Hélios Latchoumanaya va finir par prendre l'habitude. Depuis dimanche, le jeune Guadeloupéen atteint de déficience visuelle a la flamme au bout des doigts. Mardi 27 août, à J-1 du lancement officiel des Jeux Paralympiques, le champion du monde de para judo a participé à un des 12 relais de la flamme paralympique qui parcourt le pays depuis son allumage en Angleterre le week-end dernier.
Déjà, dimanche soir, il avait participé à cette grande fête du relais en étant un des porteurs du flambeau devant des milliers de festivaliers qui assistaient à Rock en Seine, dans le Parc de Saint-Cloud. Tel une star, le médaillé de bronze aux Jeux de Tokyo s'est présenté sur scène, brandissant fièrement la torche de Paris 2024 aux côtés de la DJ Barbara Butch et de la dessinatrice Marjane Satrapi. Cette foule était un préambule de la ferveur qui devrait agiter le public qui viendra le soutenir lors de son épreuve de para judo la semaine prochaine.
En attendant la compétition purement sportive, Hélios Latchoumanaya, double champion du monde et double champion d'Europe dans sa catégorie des -90 kg, se prend au jeu d'être devenu une sorte de mascotte de ces Paralympiques.
Raviver la ferveur des JO
Mardi matin, dans la petite allée de Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis, où le judoka patiente tranquillement que la flamme vienne à lui, la foule est certes un peu moins dense qu'à Rock en Seine. Mais la fierté reste la même. "C’est un vrai honneur de porter cette flamme paralympique et de partager ce moment avec tous les porteurs de flamme", dit le Guadeloupéen. Vêtu du mythique habit blanc des relayeurs, il a voulu ajouter une touche colorée à sa tenue en teignant la pointe de ses dreadlocks aux couleurs du drapeau français.
On profite pour l’instant, et après, on va vraiment rentrer dans la bulle, on va vraiment être focus. On va tout mettre en place pour être à fond le jour J et aller chercher le titre.
Hélios Latchoumanaya, para judoka
Sa compagne et sa belle-mère ont accouru pour le retrouver au point de repère 26, lieu d'où il doit commencer son parcours. "Je suis venue le soutenir, indique Lauriane, sa compagne. Je vais essayer de faire les 200 mètres avec lui."
Le relais de la flamme paralympique, bien moins long que celui de la flamme olympique, doit permettre aux Français de replonger dans l'ambiance exceptionnelle qu'a connue le pays pendant les Jeux Olympiques. "J’aimerais que ce soit comme pour les valides : que tout le monde soit à fond derrière les paras, qu’ils donnent toute leur énergie à les encourager", espère Lauriane.
La caravane approche. Les sonos à fond tentent, tant bien que mal, de mettre de l'ambiance dans les rues calmes de Livry. Des personnes distribuent des canettes et des chapeaux aux badauds rassemblés dans la rue pavillonnaire. Quelques minutes plus tôt, le flambeau est parti de Montfermeil pour traverser Livry-Gargan, direction Sevran. Il devait ensuite continuer son périple en Seine-Saint-Denis entre Épinay-sur-Seine et Villetaneuse.
En fin de journée, la flamme se rapprochera un peu plus de la capitale lors de l'ultime parcours du jour dans le département entre Le Pré-Saint-Gervais et Bobigny. Au total, 12 flammes traversent la France hexagonale pour converger vers le cœur de Paris. Elles se rassembleront lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Paralympiques, mercredi soir.
Visiblement un peu nerveux, Hélios Latchoumanaya, déposé à son point de départ par un bus, attend que le cortège débarque. Des dizaines et des dizaines de policiers quadrillent le parcours. Les organisateurs veillent au bon déroulement du relais. Tout est chronométré. Une dame, torche à la main, approche tranquillement du judoka. Les deux tendent leur torche pour que les bouts se rejoignent. Celle d'Hélios s'enflamme.
C'est parti : le Guadeloupéen de 24 ans s'élance dans l'allée, flamme au bout des doigts. On lui souffle de trotter un peu. Il doit parcourir 200 petits mètres, jusqu'au prochain relayeur. Autour, certains, dont ses proches, s'élancent en même temps que lui, sur les trottoirs. Des jeunes de la commune sortent leur téléphone portable pour immortaliser le moment. D'autres curieux restent statiques sur les bords de la route, encourageant le jeune para athlète.
"Je suis très admirative de tous ces sportifs, confie Monique, une grand-mère venue assister à l'évènement. C’est un bel exemple pour notre jeunesse." Un peu plus loin, Marcel et Jean-Claude, originaires de Martinique qui habitent dans le coin, regardent le cortège passer. "C'est formidable", lâche l'un. "Le relayeur, il a su réchauffer le cœur des riverains", s'enthousiasme l'autre.
À l'image de ces Jeux de Paris 2024, à la fois longs, intenses, mais que l'on a à peine le temps de voir passer, le relais d’Hélios Latchoumanaya touche vite à sa fin. Déjà, le prochain relayeur, Cédric Mocellin, l’attend dans son fauteuil roulant pour prendre la suite. "J'ai beaucoup de chance et de reconnaissance d’être ici, sourit le Guadeloupéen une fois sa course terminée. C'était que du kif ! C’est toujours un plaisir de représenter la métropole et les Outre-mer."
La flamme paralympique continue sa déambulation en Seine-Saint-Denis. Mercredi soir, on la retrouvera à Paris, pour le lancement officiel des Jeux Paralympiques. Hélios Latchoumanya, lui, monte dans un bus qui vient le récupérer. Après la fête, les choses sérieuses vont commencer. Samedi 7 septembre, il sera sur les tatamis de l'Arena Champ-de-Mars avec un seul objectif en tête : remporter la médaille d'or paralympique, la seule qui manque à son palmarès.