Les 29 migrants haïtiens interceptés au large du bourg de Bouillante mardi matin (14 mai 2024) ont été autorisés, par le tribunal administratif de la Guadeloupe, à faire valoir leur droit d’asile. La décision a été communiquée en fin de journée de ce jeudi, alors que l’audience s’est tenue à 14h30, suite au référé-liberté déposé par un collectif d’avocats, mercredi après-midi.
Les trois juges de référé du tribunal administratif soulignent, par ailleurs, une carence de l’Etat dans le traitement des situations des ressortissants haïtiens. Les ressortissants haïtiens concernés ont clairement fait savoir qu’ils demandent l’asile à la France. Et ce, à plusieurs reprises, dès leur interpellation puis leur rétention. Ces demandes réitérées, non équivoques, n’ont pas été traitées. Il s’agit d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile. Il est demandé au préfet de faire toutes diligences pour instruire ces demandes, y compris avec l’aide d’un avocat. Pour ce faire les migrants bénéficient d’une aide juridictionnelle provisoire.
Cette injonction, en revanche, n’est pas accompagnée d’une entrée sur le territoire national. Les 29 personnes, dont 5 enfants, restent en zone d’attente. Les arrêtés de refus d’entrée sur le territoire n’ont pas été suspendus. Les juges estiment que leur rétention ne porte pas atteinte, de façon grave et illégale, à leur liberté d’aller et venir, dès lors que ces personnes ne sont pas munies de titre de séjour régulier.
Si elles restent en zone d’attente, leurs conditions d’hébergement doivent toutefois être améliorées. L’État doit appliquer les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et les dispositions, tout aussi fondamentales, de la convention internationale des Droits de l’Enfant.
Un accueil dans des conditions spartiates
De 30 à leur descente du voilier qui les a conduits en Guadeloupe, ils n'étaient plus que 29 Haïtiens, hier soir. La trentième personne qui les accompagnait a été placée en garde à vue, mercredi ; cet homme est soupçonné de faire partie du groupe de passeurs. Il a donc rejoint ses présumés complices.
Les migrants, eux, ont passé leur deuxième nuit en Guadeloupe dans le "hall charter et croisières" de l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes. Le bâtiment a été opportunément reconverti en zone d’attente, comme le prévoit l’arrêté préfectoral du 21 novembre 2022.
On était loin du confort de l’hôtel 3* Saint-Georges à Saint-Claude, de la nuit précédente. Les conditions d’accueil, cette fois, étaient plutôt spartiates, comme a pu le constater Jean-Pierre Huveteau. En tant que membre de l’Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFÉ), il a le statut de visiteur de zone d’attente.
Ils sont traités comme on traite des migrants, c’est-à-dire avec des prestations de « type hôtelier » qui sont prévues par la loi : c’est un hall avec 30 lits de camp, il n’y a pas de table, ils sont hommes et femmes mélangés et, parmi eux, il y a des enfants, dont un de 4 ans.
Jean-Pierre Huveteau, de l’ANAFÉ
Pour prendre une douche, les clandestins ont dû rejoindre le bâtiment principal de l’aéroport et en traverser le rez-de-chaussée, sous escorte policière.
Leur plan était d’atteindre un territoire américain, selon les informations glanées par l’adhérent à l’ANAFÉ.
D’après ceux avec qui j’ai pu parler, leur destination réelle c’est les Îles Vierges Américaines. Autrement dit, Saint-Thomas, parce qu’une fois arrivés là, ils sont en territoire américain et ils sont libres. S’ils sont interceptés sur le territoire américain, s’ils sont en mer on les renvoie, s’ils sont à terre on les garde.
Jean-Pierre Huveteau, de l’ANAFÉ
Le Tribunal administratif a tranché
Pour rappel, les Haïtiens devaient être fixés sur leur sort, ce jeudi 16 ma. Le tribunal administratif a, en effet, examiné le référé-liberté déposé par un collectif d’avocats. Ce dernier avait empêché la reconduite à la frontière de 20 d’entre eux, hier, alors qu’ils étaient déjà à bord d’un vol à destination d’Haïti.
Même si les familles avec enfants n'étaient pas expulsables (il s’agit de 10 personnes), les migrants étaient tous été maintenus ensemble, car tous concernés par cette procédure judiciaire. La présidente du tribunal les a donc autorisés à entrer sur le territoire français et à déposer leur demande d'asile.
À ce sujet, Jean-Pierre Huveteau était particulièrement confiant, compte tenu du contexte de crise en Haïti.
Les passeurs auront à répondre de leurs actes
Et, à propos des passeurs, à la fin de leur garde à vue, ils ont été relâchés et sont convoqués le 14 février 2025 devant le tribunal correctionnel de Basse-Terre, pour répondre d’aide au séjour en bande organisée. Le voilier et les 13.000€ trouvés à bord sont saisis.