions relatives au corps des sapeurs pompiers relèvent du département. Celles qui portent sur la formation concernent en premier lieu la Région.
Des exemples qui montrent que désormais, ce sont bien les élus, et particulièrement les collectivités locales, mais aussi les parlementaires, qui seront les partenaires du Collectif d'un côté et de l'Etat d'autre part. 
Leur conférence de presse commune ce lundi après-midi signe officiellement ce nouveau pact qui donnera désormais un nouveau visage à la manière dont la politique sera faite en Guadeloupe.

Voir : Le choix des élus guadeloupéens face au ministre des Outre-mer

Difficile alors de parler d'échec pour cette visite de Sébastien Lecornu. L'Etat en tout cas n'a eu besoin que de ces 24h pour faire naître ce nouvel espace politique unanimement porté par les élus guadeloupéens.
C'était peut-être cela le véritable enjeu de cette visite ministérielle.
 

©Guadeloupe

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Voir aussi : Sébastien Lecornu achève sa visite en Guadeloupe : "Pour qu'on avance, il faut que chacun fasse un pas"